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Petite analyse de la dette française à destination des imbéciles et des électeurs du Front de Gauche

15.01.15 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les financiers, Je hais les politiciens

D'après certains beaux parleurs de gauche, qu'il s'agisse des frondeurs, du Parti de Gauche ou de la gauche de la gauche, nous n'avons qu'à refuser de payer la dette de l'état pour que tout les problèmes de financement soient une bonne fois pour toute réglés, comme si notre déficit n'avait aucune source structurelle.

Ce faisant, ils évitent la question sournoise et incidieuse de savoir qui détient effectivement cette dette française. Pourtant, cette question, chaque contribuable français est en droit de la poser puisqu'il la finance au travers de ses impôts et des taxes et contributions qu'il paie. Je ne sais pas si vous avez remarqué la poésie de l'état lorsqu'il s'agit de nous ponctionner toujours un peu plus. À titre personnel, je trouve que nous vivons dans un pays fabuleux qui a tout de même réussi à régler tous ses problèmes fiscaux en appelant une taxe une contribution.

Mais revenons au sujet puisqu'une fois de plus je me suis coupé moi-même la parole. Revenons donc à la propriété de cette fichue dette. Figurez-vous que j'ai essayé de savoir en détail qui détient effectivement les créances françaises. Si on arrive assez facilement à avoir quelques informations générales, j'avoue qu'il est pratiquement impossible d'en avoir une vue précise tant cette dette relève d'un secret d'état bien gardé. Donner quelques informations devrait donner peur à la fois au contribuable de base français mais aussi aux diverses agences de notation.

À la fin du quatrième trimestre 2011, la dette publique au sens de Maastricht, qui est une dette brute et bizarrement calculée — j'en ai déjà parlé ici —, s'établit à 1717,3 milliards d'euros. La question est de savoir comment sont répartis ces titres. En effet, si ces titres sont répartis entre une multitude de petits épargnants, sa gestion sera différente de celle de titres dans les mains de quelques grands groupes financiers ou de fonds de pensions anglo-saxons. Les premiers prêtent en bons pères de famille, les seconds sont bien plus spéculateurs, avides, prêts à tout pour faire monter les taux d'intérêts quitte à mettre un pays à genoux. Je ne sais pas si vous voyez bien de quoi je veux parler. Pourtant, les exemples de la Grèce et des pays du sud de l'Europe sont assez éloquents. Bien entendu, ces spéculateurs ne sont pas responsables de ces crises financières, ils ne sont qu'opportunistes et il convient de ne pas leur jeter la pierre. Nous n'avons fait que nous mettre à leur merci.

Savoir qui détient notre dette permettrait de mesurer les conséquences d'un défaut de paiement, partiel ou total. L'hypothèse n'est pas absurde tant les finances françaises sont dans un état déplorable.

Assez étrangement, les banques européennes ont obtenu un prêt de plus de 450 milliards d'euros à 1% de la banque centrale européenne pour acheter fin 2011 de la dette européenne. Rassurez-vous, les banques françaises n'ont pas été en reste.

Pour se financer, l'état français vend ses bijoux de famille — entreprises, bâtiments, matériels de l'armée récemment, aéroports et j'en passe — et, de temps en temps lorsque le temps le permet, il émet des titres financiers, généralement sous la forme d'obligations. Une obligation, c'est un titre qui porte lors de son émission une échéance et un taux d'intérêt. Contrairement à une action, une obligation est prévisible sauf défaut de l'émetteur. Ces titres sont mis sur le marché par adjudication de l'Agence France Trésor à vingt banques aggrées, les « spécialistes en valeur du Trésor » (« SVT », de BNP Paribas à Goldman Sachs, en passant par Natixis, la Deutsche Bank ou la Société générale) chargés de les écouler. Ces banques savent donc à qui elles vendent — éventuellement — ces titres. Mais une fois ces titres vendus, ils circulent librement, quasiment au porteur. Leur détenteur final perçoit quant à lui ses intérêts tous les ans, intérêts qui ont été de 45,2 milliards d'euros pour l'année 2010.

En théorie, donc, comme les détenteurs de cette dette perçoivent des intérêts, on devrait les connaître.

