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Trente-trois petits tours et puis s'en va

04.01.11 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les financiers

Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de Calliope. Calliope, lorsqu'elle n'est pas la muse de la poésie, est une maison de disques dont la spécialité était l'orgue. On trouve dans son catalogue des grands noms comme André Isoir. Depuis pas loin de quarante ans, Calliope avait réussi à se faire un nom dans le cercle des amateurs d'orgues, enchaînant les enregistrements rares et de qualité, et collectionnant les récompenses.

Juste avant Noël, la page d'accueil du site de cette vénérable maison arborait un bandeau que je cite intégralement :

Ami mélomane,
Cela est devenu inéluctable.

Non parce que je viens de passer le cap des 77 ans... 
Le disque sombre après un demi-siècle d’un merveilleux âge d’or.

Il me faut donc éteindre le flambeau Calliope au tout début de 2011, après avoir œuvré pendant 40 ans en laissant l’empreinte de 400 disques honorés de tant de distinctions. Avec une immense amertume atténuée par votre confiance et votre fidélité et par la présence estimée de Calliope dans tant de pays.

Un lien en bas de ce bandeau m'a conduit sur une autre page que je cite encore intégralement

33 tours et puis s'en vont...

Les grandes enseignes ont détruit les disquaires avant de se désintéresser du disque au profit de nouveaux « produits » : au temps de l’âge d’or, il y avait au moins un disquaire dans chaque sous-préfecture. Aujourd’hui… ! 
Cette présence du disque – comme toujours aujourd’hui pour le livre – était vitale. Les rarissimes succès sont devenus éphémères, les « grands » éditeurs bradent leurs trésors dans de volumineux coffrets à prix suicidaires et le piratage anarchique accélère ce naufrage.

Il me faut donc éteindre le flambeau Calliope au tout début de 2011, après avoir œuvré pendant 40 ans en laissant l’empreinte de 400 disques honorés de tant de distinctions. Avec une immense amertume atténuée par votre confiance et votre fidélité et par la présence estimée de Calliope dans tant de pays.

Ce site s’éteindra très prochainement.
N’hésitez pas à saisir la dernière occasion de vous procurer les disques Calliope en nous contactant par téléphone au 03.44.23.27.65.

Musicalement vôtre
Jacques Le Calvé

Autant vous dire que je n'ai pas le moral. J'ai quand même pris mon courage à deux mains pour téléphoner à ce numéro. D'une part, je tenais à remercier l'équipe de Calliope, pour qui cela ne doit pas être simple, pour la qualité de son travail. D'autre part, il me fallait terminer mon intégrale de Jean-Sébastien Bach par André Isoir. Il n'y a rien de plus bête que d'avoir une intégrale à trous. J'ai eu de la chance, tous les disques qui me manquaient sont encore disponibles.

Appréciant de longue date les enregistrements de Calliope, j'ai demandé à la personne au téléphone ce qui s'était passé. En effet, j'arrive à convevoir qu'à 77 ans, le fondateur de cette maison veuille se consacrer à ses petits enfants. En revanche, j'ai beaucoup de mal à admettre que personne n'ai pris la peine de racheter au moins le catalogue.

Jacques Le Calvé cherchait à passer la main depuis quelques années sans succès. Sa maison de disque n'intéressait personne. Toutes les maisons contactées, m'a-t-il dit, lui ont répondu par un silence méprisant, ce qui explique en partie son amertume. Qu'aucun concurrent n'ait été intéressé par ce catalogue prouverait même que la crise du disque est quelque chose de voulu et d'instrumentalisé car dans un fonctionnement normal, toutes les maisons concurrentes se seraient jetées sur de telles pépites. Le fonds est parti à la découpe, certains enregistrements ont été acquis par des particuliers dont certains auraient le projet de les mettre en ligne sur des sites de téléchargement spécialisés, et un gros tiers du catalogue comportant pourtant des œuvres intéressantes comme Saint-Saëns n'a même pas trouvé preneur. L'immense majorité du catalogue sera donc indisponible sous forme de disque au moins quelque temps.

