« Truc bouclé ou bâclé dans l'urgenceLa terre du milieu »

Alors ? Sélection ou pas ?

15.06.14 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les politiciens

Vous le savez, il existe un grand machin nommé Terra Nova qui est ce qu'il est convenu d'appeler un think tank, c'est-à-dire un truc rempli de vide et qui raisonne lorsqu'on tape dessus. À moins qu'il ne résonne. Ce bidule qui est proche du Parti Socialiste ou de ce qu'il en reste vient de lancer un pavé dans la mare saumâtre de la sélection à l'entrée de l'université.

Reprenons donc les faits. Le socialisme triomphant cherche à avoir 80% d'une classe d'âge diplômée du baccalauréat, 50% de la même classe d'âge avec une licence, sans jamais se demander ce que la France pourrait faire de tous ces diplômés. La conséquence directe est une baisse généralisée du niveau, une fuite des meilleurs cerveaux qui n'ont pas trouvé de travail en France ainsi qu'un nombre élevé d'emplois qui ne trouvent pas preneur. Avez-vous déjà tenté d'expliquer à un détenteur d'une licence en sociologie qu'il pourrait peut-être envisager de reprendre une boulangerie ? Avez-vous déjà essayé de trouver un plombier d'urgence à Paris ? Peut-être pas.

Reprenons donc la réflexion de Terra Nova point par point.

Intitulé « Promouvoir une nouvelle conception de la licence », la première proposition a pour objectif de sortir de l'hypocrisie ambiante qui consiste à faire croire à tous les jeunes, quel que soit leur baccalauréat, qu'ils peuvent réussir à l'université quelle que soit la filière qu'ils choisissent. « Tout en maintenant une diversité de choix et une indispensable possibilité de réorientation, certaines admissions en université ne doivent plus être de droit pour tous les bacheliers, mais laissées à l'initiative des universités au vu des dossiers, lorsque ces orientations conduisent à un échec quasi certain », disent les auteurs de cette note.
Il ne s'agit pas de dire qu'il faut généraliser la sélection. Terra Nova est pour un enseignement supérieur ouvert à tous, prévient Laurent Daudet. Les titulaires d'un bac pro ont le droit d'aller à l'université mais dans certaines filières, on sait que les taux de succès sont tellement ridicules que c'est du gaspillage !

Ce n'est pas cohérent. L'enseignement supérieur est ouvert à tous mais pas partout. Le problème n'est pas tant le taux de succès que de former des gens qui ne trouveront pas de travail grâce à ces enseignements. Je n'ai rien contre l'histoire, la sociologie ou les lettres classiques, mais force est de constater que les emplois qui utilisent directement les enseignements acquis de dure lutte sur les bancs de l'université ne servent que marginalement ceux qui les ont acquis. Je mets naturellement à part celles et ceux qui se destinent à l'enseignement dont le problème est un peu différent. Parmi mes connaissances, j'ai une détentrice d'un DESS d'histoire moderne qui travaille aux impôts, une détentrice d'un DESS de sociologie qui est secrétaire dans un hôpital psychiatrique et j'en passe. Remarquez bien, je connais aussi un ingénieur (doublement diplômé) qui a fini prêtre et un autre, ingénieur en électronique, qui est actuellement jésuite. Comme quoi rien n'est jamais joué, les voies de Dieu sont impénétrables et, si l'on ne veut pas instaurer de numerus clausus, il faudrait tout de même songer à limiter d'une manière ou d'une autre les entrées dans les universités pour le bien des étudiants et, finalement, pour le bien de la France qui finance les universités.

Sortir de l'hypocrisie de la sélection serait une bonne chose. Car même si l'université est ouverte à tous, la sélection s'effectue tout au long des études, à commencer par la première année de licence où un jeune sur deux échoue.

