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Post-modernisme

01.08.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Mauvais esprit

Je commence à comprendre pourquoi le directeur des programmes de France Inter a mis sur sa grille d'été l'émission « Ça vous dérange » en semaine à 12h00. Il s'agit d'une émission comique qui remplace avantageusement la seconde partie du « Fou du roi ».

Le 20 juillet 2010, quelle ne fut pas ma surprise d'entendre vers 12h40 que

le présentéisme est la marque de la post-modernité.

Après vérification, je puis affirmer sans aucune erreur que je n'avais pas réglé mon poste sur France Culture. Il n'y a donc plus qu'une chose à faire, ramasser les copies dans quatre heures.

Le présentéisme est la marque de la post-modernité. C'est tellement abscons qu'on pourrait croire sans peine cette sentence sans appel issue tout droit de l'Intelligibilité de l'histoire, le second tome de la Critique de la raison dialectique de ce regretté Jean-Paul Sartre. Je dis regretté parce qu'il ma toujours semblé que Jean-Paul Sartre était l'un des plus grands humoristes de son temps. En effet, je n'arrive pas à concevoir que Sartre, premier à l'agrégation de philosophie donc a priori d'une certaine intelligence, ait pu se prendre au sérieux, voire ait réussi à ne pas prendre son lecteur pour un idiot en écrivant puis en réussissant à faire publier ses textes. C'est tout de même lui qui a couché sur le papier dans ce fameux — fumeux ? — chapitre sur l'intelligibilité de l'histoire ceci :

Il faut revenir à cette vérité première du marxisme : ce sont les hommes qui font l'histoire. Et comme c'est l'histoire qui les produit, en tant qu'ils la font, la substance de l'acte humain, si elle existait, serait le non-humain ou à la rigueur le pré-humain, en tant qu'il est la matérialité discrète de chacun.

Il faut reconnaître que c'est au moins aussi puissant — mais plus long, personne n'est parfait — que le cryptique « Et in Arcadia ego » figurant sur le tableau de Nicolas Poussin et ayant fait, et faisant toujours d'ailleurs, couler des fleuves d'encre.

Donc le présentéisme est la marque de la post-modernité.

Que rajouter à cela ? Pourtant, il faudrait déjà définir ce qu'est la modernité, comprendre le concept de modernité sous-jacent puis l'étendre à la post-modernité. Ce n'est pas simple. La post-modernité est-elle la même chose que le post-modernisme ? La post-modernité est-elle la modernité de la modernité ou tout simplement un retour à moins de modernité avec en filigrane l'épineuse question portant sur le sens du progrès ? Parce derrière cette sentence sans appel se cache le problème de savoir ce qu'est le progrès et surtout à quoi il peut bien servir puisqu'à long terme nous sommes tous morts.

Quant au présentéisme, il s'agit certainement d'un concept nébulo-fumeux voisin de l'instantanéisme canal historique et fanatique. Si j'ai bien tout compris — ce dont je doute —, le présentéisme serait quelque chose comme la jouissance de l'instant présent. Ce qui me fait légèrement tiquer, ce sont quelques souvenirs de mes cinq ans de cours de latin (à l'oral s'il vous plaît) chez les bons pères, et qu'entre autres, nous avons étudié par le menu De Rerum Natura de Titus Lucrecius Carus plus connu sous le nom de Lucrèce. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, Lucrèce était un disciple d'Épicure et défendait comme son maître l'idée que le souverain bien est le plaisir défini essentiellement comme « absence de douleur ». Les jours fastes, sa pensée vagabondait jusqu'au carpe diem.

Lucrèce était donc un présentéiste en tant qu'il prônait la jouissance de l'instant présent. Mais peut-on pour autant qualifier sérieusement Lucrèce, vivant au premier siècle avant notre ère, de post-moderne ? À bien relire la phrase initiale enchaînant par une relation d'équivalence la post-modernité et le présentéisme, ce serait pourtant le cas. En effet, si le présentéisme est la marque de la post-modernité, il est évident que la post-modernité peut être déterminée par son présentéisme. Il s'ensuit donc que Lucrèce était un post-moderne qui s'ignorait.

De deux choses l'une, ou Lucrèce était un horrible avant-gardiste, ce qui est fort possible, ou il me faut immédiatement deux aspirines.

 

1 commentaire

Commentaire de: oloc
oloc

Ah oui, c’était le jour où était invité le comique Michel Maffesoli. Que ce mec ait pu faire une telle carrière à coup de concepts fumeux me désole. Rappelons qu’il a dirigé la thèse d’Elizabeth Teissier.

Tu n’es pas le seul à soulever le lièvre. Acrimed a fait un papier là dessus :
http://www.acrimed.org/article3419.html

01.08.10 @ 13:29


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