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L'obsolescence programmée ou la théorie du complot

05.05.13 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les financiers, Je hais les politiciens

Après le mariage pour tous qui était la seule chose que la France attendait pour redresser son économie, nous passons à un autre temps parlementaire. Le gouvernement veut maintenant lutter contre cette fameuse obsolescence programmée. C'est louable, mais cela fait juste un peu théorie du complot. En dehors de deux ou trois cas très particuliers — et il faudra encore me prouver que c'est fait sciemment pour limiter la durée de vie des appareils en question —, j'aimerais qu'on me montre un seul appareil dont la durée de vie est artificiellement réduite ou limitée par un circuit électronique quelconque.

Le but d'un industriel est de produire, de produire à moindre coût et de produire de plus en plus en rendant obsolètes les appareils qu'il fabriquait auparavant. Ce n'est pas une obligation puisqu'il ne serait pas impossible d'investir dans des entreprises de réparation des produits existants. C'est juste un choix, un modèle de société choisi collectivement.

L'exemple emblématique est la cartouche d'imprimante. Comment ? Mais c'est un véritable scandale ! On ne peut pas imprimer toute sa vie avec la même cartouche ?! Je sais parfaitement qu'il existe dans certaines imprimantes des compteurs qui limitent l'usage alors que cela pourrait durer plus longtemps. Mais soyons un peu honnêtes, à chaque fois que j'ai vu cela, il y avait une raison qui n'était pas une limitation introduite dans le seul but de brimer l'utilisateur. Typiquement, cela évite d'utiliser des cartouches soi-disant compatibles avec de l'encre de mauvaise qualité bouchant les buses, de mettre de l'encre partout parce que l'éponge de récupération est susceptible d'être saturée, d'éviter d'avoir un four qui dysfonctionne… C'est une conséquence des choix de fabrication et du coût toujours moins cher des produits. Ce qui est gagné à l'achat fini par être payé autrement.

Ce qui est moralement condamnable, en revanche, c'est la réticence qu'ont les fabricants de fournir les pièces. Actuellement, j'ai une cafetière en panne parce que je n'arrive pas à trouver les tournevis pour l'ouvrir. Empreinte TA quelque chose, en rupture de stock chez le seul importateur en Union Européenne. Ça laisse songeur. C'est parfaitement criticable, mais cela n'a rien à voir avec un complot des industriels, ce qui est la thèse explicite de la fameuse « obsolescence programmée » qui généralise abusivement et sans vergogne des cas particuliers qui n'ont rien à voir les uns avec les autres et qui a une très nette propension d'interpréter les faits d'une manière assez paranoïaque.

En effet, objectivement, les produits sont actuellement fragiles parce qu'ils sont conçus rapidement, parce que les matériaux de fabrication sont légers, souvent des pièces d'usure en plastique, et surtout parce que les constructeurs sont sous la pression continuelle de la concurrence et du client qui veut toujours payer moins le moins cher possible, ignorant que, si au-dessus d'un certain prix il paie une marque, en dessus d'un certain prix, il n'en a que pour son argent. Le client veut aussi des produits de plus en plus complexes. Mais qui dit produit complexe de moins en moins cher dit aussi composants et matériaux de moins en moins chers et, mécaniquement, qualité de moins en moins bonne, donc produits de moins ne moins durables. Et lorsque le fabricant utilise encore des composants de qualité, il réduit les coûts sur le reste. Un connecteur de batterie coûte plus cher qu'un point de soudure ? Qu'à cela ne tienne, la batterie ne sera pas remplaçable. Un emplacement pour une carte mémoire est trop cher ? On la soude et si le client veut une mémoire plus grande ou si sa carte tombe en panne, il remplacera son appareil.

Ce ne sont que des conséquences immédiates de la société de consommation soumise à une concurrence libre et non faussée.

Mais revenons à notre complot. Arte a récemment diffusé un documentaire intitulé « prêt à jeter », consacré à l'obsolescence programmée. Ce documentaire a eu un grand succès et la critique, autant que je m'en souvienne, l'a unanimement recommandé. Il est vrai qu'il contenait un certain nombre de choses qui peuvent frapper les esprits simples. Je pense en particulier à cette ampoule qui brille depuis plus d'un siècle dans une caserne de pompiers américaine et qui a déjà enterré trois webcams censées la surveiller. Ce que le documentaire ne disait pas, c'était que cette ampoule à incandescence était sous-volté d'un bon facteur (60 V contre 115 V de tension nominale). À ce tarif, je pense qu'une ampoule à incandescence moderne serait aussi capable de la même performance. Que dire alors du fameux cartel Phoebus ? Rien, sinon que lui et ses confrères (comme OSRAM) ont standardisé les culots des ampoules et le rendement des ampoules (rendement qui varie inversement à la durée de vie de l'ampoule, c'est physique et cela se calcule). Parler de diminution de la durée de vie des ampoules dans les années 1930 est pour le moins bizarre. Il suffit que le regroupement et l'interconnexion de toutes les petites compagnies d'électricité qui ont eu lieu à la même époque aient provoqué quelques surtensions. Nous avons d'ailleurs vécu la même chose en France il y a un peu plus de vingt ans. La tension du secteur est passée de 220V à 230V. Moi qui collectionne des anciennes radios à tubes, j'ai vu tous les voyants claquer les uns après les autres. Les anciens étaient tous d'origine et avait, pour les plus récents, plus de quarante ans. Les neufs ne tenaient que quelques mois. Pourquoi ? Parce que ces voyants étaient sur un enroulement spécial du transformateur, un 6,3V et leur tension nominale était de 6,5V.  Avec la nouvelle tension du secteur, ils fonctionnaient sous 6,6V et leurs morts prématurées n'était pas une histoire d'obsolescence programmée ou de mauvaise qualité du materiel moderne. Un autotransformateur plus tard, tout est rentré dans l'ordre.

