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Programmes économiques

23.01.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Mauvais esprit, Je hais les financiers

La moralisation du capitalisme financier est incontestable, Henri Guaino l'a dit, alors c'est certainement vrai. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais personnellement, j'ai comme un doute. J'ai d'autant plus un doute que la taxe sur les transactions financières existe depuis quelques années — dixit les fonctionnaires de Bercy qui savent, eux, au moins de quoi ils parlent et de quoi il retourne exactement — sans que jamais son décret d'application n'ait été publié. Prétendre à trois mois de l'élection présidentielle qu'on va légiférer sur cette taxe sur les transactions financières, dans l'urgence comme chaque fois depuis cinq ans et parce qu'on est en fâcheuse position dans les sondages, est donc une pure tartufferie puisqu'il suffirait de publier un simple décret d'application. Pourquoi n'a-t-il pas été publié depuis tout ce temps ? Nul ne le sait vraiment. Sans aucun doute un oubli.

De toute façon, cette taxe est une mauvaise réponse à une bonne question. Le véritable problème n'est pas les transactions financières, mais la volatilité du capital — et des valeurs marchandes des entreprises — qu'elles induisent. Taxer les transactions financières à hauteur de 0,1 % ou de 1 % est ridicule tant que la marge du détenteur des titres est supérieure. C'est même parfaitement inefficace d'autant que cela risque juste de donner de l'activité à la City. Pourtant, il faut lutter contre la volatilité du capital qui est principal problème des entreprises françaises. Et pour cela, il convient de taxer d'autant plus sévèrement les transactions que le temps de détention des titres a été faible. Il convient aussi d'interdire les ventes à découvert. J'ai au l'occasion de voir un client, trader de son état, qui spéculait uniquement sur des titres d'assurance-vie à un horizon de deux secondes ! De façon totalement automatique, ce type faisait la culbute à chaque fois, que les titres montent ou descendent parce qu'il pouvait vendre à découvert. Les plus-values sur de telles transactions devraient être taxées à 80% pour reinjecter l'argent en circulation dans l'économie réellement productive. À l'opposé, quelqu'un qui garde un titre durant plusieurs années devrait être exonéré de taxe. Vous allez me dire que ce serait difficile à mettre en place. Peut-être, mais on le fait bien pour les transactions immobilières et cela aurait au moins le mérite de stabiliser le capital.

La lutte pour le financement des entreprises doit être une priorité absolue. Une fois que les entreprises françaises fonctionneront à nouveau, nous aurons réglé une grande partie de nos problèmes. Je ne pense pas à la dette, mais à notre déficit structurel que gauche et droite n'ont su résoudre depuis des lustres. Cela fait plus de trente ans que toutes les entreprises françaises sont sous-financées pour plusieurs raisons structurelles. Tout d'abord une fiscalité aberrante qui change subtilement tous les ans (crédits d'impôts en particulier CIR, niches diverses et variées, taxes revenant à taxer les immobilisations et j'en passe). Le jour où cette fiscalité sera remise à plat et stabilisée, nous aurons fait un immense pas en avant. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut augmenter ou réduire la fiscalité des entreprises, mais il faut qu'un patron de PME puisse savoir d'une année sur l'autre à quelle sauce il va être mangé.

Il faut aussi lui simplifier la vie. Son travail est avant tout de faire fonctionner une entreprise et non de faire de la paperasserie administrative en essayant vainement d'appeler les employés de ces belles administrations que le monde entier nous envie et qui portent les doux noms de Centre des Impôts des Entreprises, de Pôle Emploi et d'URSSAF. Un guichet unique, avec des gens compétents et qui commencent par ne pas vous prendre pour un voleur lorsque vous les appelez pour signaler une erreur, serait un très bon début. Il est très cocasse d'entendre les membres de ces administrations se plaindre de la violence verbales des heureux contribuables lorsqu'on a été de longue date en contact avec ces gens. Le plus surprenant est qu'ils n'aient jamais été agressés physiquement sachant le nombre d'erreurs — toujours en leurs faveurs bizarrement — qu'ils peuvent commettre. Depuis dix-huit mois, je n'ai plus reçu un bordereau exact, ou lorsqu'il est exact, on me compte des pénalités de retard alors que le règlement a été envoyé en temps et en heure. Et après rectification, souvent plus de six mois après les faits, j'obtiens dans le meilleur des cas un dégrèvement comme si j'étais coupable d'une faute imaginaire.

