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Les deux oncles

07.06.13 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les politiciens

Un jeune anti-fasciste est mort hier dans la matinée après avoir été tabassé par une troupe de skinheads. Que n'a-t-on entendu depuis. Tous les hommes politiques auraient pu retourner chacun sept fois leur langue dans la bouche plutôt que de tenter la récupération de ce sordide fait divers. Fait divers, oui, je pèse mes mots quitte à recevoir des volées d'insultes.

J'ai décidé d'écrire ce papier à la suite de l'éditorial de Thomas Legrand ce matin sur Inter signalant que l'extrémisme de gauche n'est pas l'extrémisme de droite, qu'il ne faut pas les renvoyer dos à dos, et que, dit-il, si l'un de ses enfants était un extrémiste, il préférerait qu'il soit de l'extrême gauche. Thomas Legrand est seul responsable de ses paroles et a le droit de prendre position. Après tout, c'est la raison d'être d'un éditorialiste. En revanche, il nous avait habitué à bien plus d'objectivité et de profondeur de réflexion.

Je ne suis pas d'extrême droite, je ne défends personne, j'ai de la peine pour la famille de la victime, mais la mort en martyr d'un antifasciste d'extrême gauche ne me rend pas ces groupuscules d'extrême gauche plus sympathiques. En effet, il est vain de combattre un extrémisme par un autre extrémisme d'autant que ces deux extrémismes sont assez semblables. Il est d'ailleurs assez amusant de constater que les antifas en question sont issus des red skinheads, se présentent crânes rasés et adoptent les mêmes codes vestimentaires que les skinheads avec lesquels ils se sont battus rue de Caumartin mardi soir.

Quelle est au fond la différence entre un militant d'extrême gauche radicale et un militant d'extrême droite tout aussi radicale ? Il paraît que tout les oppose. J'ai personnellement comme un doute d'autant que je suis passé hier par hasard rue de Caumartin et que j'ai pu entendre de mes propres oreilles des appels très clairs à la vengeance. Ces appels venaient de groupuscules dont on peut penser raisonnablement qu'ils appartenaient à la mouvance dans laquelle gravitait la victime.

La différence est assez ténue. L'extrême gauche veut aboutir par la révolution à une société totalement égalitaire avec un partage total de la richesse et a défini pour cela un certain nombre d'ennemis que sont les représentants de la finance, du capital — encore que je n'arrive pas à savoir si elle arrive réellement à faire la différence entre ces deux notions — et de l'ordre établi en général dès que l'on touche à l'anarco-syndicalisme. Pour cela tout est bon. L'extrême droite, quant à elle, veut arriver à un genre de socialisme nationaliste. Pour cela, elle cherche à éliminer ses ennemis que sont l'étranger — enfin, celui qui ne pense pas comme elle —, le déviant ou le libéral, le militant syndicaliste de gauche ou tout autre ennemi désigné par le chef. Toute latitude quant aux moyen. La seule différence réelle entre ces deux extrêmes est qu'à droite se trouve une touche de nationalisme qui ne se retrouve pas à gauche où l'on est plus internationaliste. Quant au reste…

J'ai essayé de débattre hier avec un idéologue d'extrême gauche. Il s'en trouve, mais je vous avoue que j'ai déjà eu des discussions plus intéressantes avec des poteaux télégraphiques. Cela m'a permis de comprendre quelques points qui m'échappaient encore. Lorsqu'on est d'extrême gauche, on représente le bien parce qu'on veut une société égalitaire. On représente le bien parce qu'on est les seuls à faire le coup de point contre les fascistes. Lorsqu'on n'est pas d'extrême gauche, on n'a aucune légitimité pour être antifasciste et on n'a qu'à fermer sa gueule. Je résume un peu le ton de l'échange, mais c'est assez proche de ce que j'ai entendu hier soir. Pire, le fait de vouloir le bien pour des gens qui ne demandent rien légitime toutes leurs actions allant du tractage de rue aux opérations coup de poing. Je rajouterais ici en passant par les attentats puisque j'ai l'âge de me rappeler les années 1970, temps bénis en Europe des groupuscules d'extrême gauche.