Les mélomanes ne pourront plus trouver ces enregistrements. Mais pensez un peu aux musiciens qui ont travaillé pour ces enregistrements. Pensez au temps passé par un organiste pour travailler l'œuvre complète de César Franck. Lui aussi doit être amer.

Relisez attentivement le court texte de Jacques Le Calvé. Malgré son amertume légitime, son analyse est parfaitement exacte. Dire qu'il s'en trouvent encore pour pleurer sur les grandes compagnies du disque…

 

7 commentaires

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Commentaire de: TuxMips
TuxMips
*****

Oui c’est désolant.
Pour autant je ne partage pas complètement le point de vue de Jacques le Calvé sur le piratage anarchique. Les études sérieuses démontrent que plus une oeuvre est piratée plus elle se vend. Paradoxalement.
Sincèrement le plus grand pied de nez que pourrait faire Mr le Calvé aux “majors” serait justement de libérer intégralement son catalogue en le passant en totalité sous licence libre (Art libre ou Creative Commons).
Des rapprochements pourraient être envisagés avec Jamendo ou mieux encore Magnatune qui propose vraiment un catalogue de qualité.

Bref nous sommes désormais au XXIème siècle et c’est pour Mr le Calvé le SEUL moyen de ne pas voir son catalogue exceptionnel disparaître corps et âme.

Maintenant le problème c’est vraisemblablement les contrats qui lient Calliope aux interprètes. Mr Le Calvé peut il libérer son catalogue sans l’accord des interprètes ?

05.01.11 @ 09:03
Commentaire de: Le Grincheux

Il faut tout de même faire une différence entre le piratage en général, qui effectivement n’est pas préjudiciable aux grandes maisons de disques, et le piratage qui se passe dans le domaine de la musique dite classique. Pour la musique classique, le piratage est à la fois interne et externe. Il est interne parce que les maisons de disques vendent des œuvres à des prix bradés, souvent des enregistrements anciens qui peuvent être exceptionnels. Elles font ça pour des histoires de droits. La conséquence immédiate est que les enregistrements récents des mêmes œuvres ne se vendent que mal. Pourquoi acheter tel opéra dirigé par Plasson alors qu’on peut avoir le même par Toscanini pour trois fois moins. Seuls les vrais mélomanes sont capables de faire la différence et ils sont assez peu nombreux. Résultat des courses, les bons enregistrements récents ne sont pas légions. Il est externe parce qu’en dehors des vrais mélomanes, les auditeurs potentiels écoutent toujours la même chose. Et ce n’est pas en écoutant Radio Classique ou Lodéon que l’auditeur moyen découvrira de nouvelles pièces. Toutes les radios, toutes les télévisions utilisent toujours les mêmes œuvres et j’attends avec impatience le label “vu à la TV” sur les pochettes de disques !

Si je rajoute le fait que les grandes maisons de disques font des coups de pub comme le très récent Porgy and Bess par… Harnoncourt, je crois que j’aurais tout dit. J’adore Harnoncourt dans la collection das alte Werk de Telefunken, pardon Teldec, mais lui demander de diriger un opéra de Gerschwin est pour le moins bizarre. Et le résultat est à la hauteur de mes espérances, c’est-à-dire oscillant entre le catastrophique et le parfaitement nul. Utiliser un tel chef à contre-emploi est aussi aberrant que de demander à André Prévin de diriger les Indes Galantes de Rameau ! C’est vendeur, c’est en tête de gondole chez tous les disquaires qui ne sont pas encore morts, mais c’est juste vendeur. Amis qui aimez Pogy and Bess, ruez-vous plutôt sur l’excellent enregistrement, datant de 1976, par Lorin Maazel et l’orchestre de Cleveland avec Leona Mitchell, Florence Quivar, Willard White, Barbara Hendricks dans l’un de ses premiers rôles et quelques autres du même acabit (Decca 414559-2). Au moins, vous en aurez pour votre argent.

