« Copeaux de langue de boisRequêtes étranges »

Brétigny-sur-Orge

Je ne me considère pas comme un miraculé de la SNCF même si seule une obscure raison tarifaire — les voies des tarifs de la SNCF sont parfois impénétrables — m'a poussé à prendre vendredi dernier le train Paris-Uzerche au départ de la gare d'Austerlitz à 18h59 plutôt que le Paris-Limoges précédent qui a déraillé en gare de Brétigny. Je déplore les six morts et les nombreux blessés. Mes pensées vont aux victimes, pas à la SNCF dont l'attitude a été pour le moins critiquable.

Le déraillement ayant eu lieu à 17h12, je n'ai été mis au courant du problème qu'en arrivant à la gare d'Austerlitz  puisque, la ligne 5 du métro étant fermée pour la réfection des viaducs, il me fallait prévoir un peu d'avance. J'avoue avoir été surpris par la façon dont la SNCF a géré cet événement.

Qu'on me comprenne bien, je ne reproche pas à la SNCF cet accident, encore que pour prendre cette ligne assez souvent depuis plus de dix ans, je m'étonne juste qu'il n'y ait pas eu d'accident plus tôt. En effet, pour des raisons financières, cette ligne sur laquelle circulait le Capitole (de Paris Austerlitz à Toulouse Matabiau en 5h56 en 1970 contre 5h35 au mieux en TGV aujourd'hui), la voie entre Paris et Vierzon a été déclassé de 200 à 160 km/h. Quant à la ligne Limoges-Caussade, elle a été déclassée à 120 km/h, tout cela pour ne pas nuire au TGV qui n'arrive qu'à gagner péniblement 21 minutes sur l'ancien Capitole qui roulait pourtant avec des antiques locomotives de la série CC 6500 limitées à 200 km/h en service. Les investissements minima n'ont pas été faits, tout devant passer par le TGV et l'ancienne ligne POLT s'est dégradée considérablement. Elle s'est même tellement dégradée que RFF, contraint et forcé, a dû demander à la SNCF d'annuler des trains en 2012 pour réaliser dans l'urgence les travaux de modernisation nécessaires.

Mais revenons à ce qui s'est passé vendredi soir, jour de départ en vacances. Je suis arrivé à la gare d'Orléans, pardon Austerlitz mais je n'arrive toujours pas à m'y faire, où régnait une cohue indescriptible. Je n'avais encore jamais vu autant de monde dans cette gare et il m'a fallu plus de dix minutes pour comprendre ce qui se passait. Un train avait déraillé en gare de Brétigny. Le problème est que nous étions vendredi soir et que personne à la SNCF ne semblait vouloir régler les problèmes des voyageurs en souffrance. Personnellement, je pouvais rentrer chez moi, mais la plupart des voyageurs présents ce soir-là venaient de l'autre bout de la France pour des vacances dans le sud-ouest et étaient bloqués à la gare d'Austerlitz sans qu'aucun « gilet rouge » de la SNCF ne soit en mesure de les orienter ou même de les rassurer en leur disant que des hôtels avaient été réservés pour eux. La seule réponse était invariablement qu'il fallait se renseigner en téléphonant au 3635. Très bien. Mais le standard du 3635 était surchargé comme l'étaient les réseaux mobiles.

À 19h00, j'arrive à attraper un gilet rouge pour lui demander de m'indiquer s'il y avait un train à Montparnasse pour Poitiers et si, par le plus grand des hasards à Poitiers, il y avait encore une correspondance pour Limoges. À chaque fois que je demande un Paris-Limoges, la SNCF s'évertue à commencer par me proposer un trajet en six heures parce qu'il y a un bout de TGV, je savais donc qu'il y avait un petit espoir de me rendre au moins à Limoges en passant par Poitiers. Réponse affirmative, départ de Montparnasse à 20h01, puis correspondance à Poitiers à 22h24 pour une arrivée à 0h11 le samedi matin. Parfait, je cours à Montparnasse et j'investis un TGV en m'accrochant à une place dite de bureau puisque ce TGV était complet dans les deux classes et que mine de rien, j'avais tout de même payé un billet Paris-Uzerche en première.

J'arrive à Poitiers à l'heure dans un TGV bondé puisqu'il transportait outre ses passagers à réservation obligatoire de sa propre ligne tous les gens qui devaient se rendre à Limoges. Visiblement, la SNCF l'ignorait. À Poitiers, rien n'était prévu pour augmenter la capacité du TER Poitiers-Limoges. Il aurait cependant suffi d'ajouter une seconde rame à la rame prévue. Cela aurait été trop simple. La SNCF a donc affrété deux cars, prétendant que la durée du trajet serait d'une heure et demi. Même en voiture, il est impossible d'effectuer par la nationale le trajet Poitiers-Limoges en un temps aussi court en respectant les vitesses. Passons. Nous arrivons tout de même à Limoges vers les minuit et demi.

Quant au retour, mieux vaudrait ne pas en parler. Départ dimanche d'Uzerche à 18h25. Je n'avais encore jamais vu une locomotive de la gamme SYBIC en aussi mauvais état. La sérigraphie neuve blanche, rouge et grise avait beaucoup de mal à cacher la dentelle de rouille. Arrêts à Limoges, Saint-Sulpice-Laurière, La Souterraine, Argenton-sur-Creuse, Châteauroux, Issoudun, Vierzon. Puis un long, très long arrêt. Le train repart vers le sud direction Bourges, puis Nevers avant de remonter vers Melun. À Melun, je pensais naïvement que nous arriverions à la gare de Lyon. Non, il s'agit d'un Brive-Paris Austerlitz et il convient de faire arriver ce train à Paris-Austerlitz. Ce convoi a donc rattrapé la ligne de Paris-Austerlitz à Juvisy et nous sommes arrivé à Paris avec trois heures de retard. Descendant sur le quai, je m'aperçois que ce train était quasiment vide. S'il y avait une centaine de voyageurs, c'était beaucoup.

Arrivant au bout du quai, vers 1h30, il a fallu râler sévèrement pour que la SNCF daigne faire quelque chose pour nous permettre de rentrer chez nous. Ce fut chose faite grâce à des coupons de taxi. Mais tous les taxis ne les prennent pas et personne n'avait prévu, à la gare d'Austerlitz, de commander de tels taxis.

En d'autres termes, un accident est toujours possible. Encore faut-il en gérer les conséquences chacun à son niveau de hiérarchie ou de compétences. Force est de constater que cela n'a pas été le cas. Quant aux circulations de trains entre Limoges et Paris, pourquoi ne pas avoir simplement fait arriver les trains à Étampes pour terminer avec des rotations de cars plutôt qu'avoir essayé à tout prix de les faire arriver à la gare d'Austerlitz avec trois heures de retard ? Et pourquoi ne pas avoir dévié les trains de Brive vers Poitiers puis Paris-Montparnasse ? Questions qui resteront sans aucun doute sans réponse. Aux dires d'un agent de la SNCF, ce cafouillage est normal parce que des trains de déraillent pas tous les jours. Certes, mais ce que je reproche n'est pas tant le déraillement que l'attitude de la SNCF dans son ensemble. J'ai vu des gestions de crise dans des pays dits pudiquement en développement bien plus efficace que ce qui s'est passé ce week-end.

 

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