Pour permettre aux entreprises de fonctionner, il faut aussi leur permettre de se financer. Cela passe par les banques et non par les investisseurs privés. L'investisseur privé ne cherche qu'un placement pour défiscaliser son ISF, investissement qui n'est pas pérenne par construction, d'une part parce qu'il cherche à investir au nominal des actions et d'autre part parce qu'il revendra au mieux disant au bout de cinq ans. Vous allez me dire qu'il est possible d'écrire un pacte d'actionnaires, mais s'il n'est pas respecté par l'investisseur et qu'il a déjà vendu ses parts, même en allant devant un juge, votre capital aura déjà été vendu. Et ce capital peut être vendu sans votre accord parce que la première chose que fait un investisseur professionnel, c'est de vous forcer à changer vos statuts pour justement faire en sorte de pouvoir vendre sans passer par une assemblée générale ou un changement des statuts. Ouvrir un capital à de tel investisseurs revient souvent à faire une croix sur son travail et il faut être fou ou inconscient pour accepter. Personnellement, j'ai été approché par de tels investisseurs, même par des investisseurs étrangers (russes, indiens, arabes) parce que mon entreprise a développé sur ses fonds propres un système d'optimisation qui a reçu plusieurs prix et qui intéresse du monde, mais jamais je n'ai eu une proposition de financement à hauteur de 200 000 euros de banques françaises pour achever l'industrialisation du produit. La simplicité pour moi aurait été de tout vendre à un investisseur étranger plutôt que de continuer à me battre et je me demande si ce n'est pas ce que je ferai la prochaine fois que l'occasion se présentera.

Parce que les banques ne jouent pas le jeu et ont droit de vie et de mort sur une PME sans jamais n'avoir à justifier leurs positions. Encore une fois, il ne s'agit pas que les banques financent tout et n'importe quoi, mais qu'elles participent à l'économie réellement productive. Il faut donc fiscaliser les rentes des titres financiers en défiscalisant les rentes des parts des entreprises. Il faut aussi interdire tout ce qui ressemble de près ou de loin à un fonds commun de placement. Pourquoi ? Parce que la survie d'une entreprise est assurée dès que sa trésorerie est positive. Avec les fonds communs de placement, un organisme quel qu'il soit fédère un ensemble de petits porteurs et contrôle dans les faits une entreprise en lui imposant des rendements conséquents. Si la direction de l'entreprise en question ne s'y plie pas, que se passe-t-il ? Quelque chose de très simple, le capital va à une autre entreprise, qui semble sur l'instant plus prometteuse, dégradant la capitalisation de la première et lui fermant l'accès aux emprunts bancaires.

Comme les banques ne jouent plus le jeu, il existe un autre grand machin qui s'appelle Oséo et qui coûte un argent fou à l'état. Oséo est un organisme censé aider les PME à trouver des sources de financement. Sauf qu'Oséo n'avance un centime que lorsque l'entreprise a déjà trouvé un centime dans une banque, ce qui est une gageure. Et lorsque la PME trouve un financement bancaire, généralement sur du vent parce qu'il faut voir le type de projets financés actuellement par les banques, elle engrange l'avance remboursable d'Oséo et au choix est vendue ou met la clef sous la porte. Résultats nuls ou presque.

