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Grandeur et décadence de la magistrature

24.06.20 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Déclaration de guerre

Hier, j'ai continué mon tour de France pour compléter mon guide Gault & Millau des tribunaux de France et de Navarre. Je n'ai vraiment pas été déçu du déplacement. C'est une occupation comme une autre.

La dernière réforme des pôles sociaux m'a envoyé dans une cour d'appel assez loin de mon domicile et joignable uniquement par des petites routes de campagne dont une bonne partie de petites routes départementales en moyenne montagne. Deux cents kilomètres de virages avec des tracteurs (les moissons ont commencé), des touristes qui se baladent avec leur camping-cars, des groupes de randonneurs. La route est agréable et extrêmement bucolique. Googlemaps indiquait trois heures de route, ce que je savais être très optimiste. Michelin indiquait quant à lui 3h40, ce qui s'avérera bien plus proche de la réalité.

Ma XM étant chez le garagiste pour cause d'automatisme de chauffage coincé sur chaud, la DS23 ainsi que le Type 23 étant planqués, ne pouvant m'y rendre décemment avec le MF825, j'ai résolu de m'y rendre avec la décapotable, une antique 2CV. Je pars confiant et un peu nerveux — j'ai une sainte horreur de batailler avec des magistrats corrompus — vers 8h30 pour une audience qui doit normalement se tenir à 14h00. Le début du trajet se passe bien, je me trompe deux fois de route puisque sur les départementales, les panneaux indicateurs ne semblent pas s'intéresser aux villes du département d'à-côté. Heureusement que mon téléphone fait aussi GPS !  Au bout d'une centaine de kilomètres, il me faut trouver de l'essence. Et là, j'ai un petit problème. La 2CV6 accepte d'origine de l'essence sans plomb sans poudre de perlimpinpin, mais seulement du super, c'est-à-dire du SP98 et non de l'ordinaire (SP95). Toutes les pompes que je trouve sur mon passage sont en rupture de SP98 avec un petit panneau à chaque fois indiquant une livraison pour mardi soir. Heureusement que je n'attends pas d'être sur la réserve pour chercher un pompiste ! Je finis par trouver ce que je cherche et je continue ma route. J'arrive à l'entrée de la grande ville du coin où se trouve cette cour d'appel, trouve un endroit pour avaler rapidement un sandwich et dépose ma voiture au parking du palais de justice.

Ce palais de justice porte bien son nom. Lorsqu'on le voit, on peut être rassuré, nos impôts sont bien utilisés. Les travaux semblent récents et onéreux — il y a même une exposition pour voir combien ces travaux ont été pharaoniques — et je me surprends à penser à l'absence de décence des magistrats qui râlent copieusement contre le manque de moyens de leur ministère de tutelle alors même qu'il était sans aucun doute possible de restaurer un palais de justice pour un budget deux à trois fois moindre en ayant exactement les mêmes fonctionnalités. Un ancien président l'a dit, ce n'est pas cher, c'est l'état qui paie. C'est pourtant d'autant plus étrange que certains travaux fleurent bon le bricolage. Il y a un sas devant les salles d'audiences, ce sas étant en verre avec des portes qui se ferment automatiquement (il y a un groom). Ces cloisons en verre montent bien à cinq ou six mètres et, pour qu'on ne distingue pas ce qu'il se passe à l'intérieur des salles d'audiences, la seconde porte restant elle ouverte, un coup d'acide a été passé au rouleau pour tenter d'opacifier le bas du verre. Le résultat est absolument ignoble. Passons, mais le droit est respecté, la porte de la salle d'audience est objectivement ouverte. Le sas, quant à lui, est fermé, mais il ne s'agit pas de la porte de la salle d'audience, n'est-ce pas ? La loi est donc respecté à la lettre. On passera sous silence l'esprit de la loi.

Trouvant ma salle d'audience, je remarque une fois de plus que le rôle est inexistant. Pour être tout à fait honnête, depuis que je pratique les tribunaux, je ne l'ai vu affiché que par deux d'entre eux : le tribunal de commerce de Paris et le tribunal de grande instance de Nanterre qui, pourtant, n'est pas connu pour avoir un grand respect des règles de procédure. En revanche, à la place du rôle, je trouve l'indication suivante :

Audience collégiale chambre sociale

Quoi de plus normal, nous sommes en appel et je n'ai pas accepté une audience à juge unique. J'entre dans la salle avec deux témoins. Les juges étant tellement imbus d'eux-mêmes et de leur supériorité en prétendant non appliquer le droit existant mais en édictant le droit, il est nécessaire de pouvoir faire acter tout ce qui se dit dans un prétoire. Je vais me présenter devant un greffier jovial voire hilare en entendant mon nom. Ça commence bien. Très bien, ne t'en fais pas, j'ai une certaine habitude de ce Grand Guignol. Je retourne m'asseoir en respectant les mesures barrières imposées aux français parce qu'ils sont assez incultes pour ne pas comprendre le mot prophylaxie. Comme on les assomme de féminicide alors que le Larousse de 1924 parle d'uxoricide. Il n'y a pas à dire, nous vivons dans une époque qui a réussi à résoudre tous les problèmes de société en appelant un chien un chat !