Pourtant, il existe des antifascistes qui ne sont pas d'extrême gauche. Il existe des gens qui n'ont d'amitié pour aucun des deux extrêmes. Cela ne leur empêche pas d'être actifs. La réponse est toujours la même : ces groupuscules antifascistes ne contiennent que des gens d'extrême gauche. Cela justifie d'un point de vue leur position actuelle, mais tant que ces groupes seront avant tout d'extrême gauche avant que d'être antifascistes, il n'y aura parmi leurs membres que des gauchistes extrêmes, un modéré n'ayant rien à y faire. La lutte contre l'extrême droite ou l'extrême gauche ne peut passer par le coup de point parce que ces deux extrêmes l'appellent de leurs vœux. Tous ces groupuscules sont formés et prêts à cela. Aujourd'hui, les uns ont un martyr à défendre, les autres ont trouvé un ennemi bien identifié à combattre. Les deux sont plus forts qu'hier.

Combattre ces groupuscules ne peut se faire que sur le plan des idées. Les gens qui se retrouvent dans ces mouvements y recherchent plusieurs choses qu'ils ne retrouvent pas ailleurs, entre autres :

  • une nouvelle famille ;
  • un programme politique simple voire simpliste. Taper sur les fachos ou les gauchos, c'est assez rassurant pour des cortex imbibés de bière tiède ;
  • une figure paternelle rassurante ;
  • un prétendu idéal facile à imaginer et assez facile à imposer par la force ;
  • un effet de meute pour se donner du courage et justifier par la masse une idée politique qui masque ses propres doutes et ses propres carences de raisonnement…

En ce sens, ce n'est que la discussion et l'intransigeance des idées qui pourra arriver à battre ces groupuscules, certainement pas le combat de rue ou la dissolution de ces mouvements qui renaîtront d'ici quelques mois sous une forme ou sous une autre.

Mais revenons aux récupérations des politiques. J'ai honte pour eux. Comme à son habitude, Mélenchon a fait du Mélenchon et je ne vais pas m'étendre sur ses déclarations qui n'en valent vraiment pas la peine. À l'extrême droite comme à la droite extrême, on a pu entendre quelque chose du type ce n'est pas nous, c'est les autres. Copé a trouvé le moyen de dire qu'il fallait dissoudre tous ces groupuscules, de gauche comme de droite. Tous y sont allés de leur petite phrase. J'ai même entendu que l'extrême gauche n'a, contrairement à l'extrême droite, jamais tué personne en France. Je viens donc d'apprendre au choix que les membres d'Action Directe étaient de gentils révolutionnaires totalement pacifiques ou qu'ils n'étaient pas d'extrême gauche. C'est sans doute pour cela qu'il se considéraient non comme des détenus de droit commun mais comme des prisionniers politiques.

Il ne faut pas dissoudre ces mouvements puisque c'est le seul moyen que l'état a à sa disposition pour les surveiller. Les dissoudre seraient les ériger en victimes et les rendre plus virulents encore, ils n'attendent que cela. Il ne faut pas non plus présenter les antifas comme des anges idéalistes. On ne va pas exciter une bande de skinheads sans avoir une idée derrière la tête. La mort de ce jeune militant est un drame, tout le monde a fait des bêtises à son âge et je ne suis pas en train de défendre les skinheads, mais aller titiller du skinhead en les traitant de fachos n'était pas la chose la plus intelligente de sa journée. Cela n'excuse en rien la rixe qui s'ensuivit.

Ce qui me surprend surtout, à la réflexion, c'est l'absence de profondeur de raisonnement des idéologues d'extrême gauche dans cette affaire. On ne peut combattre le fascisme par des coups de poing. C'est totalement contre-productif. On ne peut combattre ce fascisme que par un combat d'idées et ces idées ne peuvent provenir de l'autre extrême car il est vain de vouloir lutter contre un extrême par un autre extrême. On a vu ce que cela a donné dans les années 1930 où l'Europe a laissé faire l'Allemagne qui, luttant contre le communisme, lui semblait un bon rempart contre Staline.

Seuls les modérés ont la légitimité pour combattre les extrêmes, encore faut-il qu'ils le fassent intelligemment. La récupération par le premier secrétaire du Parti Socialiste ou par le président de l'UMP me laisse entendre que ce n'est malheureusement pas pour demain. Les groupuscules d'extrême gauche comme d'extrême droite ont malheureusement encore de beaux jours devant eux.

Mourir pour des idées, oui, mais de mort lente. C'est bien plus efficace à tous points de vue.

 

1 commentaire

Commentaire de: Le Grincheux

Un article très documenté et éclairant se trouve ici :
http://descartes.over-blog.fr/clément-méric-ou-la-culture-de-la-violence

Un autre :
http://7seizh.info/2013/05/10/rennes-jeunesses-nationalistes-0-anti-fascistes-0/

08.06.13 @ 09:42


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