Un dernier point doit trouver une solution. Aujourd'hui, lorsqu'une entreprise accuse un impayé d'une autre entreprise, il faut que l'action de recouvrement soit simplifiée. Il est inadmissible de voir des entreprises au bord du dépôt de bilan à la suite d'impayés injustifiés parce que la justice ne fait pas son travail. Aujourd'hui, une entreprise ne gagne pas contre une autre parce qu'elle a raison, mais parce qu'elle a assez d'argent pour aller au bout d'une procédure. Lorsqu'un client indélicat décide de ne pas vous régler pour optimiser sa trésorerie, vous savez que vous en avez pour au moins deux ans de procédure sans être sûr du résultat d'autant qu'un titre exécutoire obtenu en référé en première instance peut être rendu caduc par une cour d'appel parce qu'il n'a pas été contradictoire. En d'autres termes, l'avocat de l'assigné sait qu'il est possible de casser en appel un titre exécutoire en évitant de se présenter en première instance. C'est très pratique et tous usent de cet artifice en espérant que le créancier mette la clef sous la porte pour que la procédure s'éteigne. Il y a aussi le cas où le juge du tribunal de commerce est copain comme cochon avec la partie adverse (cas vécu). En mettant de l'ordre dans la justice, par exemple en interdisant les renvois plus que nécessaire et en surveillant d'une manière ou d'une autre les magistrats et en les rendant responsables de leurs actes et de leurs décisions, on arrivera mécaniquement à fiabiliser les ressources des entreprises. Si on pouvait en même temps supprimer les tribunaux de commerce et les remplacer par des chambres commerciales de tribunaux de grande instance (comme dans certaines villes françaises qui refusent les tribunaux de commerce pour entre autres ces histoires de copinage), on ferait aussi un grand pas.

Toutes ces mesures mises bout à bout expliquent en grande partie les problèmes des PME françaises donc de l'économie française dans sa globalité. Sans ces PME, pas de plein emploi ni de rentrées fiscales. Sans ces PME, aucun moyen pour financer les politiques à venir de quelque bord qu'elles soient.

 

3 commentaires

Commentaire de: Bertrand
Bertrand

Guaino, pas Guénaud

Cas vécu à mes tout débuts : Dassault AT me signe une traite de 120 000 F que je porte immédiatement pour escompte à une banque dont, par charité, je tairai le nom, Dassault payant alors à 90 jours. J’étais personnellement client de cette banque depuis 10 ans, jamais le moindre incident. Escompte refusé : même si je me portais caution personnelle, je n’étais pas proprio de mon appartement. Je parle bien d’une traite signée Dassault, pas par une PME inconnue. Cette même banque a fait nettement moins de difficultés à un certain Bernard Tapie.

23.01.12 @ 14:34
Commentaire de: Le Grincheux

Oups, merci pour la relecture, je ne sais pas où j’avais la tête…

23.01.12 @ 14:41
Commentaire de: Blanche Neige
Blanche Neige

À propos du guichet unique et notamment de l’URSSAF, il faudrait préciser:
- que les entreprises puissent avoir accès à tout heure du jour à l’état réel de leur dossier auprès des organismes fiscaux: ce qui a été versé, ce qui reste à verser et sur quelle base exacte repose la taxation, au lieu de la pauvre feuille Excel incompréhensible et brouillonne que l’URSSAF se borne à balancer… Ce point doit aller avec un allongement des horaires d’ouvertures de ces organismes adapté aux horaires des entreprises: de 8h à 19 h, non stop.
- qu’en cas de litige avec l’URSSAF, cet organisme soit dans l’obligation de justifier l’origine des sommes exigées avant d’en réclamer le paiement. Et si l’entreprise taxée conteste le bien-fondé de la demande de l’organisme, qu’un médiateur tranche le différent entre l’organisme et l’entreprise dans un délai court.
- pénaliser fortement les organismes sociaux qui déposent les avis de taxation un jour ou deux avant l’échéance de paiement; pénaliser toute perte de courrier envoyé en recommandé par l’entreprise ou tout courrier non traité dans un délai raisonnable; pénaliser enfin toute réclamation abusive faite par un organisme social à une entreprise (cas typique d’un chèque encaissé mais dont le paiement une deuxième fois est exigé par l’URSSAF incapable de suivre ses propres dossiers).

24.01.12 @ 09:58


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