Il est intéressant de regarder les statistiques qui sont en train de tomber sur la sociologie du vote MAGA.
Ce graphique indique l'évolution des votes pour les démocrates et les républicains entre 1996 et 2024. On constate qu'en 28 ans, l'électeur médian est passé pour les républicains de quelqu'un à hauts revenus et haute éducation à quelqu'un à bas revenus et aucune éducation (au sens de diplôme universitaire). Les démocrates ont fait le chemin en sens inverse.
L'électeur américain a donc voté pour amener au gouvernement un milliardaire (peut-être plusieurs) qui se contrefiche royalement de ses besoins. Gageons qu'il va se rendre compte assez rapidement qu'il sera cocu.
Un autre graphique est intéressant et a été présenté hier dans les médias américains. Il s'agit du clivage entre les deux partis principaux et de son évolution dans le temps.
La ligne de partage varie énormément au cours du temps et bascule jusqu'à ce que le parti républicain contienne la quasi intégralité des populistes.
Je ne sais pas si vous avez bien remarqué, mais la campagne de l'agent orange a été faite en grande partie au nom de la sacro-sainte liberté.
Liberté d'expression selon le cuistre Elon Musk qui n'est là que pour continuer à obtenir des subventions de l'état fédéral grâce auxquelles il a fait sa fortune — tout en officiellement les combattant en soutenant Trump, quel sale type ! —, mais aussi liberté de censure (des livres qui ne plaisent pas aux MAGA, on dénombre à ce titre aujourd'hui dix milles livres censurés dans les écoles, dont la série Harry Potter, le Meilleur des mondes et j'en passe), liberté de raconter n'importe quoi aux esprits faibles (QAnon, RFK junior ouvertement complotiste antivax assumé), liberté de contraindre le corps des femmes (refus de la protection de l'avortement)…
La liberté, lorsqu'elle sort d'un cerveau MAGA, on ne la reconnaît plus qu'à ses godasses. Il ne s'agit plus de la Liberté avec un grand « l », de ce principe fondateur des États-Unis d'Amérique, mais de la liberté avec un petit « l », toute relative et permettant à la majorité toute relative élue d'imposer son point de vue sur le reste des habitants du pays.
Il s'agit de la liberté pour n'importe quel bas de plafond de faire n'importe quoi quitte à empiéter sur la liberté de son prochain. Ce n'est pas la liberté, c'est à la limite le libertarianisme, l'anarcho-capitalisme ou l'anarchie. En aucun cas, il ne s'agit de liberté garantie à tous.
Et ce n'est que le début, un avant-goût. Il faudra s'y faire parce que Trump est la première avancée de pion du Project 2025. The Economist a analysé le plan en question du point de vue politique. Selon lui, ce plan contient des questions de guerre culturelle, ainsi que d'autres qui ont une portée plus large et rompent avec l'orthodoxie républicaine passée, augmentant les déficits et la dette nationale. Anna North de Vox le décrit comme un plan visant à consolider le pouvoir et à faire passer des politiques impopulaires.
Notez bien la dernière phrase et le principe de négation de la liberté qu'elle contient.
Faisons un petit inventaire pour fixer quelques idées.
Institutions fédérales
Le Projet 2025 envisage des changements généralisés au sein du gouvernement, en particulier en ce qui concerne les politiques économiques et sociales et le rôle du gouvernement fédéral et de ses agences. Le plan propose de prendre le contrôle partisan du département de la Justice (DOJ), du Federal Bureau of Investigation (FBI), du département du Commerce, de la Commission fédérale des communications et de la Federal Trade Commission (FTC), ainsi que de démanteler le département de la Sécurité intérieure en le subdivisant en plusieurs ministères. Il prévoit aussi de réduire fortement les réglementations environnementales et climatiques pour favoriser la production de combustibles fossiles. Le projet cherche à instaurer des réductions d'impôts, même si ses auteurs ne sont pas en accord sur le degré de protectionnisme à adopter. Il recommande de supprimer le ministère de l'Éducation, dont les prérogatives seraient transférées à d'autres agences ou supprimées. Ce projet conduirait les États-Unis à réduire leur financement des recherches sur le climat, tandis que les National Institutes of Health (NIH) seraient réformés selon des principes conservateurs.
Pornographie et contenus pour adulte
Le Projet 2025 propose de criminaliser la pornographie.
Santé des femmes en matière de reproduction
De manière générale, le projet enjoint le gouvernement à s'opposer au droit à l'avortement, et à éliminer la couverture de la contraception d'urgence en application de l'Obamacare.