Quelle découverte ! Terra Nova vient de comprendre que si l'université française doit accueillir n'importe quel titulaire d'un baccalauréat, elle ne pouvait pas, sous peine de se décrédibiliser, donner un bout de papier au bout de quelque années à n'importe qui sous peine de devenir la risée du monde entier. Comme le niveau du baccalauréat ne cesse de chuter, le retard à rattraper est de plus en plus grand et les étudiants les plus faibles se font naturellement éjecter du système bien plus violemment que si quelqu'un leur avait dit en première année que ce n'était pas la peine, qu'ils n'y arriveraient pas, et qu'il faudrait peut-être songer à une autre formation.

Le but n'est pas de décrédibiliser telle ou telle formation, mais de revenir une fois pour toute sur le dogme des filières professionnelles qui ne sont pas nobles. Il y a de l'emploi dans ces filières et, souvent, cet emploi est assez bien payé. Et je ne parle pas de l'apprentissage qui peut se faire dès seize ans, donc sans passer par la case seconde générale.

Dans ces conditions, il faut arrêter d'interdire aux universités de créer des licences d'excellence pour attirer les meilleurs bacheliers, qui préfèrent aller en classe prépa et fuient l'université. « Aujourd'hui, les universités en sont à ruser pour atteindre cet objectif : doubles licences, sélection en douce, etc. Ce n'est pas digne, ce n'est plus acceptable. Il n'est pas "honteux" que l'université mette en place des cursus pour les meilleurs étudiants, il faut non seulement le lui permettre, mais l'encourager. » [...] Dans cette note, si les auteurs défendent par ailleurs le principe de l'autonomie, ils souhaiteraient que ce soit une vraie autonomie et dénoncent l'autoritarisme ambiant provenant du ministère de l'enseignement supérieur et la recherche : « On dit aux universités, vous êtes autonomes, mais c'est comme ça que vous devez l'être.

Reprenons donc si vous le voulez bien le raisonnement. Pure hypothèse de travail de ma part.

Le passage en seconde générale se fait au choix des familles, assez peu selon le niveau des élèves. Il faudrait supprimer le diplôme national du brevet. Comme une personne assez mal intentionnée me le souffle dans le creux de l'oreille, il faudrait aussi arriver au bac moins trois-bac plus trois pour tous sans bac au milieu puisqu'il faudrait aussi tendre à sa suppression tout en gardant une certaine sélection à l'université. Notez bien qu'il faudrait sélectionner à l'université, pas à l'entrée de l'université, ce qui est tout de même autre chose.

Il y a de l'idée. C'est du moins ce que je notais sur les copies de certains étudiants lorsque devais encore corriger des copies qui se mesuraient en mètres linéaires.

Mais il y a peut-être encore plus grave. Se cache potentiellement derrière cette saille une nouvelle stratégie pour se débarrasser des classes préparatoires aux grandes écoles. Cela fait maintenant vingt ans que cela dure et que les gouvernements de tous poils préparent leur fusion avec les universités, le but étant de casser le système des grandes écoles. C'est déjà le cas, la loi LMD a tout fait pour les rendre subtilement incompatibles avec le niveau L alors qu'elles recrutent à L-1. Mais le bon peuple est content, lui qui n'a pas tout compris des implications de cette loi et qu'il n'y avait pas que l'uniformisation des diplômes du niveau européen.

Bref, rien de nouveau. Une constatation que font déjà tous les enseignants quels que soient leurs niveaux. Et Terra Nova essaie d'en sortir grandi et de faire parler de lui sous le prétexte fallacieux de tout le monde pense comme nous donc nous avons raison. À moins qu'il ne s'agisse de personne ne pense comme nous donc nous avons raison et nous sommes innovants. Et jamais, jamais ce bidule qui a réfléchi des heures entières sur le sujet ne reconnaîtra que l'objectif de 80% d'une classe d'âge au bac a conduit à détruire le niveau du bac. C'était annoncé par les détracteurs de cet objectif chiffré.

Bel exemple de la loi de Goodhart dans toute sa splendeur. Pour ceux qui ne le sauraient pas, la loi de Goodhart indique que dès lors qu’un indicateur économique ou social devient un objectif de politique, il perd tout contenu en information qui le rendait potentiellement utile.

Et dire qu'il y en a qui ont cru bon de manifester contre la loi Devaquet…

 

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