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République bananière

12.12.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Haines ordinaires

Durant longtemps, je me suis demandé pourquoi en argot parisien, la capitale était appelée « Paname ». Je crois que j'ai enfin la réponse à cette question existentielle puisque la justice française n'est même pas digne d'une république bananière. Il est d'ailleurs assez cocasse d'entendre Brice Hortefeux, membre d'un gouvernement qui ne rate jamais une occasion de râler contre les pays qui n'appliquent pas les droits de l'homme, fustiger une décision de justice. Il me semblait pourtant qu'il était malvenu de commenter une décision de justice. Il est tout aussi amusant d'apprendre que le parquet, aux ordres de la chancellerie, a immédiatement interjeté appel.

Replaçons les faits et citons ce qui a été écrit dans le Monde d'hier soir. Je cite le monde parce que le Figaro est un journal du matin et que je n'ai pas encore décidé de mettre un pied dehors.

Sept policiers jugés à Bobigny pour avoir porté de fausses accusations contre un homme ont été reconnus coupables, vendredi 10 décembre, de "dénonciation calomnieuse" et "faux en écritures" et condamnés à des peines allant de six mois à un an de prison ferme.

Trois d'entre eux étaient également poursuivis pour "violences aggravées", l'homme accusé à tort ayant reçu des coups après son interpellation. Ce jugement a suscité la fureur de leurs collègues.

Les faits remontent au 9 septembre, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Un policier avait été blessé à la jambe, percuté par une voiture après une course-poursuite. Lui et ses collègues ont alors menti et accusé, dans leur procès-verbal, le conducteur de la voiture qu'ils poursuivaient. Ce dernier, placé en garde à vue pour tentative d'homicide sur fonctionnaire de police, un crime passible de la perpétuité, a nié les faits.

Au fil des heures, les témoignages des policiers se sont effondrés. En réalité, des collègues à bord d'une seconde voiture étaient à l'origine de l'accident. A la barre, trois policiers ont reconnu avoir menti et affirmé qu'ils s'étaient concertés pour établir un faux procès-verbal. Un policier a accusé un collègue à la barre de lui avoir demandé de rédiger un faux. Ce que les autres n'ont pas reconnu.

D'un côté, nous avons un automobiliste qui ne devait pas avoir la conscience tranquille et qui doit être condamné pour son délit de fuite. D'un autre, nous avons des officiers de police assermentés qui se permettent de couvrir leurs exactions par des faux en écriture et des fausses déclarations. Que je sache, les services de police n'ont pas le pouvoir de se faire justice eux-mêmes.

Les services de police sont avant tout là pour donner l'exemple. Comment après de tels actes, s'ils n'avaient pas été condamnés par la justice, pourraient-ils encore avoir une quelconque crédibilité ?

Les deux cents fonctionnaires — pour une fois les organisateurs étaient d'accord avec les force de l'ordre — qui ont manifesté vendredi dernier devant le tribunal de Bobigny ont une attitude corporatiste lamentable. Il faut condamner les fonctionnaires de police fautifs et les condamner durement pour l'exemple, comme il faut condamner l'automobiliste en question. Que le ministre de l'intérieur prenne fait et cause pour ces fonctionnaires et demande au parquet de faire appel est proprement scandaleux. Les forces de l'ordre sont soumises à la loi au même titre que vous et moi. Si l'un de nous utilise un faux en écriture (en droit français le faux n'est pas condamnable, c'est son utilisation qui l'est) ou fait une fausse déclaration, il est lourdement condamné, ce qui n'est que justice. Il faut absolument pour que les forces de l'ordre soient crédibles qu'il en soit de même pour les fonctionnaires de police.

Brice Hortefeux n'en rate décidément pas une. Après une telle prise de position et son passif tout de même assez lourd, il serait de bon ton qu'il démissionne tant sa crédibilité en aura pris un coup.

Mais ce n'est pas le seul à devoir faire amende honorable. Le préfet de Seine-Saint-Denis sur la même ligne politique devrait faire de même sous peine de voir la situation de ces banlieues encore se détériorer. À l'heure où l'objectif est la sécurité absolue, on ne doit pas pouvoir reprocher le moindre écart aux forces de l'ordre. Ne pas les condamner jettera le discrédit sur toutes les actions futures de police. Visiblement, le corporatisme de Brice Hortefeux est supérieur à l'intérêt général alors même que l'on sait par avance qu'il sera contre-productif !

Circulez, il n'y a rien à voir !

 

2 commentaires

Commentaire de: oloc
oloc

“Brice Hortefeux n’en rate décidément pas une. Après une telle prise de position et son passif tout de même assez lourd, il serait de bon ton qu’il démissionne tant sa crédibilité en aura pris un coup.”

Je suis bien d’accord avec ça et avec le fond du papier. +1, quoi.

Sur le fait de ne pas commenter une décision de justice : l’adage m’a toujours paru absolument risible. Que feraient les profs de droit, ou les universitaires juristes de manière générale, s’ils ne pouvaient écrire des articles de jurisprudence ? C’est quasiment leur métier, de commenter des décisions de justice. Sans parler des étudiants qu’on forme à ça.

Il y aurait aussi l’adage “Nul n’est censé ignorer la loi", qui serait rigolo à démonter.

12.12.10 @ 18:32
Commentaire de: Le Grincheux

Disons qu’il est admis qu’on ne critique pas une décision de justice en disant ouvertement qu’on n’est pas d’accord.

Quant au “nul n’est censé ignorer la loi", il suffit pour la démonter de rappeler que cette baderne colonialiste de Jules Ferry n’a rendu l’école obligatoire que pour mieux pouvoir condamner les délinquants. Il y a d’ailleurs un discours de ce brave homme à la tribune de la chambre des députés où il explique par le menu qu’il est impossible de condamner quelqu’un qui ne sait pas lire car il n’a pas pu prendre connaissance de la loi. Le raisonnement est digne d’un jésuite, ce qui pour un radical laïc est une performance !

12.12.10 @ 19:00


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