« Librairies catholiques, suite et pas finAppel à une nouvelle croisade »

Souvent le beau varie

13.07.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Vieux con

Depuis quelques jours, France Inter nous vante les mérites du dernier opus logorrhéique de Guillaume Musso. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de lire du Guillaume Musso. Moi, si, et pas plus tard qu'aujourd'hui. Son style est — comment dire ? — spécial, absent, lourd, vide, infatué ; les qualificatifs me manquent. Il rejoint Marc Lévy dans le panthéon des stakhanovistes de la sous-littérature francophone payée à la ligne.

Je n'ai pas la prétention d'avoir du style mais j'aurais honte d'envoyer un tel tapuscrit à un éditeur. En revanche, je sais parfaitement reconnaître un bon livre d'un mauvais. De deux choses l'une, ou Musso est incapable faire la même chose, ou il ne se relit pas. Dans tous les cas, cela pose un sérieux problème.

On ne peut pas dire que ses idées soient mauvaises mais son écriture gâche tout. On aime ou on n'aime pas Camus, Sartre, Aragon, Gide, Anouilh, Péguy ou Claudel sans oublier tous les autres, mais tous ces auteurs sans exception avaient une plume, un style, une qualité d'écriture.

Rien que pour vous, voici un extrait du roman « Je reviens te chercher » de Guillaume Musso :

Dépêchez-vous de vivre, dépêchez-vous d'aimer. Nous croyons toujours avoir le temps, mais ce n'est pas vrai. Un jour nous prenons conscience que nous avons franchi le point de non-retour, ce moment où l'on ne peut plus revenir en arrière. Ce moment où l'on se rend compte qu'on a laissé passer sa chance.

J'aurais tendance à appeler ça de la philosophie de comptoir assortie à une absence de qualité littéraire tout à fait exceptionnelle et qu'on ne peut retrouver qu'avec difficulté dans des cours de collèges. Comme je suis joueur, je mets à côté de la prose de Musso quelques vers d'Aragon tirés des « Feux de Paris » :

Toujours quand aux matins obscènes
Entre les jambes de la Seine
Comme une noyée aux yeux fous
De la brume de vos poèmes
L'Île Saint-Louis se lève blême
Baudelaire je pense à vous

Lorsque j'appris à voir les choses
Ô lenteur des métamorphoses
C'est votre Paris que je vis
Il fallait pour que Paris change
Comme bleuissent les oranges
Toute la longueur de ma vie

Mais pour courir ses aventures
La ville a jeté sa ceinture
De murs d'herbe verte et de vent
Elle a fardé son paysage
Comme une fille son visage
Pour séduire un nouvel amant

Rien n'est plus à la même place
Et l'eau des fontaines Wallace
Pleure après le marchand d'oublies
Qui criait le Plaisir Mesdames
Quand les pianos faisaient des gammes
Dans les salons à panoplies

La comparaison est cruelle. Comment, après avoir lu les quelques vers d'Aragon, peut-on encore qualifier la production de Musso de littérature ? Je ne vois qu'une seule explication plausible. Les gens qui lisent du Musso n'ont aucun point de repère, aucun point de comparaison. Le fait de voir et d'entendre partout parler de Musso — ou de Lévy, parce qu'entre nous, ce que je reproche à Musso peut être reproché dans les mêmes termes à son alter ego — leur fait accroire que c'est de la grande littérature qu'il faut absolument avoir lu.

Musso ne sera jamais le Claudel du XXIe siècle. Heureusement d'ailleurs, il y a bien d'autres écrivains comtemporains avec de réels talents. Gageons seulement que la mode actuelle est tellement mauvaise qu'elle finira par passer.

 

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