Mais revenons à cette salle d'audience. L'affreuse petite sonnette retentit. D'une porte, à droite apparaissent l'un derrière l'autre le président puis ses assesseurs. Tiens ? Non ? La collégialité est réduite à un seul juge, sans doute est-il plusieurs dans sa tête. Je pense intérieurement que, finalement, la vie à deux, c'est mieux. Devenez schizophrène !

D'emblée, ce magistrat débite un petit laïus sur le fait que des personnes dans la salle ne semblent pas bien connaître la procédure, qu'il a reçu des courriers et qu'il faut absolument pour respecter le principe de la procédure contradictoire, que toutes les parties discutent entre elles. Ce petit discours était sans doute entièrement à mon intention. Je l'ai apprécié à sa juste valeur même si j'ai pensé intérieurement que c'était justement parce que je connais bien la procédure que je refuse de parler au prétendu baveux de la partie adverse. Je ne bronche pas, je souris intérieurement en me disant que j'allais m'amuser avec lui.

Arrive l'appel des causes. Il y a un tas de dossiers qui ne concernent pas des caisses de sécurité sociale puis arrive mon dossier, bon dernier. J'ai une certaine habitude, je suis un poil à gratter et il ne faut surtout pas donner des idées aux baveux qui pourraient s'en inspirer. Enfin, s'en inspirer si tant est qu'ils les comprennent parce que j'ai rarement, très rarement, vu un avocat qui rentre d'emblée dans le lard d'un magistrat sur des problèmes procéduraux. Bien au contraire, ils se couchent parce qu'il ne faut surtout pas se fâcher avec un magistrat qui pourrait le leur faire payer. Ils sont donc parfaitement et intégralement responsables de la situation de la justice. Si à chaque accroc dans la devise de l'École Nationale de la Magistrature qui est, pour mémoire, je défendrai le droit, un baveux se levait pour remettre le magistrat fautif en place, ceux-ci rendrait le droit au lieu de l'édicter avec un sentiment d'impunité.

Bref, arrive donc mon tour. Je me lève et vais docilement jusqu'à la ligne jaune dessinée au scotch de couleur sur le sol. Il faut respecter deux mètres avec le magistrat, mais la baveuse de la partie adverse peut baver sur moi. Deux poids, deux mesures, c'est tout à fait normal. Un tribunal est une pantomime destinée à faire comprendre au manant ou au justiciable qu'il n'est rien en l'impressionnant. Avec moi, c'est raté. Ça me faisait un peut d'effet il y a vingt ans, la première fois que j'ai atterri dans un tribunal, mais aujourd'hui, tout ce spectacle me laisse de bois. Le spectacle est ridicule, risible et méprisable, surtout lorsque des arrêts illégaux sont rendus au nom du peuple français qui n'a pas son mot à dire et l'immense majorité des magistrats du siège sont haïssables parce qu'ils traitent les gens qui se représentent sans avocat comme des moins que rien parce qu'ils n'en connaissent pas les codes. Je sais parfaitement qu'un adage prétend que celui qui est son propre avocat a un idiot pour client, mais comme aucun avocat ne veut faire le sale boulot, il faut bien s'y coller soi-même.

Le baveux de la CIPAV prétend que l'affaire est en état d'être jugé. N'attendant pas que le juge me donne la parole, je coupe le baveux en lui indiquant qu'il n'en était rien et que ce n'était pas à lui de prétendre que l'affaire était en état. J'ai la parole, je la garde et ne lui laisse plus placer un mot. J'indique alors au président que je ne discuterai pas avec cet avocat mais seulement avec la CIPAV, que cela plaise ou non au baveux, que cela plaise ou non à la CIPAV et que cela ne te plaise ou non, mon cher président. La CIPAV a eu mes conclusions, je ne sais pas ce qu'elle en a fait, ce n'est pas mon problème. En revanche, je n'ai pas reçu les siennes. Et je refuse de discuter avec ce baveux parce que la CIPAV qui prétend être un organisme de sécurité sociale est contrainte à passer des appels d'offres de marchés publics pour, entre autres, sa représentation devant les juridictions. Autant l'appel d'offres de 2016 est particulièrement foireux avec plein de trous dans la raquette, autant celui de 2019, toujours d'actualité, est parfaitement clair. Le marché concerne la représentation de la CIPAV et de ses dirigeants devant toutes les juridictions de France. Chose étonnante, lorsqu'on cherche dans un moteur de recherche l'adjudication, il y a bien un lien sur le site du BOAMP (bulletin officiel des adjudications de marchés publics) mais ce lien est mort. Qu'à cela ne tienne, j'ai demandé aux archives de la commission européenne qui m'a renvoyé l'adjudication sous la forme d'un fichier PDF signé dans la journée. Je connais donc le nom du seul cabinet d'avocat apte à représenter les intérêts de la CIPAV. Je mets l'adjudication sous le nez du président en respectant naturellement les principes de prophylaxie, il ne faudrait pas que je le rende malade. Il me répond que la CIPAV n'est pas tenue à la passation de marchés publics et je pense tout haut — il faut toujours penser tout haut avec ces cuistres — que la CIPAV a donc été condamnée par erreur à plusieurs reprises par une chambre correctionnelle parisienne pour entorse aux règles des marchés publics. Je note, madame le président, je note pour plus tard et je me mords violemment l'intérieur de la bouche pour ne pas répondre autre chose. Je me suis demandé un instant si cette comédie n'était pas faite pour que je perde mon calme et pour pouvoir me coller un outrage à magistrat.

