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Les frères Galoche

30.07.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Matheux pervers, Haines ordinaires

Ce n'est plus possible. Ces derniers jours, dès que j'allume la radio, je tombe sur les Laurel et Hardy de la science, les frères Igor et Grichka Bogdanov. Je n'ai jamais entendu de discours plus creux sous couvert de vulgarisation. Ces inséparables siamois représentent une énigme scientifique à plus d'un titre. Avant de l'avoir percée, il est ridicule d'essayer de connaître ce qui a bien pu se passer de l'autre côté du mur de Planck ou de déterminer avec précision la valeur de la constante cosmologique.

Ce matin encore, ils étaient dans l'émission de Guillaume Erner, l'Été en pente douce durant laquelle l'animateur s'est subtilement mais ouvertement moqué d'eux sans qu'ils ne le relèvent. Je ne peux plus les entendre. Je ne peux plus supporter leur logorrhée destinée à impressionner l'auditoire en le noyant sous des monceaux de concepts approximatifs — qu'ils ne maîtrisent même pas — et quelques explications fumeuses. J'ai énormément d'estime pour les physiciens qui prennent la peine de faire de la vulgarisation parce que c'est une activité ingrate et très ardue. Parler de physique nucléaire ou d'astrophysique à des foules qui n'y comprennent rien — non qu'elles soient bêtes mais parce qu'elles ne peuvent pas tout connaître — est un sacerdoce difficile. Le but de ces deux scientifiques de pacotille est au contraire d'impressionner le chaland et, en tant que comédiens médiocres, ils sont parfaits. En revanche, en tant que scientifiques, ce sont deux imposteurs qui n'hésitent pas, pour faire de l'audience, à mélanger allègrement la physique et la métaphysique.

Je les ai quand même entendus dire durant cette émission qu'ils étaient d'accord avec Albert Einstein — rien que ça et heureusement encore — lorsqu'il disait que « Dieu ne joue pas aux dés » et que quelqu'un ou quelque chose a réglé les constantes fondamentales de l'univers pour que nous existions. C'est déjà un superbe contresens sur l'aphorisme d'Einstein car il ne faut pas perdre de vue qu'Einstein avait baigné dans une culture juive. Cette culture, je ne parle pas de croyance, lui imposait un univers statique et, pour cette raison et pour aucune autre, Einstein a ajouté dans ses équations une constante, appelée depuis constante cosmologique pour qu'elles soient cohérentes avec sa conception de l'univers. Lui-même déclarait avoir des doutes sur cette constante réglant la géométrie de l'univers et, s'il l'avait fixée arbitrairement à 1, ce n'était que parce qu'il ne pouvait concevoir qu'un univers plat, une géométrie parabolique.

Les jumeaux tirent aussi sans vergogne un trait sur le principe anthropique de l'univers. Comment peut-on dire que l'univers ne peut exister que parce que ses constances fondamentales ont été réglées finement par un principe supérieur ? Si ces constantes avaient été autres, nous ne serions pas là pour en discuter !

Oublions aussi le discours sur les anisotropies du rayonnement fossile de l'univers, il y aurait trop à dire.

J'ai une solide culture scientifique oscillant entre les mathématiques amusantes et la physique expérimentale. Je ne m'estime pas être compétent en astrophysique mais j'ai quelques connaissances et je suis capable de lire un article scientifique de niveau correct. J'ai aussi appris qu'une équation modélisant un système physique n'est qu'une équation et qu'elle n'est valable que localement. En d'autres termes, tout modèle possède un domaine de validité et l'utilisation de ce modèle en dehors de son domaine donne des résultats au mieux approximatifs au pire totalement aberrants. Aussi, prétendre comme ces deux individus approcher l'instant zéro en extrapolant des modèles valables après l'instant de Planck est une pure hérésie.

Prenons un exemple pour fixer les idées. En électromagnétisme, la force exercée par une particule sur une autre est en 1/r2r est la distance entre ces deux particules. Il est évident, même pour un béotien absolu, que cette force ne devient pas infinie lorsque la distance entre les deux particules tend vers zéro. Elle ne devient pas infinie parce que cette force est issue d'une modélisation dont l'une des hypothèses est que les particules sont des points — comprendre des sphères de rayon nul — car calculer la force exercée par une particule sur l'autre avec comme hypothèse que les particules sont des sphères est une gageure : il faudrait connaître la distribution de la charge à l'intérieur de chacune des particules et je ne suis pas volontaire pour me lancer dans le calcul intégral qui s'ensuivra. Cette loi n'est ainsi valable qu'à partir du moment où la distance entre les deux particules est suffisante pour que la force exercée sur l'une par la seconde soit issue d'un champ lointain, en d'autres termes que le rayon des particules soit négligeables devant la distance entre les particules.

Revenons donc à nos deux pseudo-scientifiques rois de l'à-peu-près. Ils ont tout de même la prétention de savoir ce qui s'est passé à l'instant zéro en utilisant les formules valables après l'instant de Planck, c'est-à-dire après 10-43s après le big-bang. Vous me direz à juste titre que 10-43s, ce n'est pas beaucoup et c'est exact. Néanmoins, avant le mur de Planck, nous savons avec certitude que les formules de la relativité générale ne s'appliquent plus. Nous ne savons même pas si le big-bang a vraiment eu lieu puisque nous n'avons aucun moyen de modéliser ce qui s'est passé de l'autre côté du mur de Planck.

Ça ne fait rien. Il faut bien vivre et pour cela vendre des bouquins qui doivent figurer en bonne place dans toute bonne librairie, bouquins qui iront très vite dans la fosse commune des sciences. Si encore ces ouvrages ne faisaient que rire, ce ne serait pas dangereux, mais je suis prêt à parier qu'il y aura ici ou là quelque illuminé qui prendra ces thèses pour argent comptant.

 

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tth
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Il y a quelques mois, la revue “pour la science” a publié un article sur “que se serait-il passé si AAA", avec AAA étant des choses “la charge de l’électron” à nnnn eV” ou “ah mince, on n’a pas de neutrinos".

Des hypothèses un peu farfelues, suivies d’un raisonnement rigoureux, pour arriver à la conclusion qu’en fait, on ne peut être sûr de rien…

Distrayant et instructif…

30.07.10 @ 11:19


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