Les partisans du Projet 2025 soutiennent que la vie commence dès la fécondation. Le Mandate stipule que le Département de la Santé et des Services Sociaux (Department of Health and Human Services ou HHS) doit « redevenir connu sous le nom de Département de la Vie », comme l'a surnommé le secrétaire du HHS de Trump, Alex Azar, en , exprimant sa fierté de « faire partie de l'administration la plus pro-vie de l'histoire de ce pays ». Le projet 2025 affirme qu'il repositionnerait les politiques du ministère « en rejetant explicitement la notion selon laquelle l'avortement est un soin de santé et en rétablissant son énoncé de mission dans le plan stratégique [du HHS de Trump] et ailleurs pour inclure la promotion de la santé et du bien-être de tous les Américains « de la fécondation à la mort naturelle » ».
En 2022, la Cour suprême statue, dans cas Dobbs v. Jackson Women's Health Organization, que la Constitution ne confère pas de droit à l'avortement, laissant ainsi aux États le soin de créer leur propre législation en la matière, mais le Projet 2025 encourage le prochain président à « promulguer les protections les plus solides pour les enfants à naître que le Congrès pourra soutenir ». Le Projet déclare également que « la décision dans l'affaire Dobbs n'est qu'un début. Les conservateurs devraient pousser aussi fort que possible pour protéger les enfants à naître dans toutes les juridictions américaines. »
Roger Severino, vice-président de la politique intérieure de la Heritage Foundation, a déclare lors d'une conférence de Students for Life (en) que le Projet 2025 « travaillait sur ce type de décrets présidentiels et de réglementations » pour revenir sur les politiques d'avortement de Biden et « institutionnaliser l'environnement post-Dobbs ». Par exemple, la Reproductive Healthcare Access Task Force (Groupe de travail sur l'Accès aux Soins de santé en matière de Reproduction) créée par le président Biden serait remplacée par une agence « pro-vie » dédiée qui « utiliserait son autorité pour promouvoir la vie et la santé des femmes et de leurs enfants à naître ».
Diversité
Le projet propose de supprimer les protections contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre et de mettre fin aux programmes de diversité, équité et inclusion (DEI) ainsi que de discrimination positive.
Immigration
Le projet recommande l'arrestation, la détention et la déportation des migrants sans papiers vivant aux États-Unis.
Justice
Le Projet 2025 promeut la peine de mort et salue le « caractère définitif » et la rapidité de cette peine.
Certains aspects ont déjà été déclarés contraires à la constitution, mais qu'en sera-t-il avec une majorité MAGA dans les deux chambres et potentiellement à la cour suprême ?
Le sénateur Claude Malhuret a succédé à Georges Marchais comme plus grand humoriste français. Ses discours sont souvent des perles. Là, nous sommes dans la tragédie grecque à la mode Jean Anouilh.
La lucidité en à peine plus de cinq minutes. Et je vous file mon billet que personne ne l'écoutera.
Pour mémoire, ce discours date du 7 novembre 2024 et devrait rendre honteux non seulement tous nos dirigeants, mais aussi tous les peuples occidentaux qui regardent tous ailleurs.
Je n'avais pas prévu d'écrire quelque chose aujourd'hui, mais ce matin, j'ai trouvé ma boîte aux lettres pleines de centaines de messages à la suite de mes deux derniers articles.
Je n'y répondrai pas. Il s'agit au mieux de trolls au pire de robots, certains en Anglais, d'autres dans un Français que les Suisses qualifieraient de « fédéral », je ne sais pas si vous voyez bien de ce que veux dire.
J'enfonce donc le clou. Les électeurs qui ont pris la peine de voter n'ont pas donné plus de voix à Trump que ce qui lui avait permis de dégager en 2020. Plus qu'une large victoire de Trump, c'est une large défaite de Harris qui accuse un déficit de 14 millions de voix par rapport au score de Biden en 2020 qui lui avait permis de l'emporter.
Comme vous ne me croirez pas, voici les résultats de 2020.
On constate que Trump a rassemblé 74216154 voix contre 81268924 pour Biden. Et voici les résultats de l'élection de 2024.
On constate que Trump a fait moins bien puisqu'il a rassemblé sur son nom 72543738 voix. En revanche, on constate aussi que Harris n'a eu que 67861851 suffrages. Trump n'a donc même pas réussi à mobiliser son propre camp. Il n'y a pas eu non plus de report de voix démocrate sur le candidat MAGA, il n'y a eu qu'une démobilisation spectaculaire du camp démocrate et un taux d'abstention monstrueux. Trump a donc gagné par défaut parce que les démocrates ne sont pas allés voter pour leur candidat, ces mêmes démocrates ou indépendants qui vont filer une dérouillée lors des prochaines élections aux MAGA qui ont aujourd'hui tous les pouvoirs (présidence, cour suprême, sénat et vraisemblablement chambre des représentants).