Mais revenons à ce documentaire hélas d'une nullité intégrale. Certaines découvertes des journalistes étaient parfois amusantes voire totalement hilarantes de bêtise crasse. Mais, le plus souvent, il était nauséabond de complotisme. Jamais il n'était informatif. D'après de documentaire, l'obsolescence programmée est l'idée selon laquelle, si les produits que vous achetez se dégradent rapidement contrairement aux bons vieux produits des temps anciens et perdus, ce n'est pas totalement un hasard ou un manque de chance. C'est en effet une machination infernale ourdie par les grandes entreprises industrielles qui ont trouvé un moyen efficace de nous contraindre à racheter régulièrement leurs produits. Cette idée qui tient une bonne place dans l'imaginaire populaire ne convainc pas les économistes.

J'ai trouvé dans une interview d'Alexandre Delaigue un début d'explication. Ce serait l'agacement éprouvé par les clients devant la dégradation d'un produit qu'ils ont acheté qui les pousse à penser, par dépit, que la panne n'est pas le fruit du hasard mais d'un calcul des industriels. Ils rejettent ainsi la responsabilité d'avoir acheté le produit le moins cher sur autrui. Cette idée est renforcée par la sensation très commune que cette situation est nouvelle et que les biens étaient plus durables dans les temps anciens.

Le même Alexandre Delaigue s'est attaché à démystifier les erreurs du documentaire d'Arte signé pas Cosima Dannoritzer (il ne sera pas dit que je n'aurai pas rendu hommage à un tel travail de journaliste sans citer son nom). Son article complet est disponible ici.

D'autres économistes, dont Pascal Emmanuel Gobry qui a publié « l'obsolescence programmée, ce mythe qui révèle à quel point notre rapport aux mécanismes économiques est biaisé » ont montré à quel point les mécanismes économiques de base sont étrangers ou au moins mal compris par le commun des mortels. Il s'ensuit souvent que l'obsolescence programmée est une thèse conspirationniste, d'autant plus acceptée que nous sommes en France friands de telles thèses.

Or, pour qu'une telle politique d'obsolescence programmée puisse fonctionner et perdurer, la condition nécessaire et non suffisante est que toutes les entreprises s'entendent pour fonctionner en cartel. Sinon, il sera juteux pour une entreprise de ne pas prendre part à la conspiration.

Et, sur ces entrefaites-là, le groupe écologiste au parlement vient de proposer la création d'un délit d'obsolescence programmée, preuve qu'une fois encore, les écologistes n'ont pas réellement tout bien compris. Je propose de rajouter un délit de sorcellerie adaptative et de connerie abyssale. L'obsolescence programmée n'existe pas. Elle n'a jamais existé dans que les cerveaux de gens qui avaient besoin d'expliquer pseudo-scientifiquement la détérioration des produits qu'ils ont pu acheter à vil coût. Elle n'est qu'un concept nébulo-fumeux, mystico-physique prétendant que les grands méchants capitalistes fabriquent sciemment des biens de consommation de piètre qualité dans le seul but de réduire leur durée de vie et d'augmenter mécaniquement leur taux de remplacement.

Cela n'a rien a voir avec les pièces qui sont notées NFP (ne fournissons plus) dans les catalogues des fabricants, ce qui est pour le coup un véritable scandale, et il serait bon que nos écologistes s'en rendent compte. Il serait bon. Mais peut-être qu'en bons écologistes, ils se sont rendus compte que le cerveau est un véritable scandale écologique puisqu'il ne pèse que 2% de notre masse en consommant 25% de l'énergie que nous consommons et ont décidé de l'économiser.

 

1 commentaire

Commentaire de:
auroch

Pour compléter cet article excellent j’ajouterai l’élément suivant au débat : ceux qui sont persuadés de la réalité de obsolescence programmée ont eux même souvent contribué à créer cette situation, même s’ils n’en sont pas directement conscients.

Prenons par exemple le cas de la directive REACH ayant obligé les industriels à remplacer des produits par d’autres produits.

Il ne faut pas l’oublier mais la technologie n’est pas forcément un miracle permanent.

Le remplacement d’un produit par un autre peut aussi se traduire par une qualité finale moindre, et donc par un ressenti de régression perçu par l’utilisateur final.

Le débat actuel sur le Bysphénol A est un autre bon exemple actuel. Sans être un expert il me semble bien qu’aucun des candidats remplaçants ne possède autant de qualité technique que le produit original.

16.01.15 @ 14:21


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