Je continue donc en demandant au magistrat une mise en état car je n'ai eu aucune réponse de la CIPAV concernant mes écritures qui était des écritures à titre incident envoyées il y a plus de deux mois. Comme depuis six ans la CIPAV n'a jamais respecté les mentions minimales prescrites par le code de procédure civile pour que ses écritures soient recevables par un magistrat, j'insiste. Le baveux d'en face prend bien garde de me les donner, j'aurais eu un argument pour récuser le magistrat s'il n'avait pas déclaré les écritures irrecevables pour irrespect, entre autre, du 960 du CPC. Le magistrat me répond alors que la procédure étant orale, il n'y a pas de mise en état devant les cours d'appel. Sauf que cela ne tient pas. Il existe des exemples, même récents, où des cours d'appel ordonnent explicitement des audiences de mises en état. je demande alors au magistrat si d'après lui la cour d'appel de Grenoble qui vient d'ordonner une mise en état sur une affaire comparable était dans l'illégalité. Elle ne me répond pas et continue à m'expliquer comme si j'étais un enfant que cela n'existe pas. Parfait, je note encore pour plus tard.

Renvoi fin janvier 2021.

Je rajoute tout de même que le problème sera le même, je refuserai toujours de parler à un baveux qui ne peut justifier de sa capacité à représenter une caisse qui n'existe pas et je retourne à ma place. Je m'aperçois alors que l'un de mes témoins avait ostensiblement enregistré l'audience, ce qui est un délit pénal. Je n'imagine pas un seul instant que le magistrat n'ait rien vu, le téléphone clignotant comme un arbre de Noël. Nous sortons de la salle sans saluer, il ne faut tout de même pas exagérer, je veux bien être pris pour un idiot, mais il y a des limites à ne pas franchir et je réfléchis à la suite à donner. En tout état de cause, j'ai deux témoins qui ont attesté de ce qu'il s'est dit, je les en remercie.

Chemin de retour, encore quatre heures de route. Arrivée chez moi à 20h00. Tout cela pour dix minutes à tout casser d'audience avec un magistrat qui, une fois encore, s'assoit ostensiblement sur le code de procédure civile. En d'autres termes, il s'agit d'une nouvelle audience où les règles qui s'appliquent à la CIPAV et qui s'appliquent à moi ne sont pas du tout les mêmes. J'ai à nouveau l'impression de courir un marathon à handicap, avec des gueuses de fonte aux pieds, alors que mon adversaire, la CIPAV, est chaussée de magnifiques chaussures de sport. La justice n'est pas aveugle, elle est définitivement complaisante.

Depuis deux ou trois ans, je sais que cette histoire terminera devant une juridiction pénale. Il n'y a qu'en se tapant un magistrat pour l'exemple qu'on pourra à nouveau parler de justice en France. Comprenez-mois bien, je ne suis pas en train de dire qu'il faut absolument me donner raison, ce n'est absolument pas mon propos. J'accepte d'avoir tort, j'accepte une condamnation. Mais je ne l'accepterai que dans le respect des lois existantes et pas parce que les magistrats veulent sauver la sécurité sociale en bafouant leur serment.

Parce que la vraie question, la seule qui ait un véritable sens et que je ne poserai jamais par écrit n'est pas de savoir si Monsieur Le Grincheux doit ou non une somme d'argent à des organismes qui n'existent pas mais de savoir si la devise de l'ENM et le serment des magistrats ont encore un quelconque sens dans notre beau pays.

 

1 commentaire

Commentaire de: Le Grincheux

L’un de mes témoins vient de me souffler à l’oreille (je n’ai pas des yeux dans le dos) que les avocats semblaient outrés qu’un blaireau ne portant pas la tenue se permette de balayer du revers de la main une avocate avec de tels arguments.
Ils minaudaient entre eux… Tu sais les mecs qui se penchent vers l’autre et qui pchi-pchi-pchi avec l’air goguenard…

24.06.20 @ 11:45


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