Tout cela pour dire que les bons enregistrements ne sont plus légions et que la qualité des enregistrements baisse aussi grandement. J’ai utilisé longtemps un amplificateur ReVoX, l’un de ces amplificateurs qui respectent la norme HIFI des années 1970 et qui n’a franchement pas à rougir devant un truc qui soi-disant respecte les dernières spécifications mercantilo-foireuses des idiophiles. Je me suis demandé très longtemps pourquoi certains enregistrements me dérangeaient lorsque je les écoutais sur cet amplificateur alors que sur d’autres systèmes d’écoute je n’avais pas la même impression. Il a fallu que je passe sur un Scott avec des enceintes à haut rendement pour me rendre compte que cette impression désagréable était issue d’un niveau de bruit alarmant ! Et on nous parle de DVD audio, de SACD et de tas de choses, mais commençons par utiliser les peines capacités d’un CD, capacités qui sont largement suffisantes tant que l’oreille humaine restera ce qu’elle est: pas loin de 100 dB pour un CD enregistré correctement, ce qui revient à dire d’après la formule de Friis que l’élément primordial est le premier étage de l’enregistrement. Utiliser un DVD n’apportera rien.

Les piratages interne et externe interdisent donc l’arrivée de nouveaux enregistrements sur le marché, les maisons de disques capitalisant sur leurs vieux catalogues pour des raisons techniques (qualité des enregistrements) et des raisons de coût (pourquoi payer un orchestre et un enregistrement récent alors qu’on a déjà l’œuvre dans son catalogue ?). Le phénomène est franchement différent du piratage en général. C’est en substance le propos de Jacques Le Calvé.

05.01.11 @ 09:57
Commentaire de: TuxMips
TuxMips

J’ai eu dans ma jeunesse - dans les années 80 - le bonheur de participer (de loin) à une émission qui était sur France Musique : la tribune de la critique des disques.

Le même passage de musique classique était analysé découpé, écouté, réécouté. Je me souviens notamment de l’analyse d’une des symphonies de Bethoveen. Entre Furtwangler et Karajan. En dépit de la qualité des enregistrements “mono” de Furtwangler, la musique était claire, distincte, précise. Avec Karajan, c’était de la bouillie pour chat, malgré la qualité stéréo, des tournes disques Schlumberger et des enceintes Cabasse.

Pour autant, je maintiens mon analyse. Mr Le Calvé devrait désormais libérer intégralement son catalogue pour faire en sorte que Magnatune (par exemple) puisse reprendre le flambeau (chez Magnatune ce n’est pas du mp3 bas de gamme de chez Virgin mais du flac).

La Tribune de la critique des disques existe toujours !
http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/critiques/emission.php?e_id=65000059

05.01.11 @ 14:02
Commentaire de: Le Grincheux

Sauf que vous oubliez les contrats liant les artistes à la maison de disques qui ne peut pas faire n’importe quoi avec les droits. Quant à Karajan, c’était un grand cinéaste, un parfait acousticien et un piètre chef d’orchestre.

06.01.11 @ 10:13
Commentaire de: TuxMips
TuxMips

non non : relisez le dernier paragraphe de mon premier post.

Certes cela peut constituer un “gros” travail mais bien présenté, bien argumenté, tout est possible.
Pour ma part je ne vois pas d’autres voies que celle là pour éviter toute dislocation de ce superbe catalogue.

06.01.11 @ 18:16
Commentaire de:
martinbarral

Bonjour
je suis chef d’orchestre et sur le point de sortir une oeuvre de Frack qui n’a jamais été enregistrée.
Benoir D’Hau a répondu qu’il est très interessé et qu’il le labéliserait sous Calliope. Il y a donc un repreneur ? Que vaut donc cette information ? Et ce repreneur comment ce fait t’il que personne en parle dans vos mails?

08.12.12 @ 18:43
Commentaire de: Le Grincheux

Frack ? Je ne connais pas. Quant à Calliope, je n’ai pas de nouvelles fraîches, malheureusement.

10.12.12 @ 10:08


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