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Quatre contes de Noël

26.12.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les financiers

Le matin de Noël, j'ai écouté une émission de radio que je n'écoute jamais tellement je la trouve mauvaise. Autant la Rue des entrepreneurs était intelligente et apportait quelque chose à l'auditeur, grattant parfois là où ça faisait mal, autant le Carrefour de l'économie est superficiel et creux. En une émission qui ne dure plus qu'un quart d'heure, comment blâmer la journaliste qui a dû remplacer au pied levé Didier Adès et Dominique Dambert ?

Quatre jeunes entrepreneurs de trente ans étaient invités pour parler de leurs réussites. Point commun entre tous, ils ont commencé leur activité il y a moins d'un an et ne se paient pas encore. Comment peut-on dès lors parler d'activité pérenne ou de simple réussite ?

Point commun entre tous, ils ont levé des fonds importants hors du système bancaire grâce à la fameuse loi TEPA. Parmi les quatre, je ne vois qu'une seule qui a à peu près compris le risque encouru. Le discours des trois autres montrait juste qu'ils n'ont rien compris aux différents risques, ce qui a été confirmé par l'un d'entre eux qui signalait fièrement avoir levé plusieurs centaines de milliers d'euros contre 50% de son capital.

Que dire de tant de naïveté ? Moins d'un an après le lancement d'une activité qui n'est pas encore rentable, cette personne a déjà perdu son projet puisqu'elle n'est plus maître chez elle. Qu'en sera-t-il dans cinq ans ? Les 50% de capital sont volatiles puisqu'ils sont là à seule fin de défiscalisation. Dans cinq ans, soit le projet de cette personne est devenu rentable et il y aura des dividendes, soit le projet avortera. Dans le cas où deviendra rentable, trois choses pourront avoir lieu :

  • les actionnaires défiscaliseurs restent là pour empocher les dividendes, investissant dans un autre entreprise à fins de défiscalisation ;
  • les actionnaires défiscaliseurs partent pour une raison ou pour une autre car ils doivent récupérer leurs mises pour payer leurs impôts, vendant alors au mieux disant ;
  • les actionnaires défiscaliseurs estiment ne pas avoir perçu assez de dividendes et se fâchent avec la direction historique.

Dans tous les cas, ces actionnaires portent 50% du capital. Ils peuvent faire passer toutes les décisions même celle consistant à limoger l'équipe dirigeante historique et je gage que cela fera bizarre à certains entendu ce matin.

Il y a derrière ce type d'investissement plusieurs problèmes. Le premier problème est que le créateur d'entreprise risque de perdre sa création. Bien entendu, il existe des pactes d'actionnaires, mais ceux-ci sont limités dans le temps. Quant aux statuts des sociétés, ces mêmes investisseurs imposent toujours le changement de structure juridique pour obtenir avant investissement une structure juridique qui leur permette de vendre leurs parts à n'importe qui n'importe quand ou presque. Aucun investisseur ne veut de société à responsabilité limitée car les parts sont nominatives et les tranferts passent en assemblée générale. Non, ils veulent des sociétés par actions, simplifiées ou non, ce qui leur permet de rouler beaucoup plus facilement dans la farine un entrepreneur débutant ou naïf, voire les deux. J'ai été personnellement en contact avec un certain nombre d'investisseurs. Tous fuient lorsqu'on leur parle de SARL. C'est une constante et c'est même à cela que je reconnais actuellement les mauvais investisseurs, ceux qui ne veulent que faire de l'argent avec leur argent et demandent bon an mal an 15 à 20% de rendement à une entreprise qui ne peut qu'en donner 2 ou 3% sans se mettre en danger. En tant que créateur d'entreprise, cela me dérange un peu. Lorsqu'on a travaillé dur et longtemps, il est impensable de se lier à des gens qui n'ont pas la même notion du temps. L'investisseur à fins de défiscalisation voit un moyen terme, le créateur d'entreprise un long terme et leurs positions ne peuvent être qu'inconciliables. Si un créateur d'entreprise voit un moyen terme, il n'a pas dû travailler assez…

Ouvrir un capital à des investisseurs n'est pas quelque chose d'anodin. Et c'est ce point qui aurait dû être mis en exergue par la journaliste. C'est un risque calculé, une perte de maîtrise d'une partie de son outil de travail. Les discours entendus, à l'exception d'un seul, ignoraient totalement ce point, ne retenant que l'apport financier.

Je ne sais pas quelles ont été les formations de ces entrepreneurs en herbe. Mais à oublier ce qu'est une part de capital, je leur souhaite bien du plaisir lors des discussions avec leurs actionnaires !

 

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Commentaire de: TuxMips
TuxMips
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Bonjour,
Votre article me semble un peu hatif.
Déjà vous parlez d’actionnaires. Je suppose qu’il s’agit donc d’une société anonyme. En effet tant de monde fait des confusions avec les associés d’une sarl. Pour autant il existe plusieurs forme de sociétés anonymes.
Aussi je ne suis pas certain qu’avec 50% du capital, des actionnaires puissent mettre à la porte le dirigeant ou d’autres actionnaires. Dans le cas que vous citez la minorité de blocage lors des assemblées générales extraordinaires était à combien de % ?

Mais je suis bien d’accord : la rédaction des statuts d’une société, ou la rédaction d’un pacte d’actionnaire c’est aussi important que d’accepter la licence d’un logiciel lorsqu’on clique sur OK sans lire les 8 pages du contrat proposé. Quand ca bug, c’est toujours à ce moment là qu’on s’aperçoit qu’on l’a dans l’os.

D’où ma préférence (d’une manière générale) pour les logiciels libres, même si ils sont loins d’être parfaits. Mais c’est une autre histoire

26.12.10 @ 21:42
Commentaire de: Le Grincheux

Quelques précisions. Un porteur de parts de SARL est aussi un actionnaire. La distinction entre les parts de SARL et les actions de sociétés par actions simplifiées ou anonymes est négligeables depuis la dernière réforme des droits de mutation.

Par ailleurs, la première chose que fait un investisseur qui n’a d’autre intérêt que financier est de se réserver une minorité de blocage. Dans le cas d’une SARL, elle est généralement à 50% plus une part. Dans le cas des sociétés par actions, il existe tout un tas de minorités de blocages, à 25%, 34% et 50%. Celle de 50% est la pire puisque l’actionnaire en question maîtrise de fait le conseil d’administration donc la direction. Même avec une minorité de blocage plus faible, le loup est dans la bergerie car en cas de désaccord entre la direction et l’actionnaire, l’actionnaire peut bloquer toute décision ou au moins y mettre beaucoup de mauvaise volonté pour contraindre la direction à partir. C’est un cas beaucoup plus courant qu’on ne le pense et j’ai déjà assisté à un départ de PDG qui avait 66% des actions d’une société anonyme.

Il ne faut pas oublier non plus qu’en cas d’investissement supplémentaire, le capital se diluera encore un peu plus et la part des fondateurs diminuera de plus belle, ne leur laissant que la partie congrue.

27.12.10 @ 10:48


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