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19.10.11 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les financiers

L'agence Moody's va évaluer la perspective d'ici trois mois du triple A de la dette souveraine française. Le gouvernement français semble découvrir que ça va mal et que le budget 2012 qui entre en discussion à l'assemblée va être rude.

C'est amusant, cette faculté qu'ont les hommes et les femmes politiques de ne pas voir ce que tout le monde perçoit. En effet, depuis 1974, pas un seul exercice n'a été excédentaire. N'importe quelle entreprise, n'importe quel ménage aurait déjà été acculé à la faillite, à la banqueroute ou au surendettement. S'adressant à un organisme privé, n'importe quelle banque aurait depuis longtemps coupé les finances. Mais pour un état, on continue à verser des fonds parce qu'au final, on pense que le contribuable pourra être ponctionné indéfiniment. Attention, la période qui s'annonce sera difficile pour tout le monde. Après les augmentations d'impôts des dernières années, les contribuables risquent bien de ne plus pouvoir payer. En effet, on entend souvent parler des réductions d'impôts de l'ère sarkosyste au travers du bouclier fiscal, mais on oublie toutes les augmentations qui sont passées inaperçues (URSSAF, taxe d'apprentissage contrairement à ce qui est dit et répété à l'envi, indemnités de licenciement lorsqu'un employeur ne peut plus payer ses salaires et j'en passe). On se gargarise des créations d'entreprise durant le dernier trimestre alors que l'on oublie que l'immense majorité de ces créations d'entreprise sont des auto-entrepreneurs qui ne font cela que parce qu'ils sont soit au chômage, soit dans un emploi qui ne leur permet pas de boucler leurs fins de mois. Au contraire, l'utilisation en masse de ce statut devrait mettre la puce à l'oreille au gouvernement et aux journalistes.

Fig. 1: Évolution de l'indice CAC40 à la bourse de Paris montrant comment la bourse crée de la richesse et permet à l'économie réelle de se financer sur les marchés.

Les finances publiques françaises sont aujourd'hui dans un état catastrophique. Et cela fait presque quarante ans que l'on creuse d'année en année le trou en prétendant que l'argent des emprunts n'est pas cher et que la dette crée de la richesse. J'aimerais bien qu'un économiste — ou prétendu tel — vienne ici m'expliquer que la dette crée de la richesse parce que ce dogme ne résiste pas à une analyse sérieuse et comptable. Aussi longtemps que je cherche, la seule richesse créée par une dette l'est par le loyer de l'argent puisque ce qui est effectivement créé par l'emprunt s'amortit comptablement, qu'il s'agisse d'immobilisations ou non. En d'autres termes, lorsqu'on a fini de payer son emprunt, les ruines sont à soi.

La dette ne crée que de la richesse pour ceux qui acceptent de prêter. Pour ceux qui empruntent, comme le bien créé par cette dette s'amortit, ils ne font une bonne affaire qu'en cas de taux d'intérêt inférieur à l'inflation, et surtout de durée d'amortissement supérieure à celle du prêt, ce qu'on oublie souvent parce que cela rajoute une variable à l'équation et que les financiers et économistes aiment généralement les équations simples (cf. les écrits de B. Mandelbrot critiquant les théories économiques). Fixons les idées en prenant un exemple : si je construit une route en empruntant à 3 % l'an sur une durée de quinze ans et que je dois remettre en état cette route tous les trois ans, je suis un imbécile, puisque le bien est plusieurs fois amorti, donc plusieurs fois restauré, avant d'avoir fini de payer mon prêt. Il faut donc refaire un prêt sur le prêt pour le simple entretien du bien ! C'est pourtant ce que l'on fait depuis des lustres. Ce qui semblerait idiot à tout bon père de famille essayant de gérer au mieux son budget familial ne semble nullement absurde à nos élus. Peut-être est-ce parce qu'ils pensent que cet argent n'est pas le leur et qu'ils doivent plaire aux plus nombreux pour être réélus.

Après quarante ans de gabegie financière due autant à la droite qu'à la gauche — souvenez-vous des clignotants de l'économie qui étaient au vert au début du septennat de François Mitterrand, juste avant plusieurs dévaluations compétitives successives —, il est vraiment temps de prendre le taureau par les cornes et cela risque de faire mal. Pour être réaliste en ne perdant pas sa fameuse notre de triple A, le budget 2012 risque fort d'être assez difficile à avaler. Mais il n'y aura pas le choix, on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière. Surtout, il est vraiment temps de remettre de l'ordre parce que nous ne sommes pas loin de la situation de la Grèce. Perdre sa note revient à emprunter plus cher. L'amortissement de la dette — parce qu'elle s'amortit aussi, la bougresse — risque d'être ou plus long ou plus cher, ce qui va augmenter sa charge, donc réduire d'autant la capacité d'emprunt de la France. Cercle vicieux qui risque fort de nous amener très vite dans une situation assez comparable à celle des pays du sud de l'Europe.

N'oubliez pas cela lorsque vous irez voter en mai prochain. Il ne s'agira pas de voter pour celui des deux qui fera les plus belles promesses, mais pour celui qui aura su prendre dans son équipe des hommes et des femmes avec une vision et une réelle compétence économique. Le gouvernement actuel en est totalement dépourvu puisque sa pensée économique est de l'ordre du dogme. J'espère que l'opposition sera meilleure. Si ce n'est pas le cas, nous allons nous préparer des lendemains qui déchantent.

 

4 commentaires

Commentaire de: Bertrand
Bertrand

La comptabilité publique ne fonctionne pas tout à fait comme la comptabilité des entreprises. C’est une comptabilité d’engagement, qui sépare plus encore le fonctionnement (les comptes 6 et 7 de la compta d’entreprise) de l’investissement (pas de compte de capital ou d’immobilisation). S’endetter pour de l’investissement, ce n’est pas anormal, et une route dure tout de même plus de 3 ans. Par contre, s’endetter pour du fonctionnement est interdit pour les collectivités locales, mais… pas pour le budget de l’Etat, ce qui est un comble. Tout le problème est là : on n’ose pas faire des réformes structurelles qui seraient forcément impopulaires, alors on emprunte pour couvrir le déficit, en laissant croire qu’on peut vivre comme dans les années 45-75 quand les matières premières ne coûtaient rien et que l’Occident avait le monopole des technologies. Et l’on ne va pas tarder à nous faire croire que tout ça est de la faute du thermomètre, en l’occurrence les agences de notation.

Je ne voudrais pour rien au monde avoir à diriger la France des années qui viennent.

Bertrand, chef d’entreprise et élu local (strauss-kahnien, donc malheureux)

19.10.11 @ 12:11
NAIF

Je ne vous suis pas tout à fait quand vous dîtes que seuls les prêteurs s’enrichissent. Encore faut-il qu’ils soient remboursés. D’ailleurs l’intérêt est aussi rémunérateur du risque.
Dans la situation actuelle beaucoup seront lessivés au même titre que les épargnants qui ont accumulé des emprunts russes ou autres placements mirifiques.
L’effet le plus probable de la faillite à venir sera une redistribution significative et aléatoire des richesses, pas un enrichissement de créanciers qui ne seront pas remboursés.

20.10.11 @ 19:56
Commentaire de: Le Grincheux

Mon hypothèse de départ est naturellement qu’un emprunt est remboursé…

20.10.11 @ 20:03
Commentaire de: Jean-Christophe

Ma solution définitive à tout problème financier :
http://powerdown.free.fr/e/

13.11.11 @ 16:19


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