Pourtant, sur le site de l'Agence France Trésor, rares sont les informations disponibles. Tout au plus apprend-on que 66% des détenteurs de la dette française sont des non-résidents français. En fouillant un peu, on trouve qu'à la louche, un tiers de la dette est déténue par des investisseurs français, qu'un autre tiers est détenu au sein de la zone euro et que le restant est détenu hors zone euro. Mais cela se corse lorsque l'on sait qu'un non-résident peut être un faux nez puisque sont comptabilisés dans les non-résidents des français de France qui détiennent ces titres au travers d'un portefeuille d'obligations géré à l'étranger, dans un paradis fiscal ou non. Pire, un investisseur qatari qui a investi dans la dette française au travers d'un fonds d'investissement à Luxembourg est considéré comme un investisseur en zone euro !

En creusant un peu le sujet, on apprend que les trois plus gros détenteurs de la dette française sont le Luxembourg, les Îles Caïmans et le Royaume-Uni. Pour information, la population des Îles Caïmans est de 44000 habitants et je doute qu'ils puissent à eux seuls financer leur quote-part même avec la meilleure volonté du monde.

Arrive donc la question qui fâche. Qui détient la dette française et est-ce un secret d'état ? Les enquêtes réalisées par l’Agence France Trésor auprès de ses vingt banques partenaires permettent d’en savoir un peu plus sur les gros acheteurs : principalement des banques centrales, des fonds souverains, des assureurs, des banques commerciales et des fonds de pension. Ce que confirme la base de données financières eMAXX, mise en place par Thomson et l’agence de presse Reuters, qui publient régulièrement la liste « des cinquante plus gros détenteurs de dette souveraine française » (hors banques centrales). Nous y retrouvons des assureurs (Axa, Allianz…), des mutuelles (MMA, MAAF, Groupama…), des banques (BNP-Paribas, La Banque postale, ING…) et une multitude de fonds d’investissement, principalement européens. Impossible d'en savoir plus alors que cette information est pourtant cruciale pour notre avenir.

Or cette absence de transparence est voulue. Elle est même inscrite dans la loi actuellement en vigueur — notamment l’article L. 228-2 du code de commerce, décret d’application n° 2002-803 du 3 mai 2002 publié au Journal officiel du 5 mai 2002, et l’article L. 212-4 du code monétaire et financier relatif à la nominativité obligatoire — et qui n’autorisent les conservateurs d’instruments financiers à communiquer aux émetteurs la liste de leurs détenteurs finaux qu’aux seuls émetteurs d’actions, de bons de souscription d’actions ou d’instruments de taux donnant immédiatement ou à terme accès au capital. Subtil.

Subséquemment, l'Agence France Trésor ne peut identifier précisément les détenteurs des obligations et bons du trésor. Fermez le ban, nous n'avons pas à savoir qui nous détient. Et ce, quelles qu'en soient les conséquences.

Face à cette opacité généralisée, des chercheurs suisses ont enquêté. Fins connaisseurs du gruyère, des banques et de l'opacité des transactions, il ne fallait pas moins que cela. Leurs conclusions sont édifiantes. Ils ont révélé que cent quarante-sept multinationales, tout en se contrôlant elles-mêmes, possèdent 40% de la valeur économique et financière des dizaines de milliers de multinationales du monde entier (source). Il serait étonnant qu'il n'en soit pas ainsi pour les dettes souveraines. Effectivement, selon les données présentées par la Banque des Règlements Internationaux (BRI), un organisme géré par cinquante-huit banques centrales nationales, les banques étrangères possédaient en juin 2011 13 % de la dette de l’État français. Soit 176 milliards d’euros, dont plus des deux tiers sont entre les mains de banques britanniques, japonaises, allemandes, états-uniennes et suisses. Mais il ne s’agit que d’un euro sur dix empruntés. Les autres, on ne sait trop. Sans doute se trouvent-ils répartis chez vous et moi, sournoisement.

Vous avez peut-être oublié le versement des intérêts aux porteurs des titres. Ou vous vous demandez encore comment l'état fait pour verser ses intérêts. Rassurez-vous, il y a pensé. La société  Euroclear France, organisme boursier privé, est le dépositaire central des titres français. Elle fait l'intermédiaire entre la Banque de France et les détenteurs de titres du Trésor pour leur verser leurs intérêts ou leur pécule quand l’emprunt arrive à échéance. Euroclear sait ainsi parfaitement qui détient quoi et à quel moment. Mais la loi lui interdit de rendre ces données publiques.

Pourtant, ce sont bien les contribuables qui financent.

À terme, ce seront tous les citoyens qui vont payer. Directement ou indirectement.

 

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