Et cette abstention est le vrai vainqueur. Les États-Unis d'Amérique comptent 350 millions d'habitants et 245 millions d'électeurs. Selon ces données, il y a un peu plus de 100 millions d'électeurs qui n'ont pas pris la peine de voter. Le score de Trump représente 30% des électeurs inscrits et 20% de la population.
Mais les MAGA vont vous en faire baver. Et je vous parie que tous ces électeurs abstentionnistes soit parce qu'ils n'en avaient rien à faire (ils ont la mémoire courte) ou qu'ils avaient mieux à faire vont revenir aux urnes au moins en partie aux prochaines élections. Comme une partie des minorités qui ont voté pour eux.
Sauf que ce sera trop tard, le mal sera fait.
Voilà, c'est fait, l'agent orange rempile pour quatre ans. Accrochez-vous parce que ça va swinguer.
Vous le savez sans doute, j'ai plus une mentalité de droite libérale que de gauche démocrate, mais si j'avais eu le droit de vote aux États-Unis, jamais je n'aurais déposé dans une urne un bulletin Trump. Et encore moins un bulletin Vance qui est pire que Trump si tant est que ce soit possible, puisque hypocrite jusqu'à la nausée et qui a le culot de taper sur tout ce qui n'est pas WASP alors qu'il a épousé une indienne en cachant bien ce fait lors de la campagne.
Ce qu'il faut retenir, c'est le fossé entre le vote urbain et le vote rural ainsi que la différence marquée entre le vote des gens éduqués et de ceux qui n'ont fait aucune étude.
Ce qu'il faut aussi retenir, c'est qu'il y a eu une campagne digne et un show de toutes les outrances.
Ce qu'il faut encore retenir, c'est l'absence de mémoire de la population. Trump a hérité en 2016 d'une sortie de crise financière menée par Obama. Économie qu'il a gentiment mis au tapis en quatre ans. Là, Biden a fait le boulot, l'économie repart et les gens votent à nouveau pour le type qui les a mis dans la merde et qui leur promet des taxes douanières de 100 %. C'est son mantra depuis trente ans, cela ne fonctionne pas, aggrave la situation économique des États-Unis, mais il le fera. Ce type est fou et la folie est de toujours recommencer la même chose en espérant des résultats différents.
La démocratie montre ses limites, aujourd'hui, seuls la démagogie et le populisme sortent gagnants. Outre le fait que les républicains ont mis leur parti au dessus de leur pays, les américains viennent délire un multirécidiviste condamné lourdement au civil et au pénal (qui va s'auto-amnistier ni vu ni connu) pour des tas de faits allant de tentative de coup d'état à des agressions sexuelles et qui devrait actuellement croupir en prison, visiblement sénile (il faut écouter ses discours ou le regarder se déplacer pour essayer d'ouvrir une simple porte), qui leur parle d'un passé fantasmé qui n'a jamais existé. Ce type est accompagné par un vice-président pire que lui, par une ignoble raclure du nom d'Elon Musk qui n'attend qu'une seule chose, c'est de pouvoir encore plus ponctionner les subventions de l'état fédéral à son propre avantage et de l'aréopage MAGA ayant pondu le Project 2025 qui est la version Mein Kampf américaine. Pour ceux qui ne l'auraient pas lu, ce projet permettant de faire basculer les USA dans une dictature fasciste. Pour mémoire aussi, Trump a déjà déclaré à de nombreuses reprises qu'il n'y aurait plus besoin d'élections après 2024. Comprend qui peu. J'oublie un peu vite RFK junior qui se rève à la tête de la santé et qui est un antivax notoire ayant déjà annoncé la suspension de tous les vaccins jusqu'à trouver la preuve de leur efficacité. Naturellement, tous ces gens sont des complotistes du plus bel état.
Les médias ont une immense responsabilité dans ce qu'il vient de se passer. Que l'on aime ou que l'on n'aime pas Kamala Harris, les médias ont systématiquement repris en boucle les frasques délirantes de Trump en passant sous silence les propositions démocrates. Même les médias à tendance démocrate. Le résultat est sans appel, le sénat est MAGA, le président est MAGA, aucune limite.
Une poignée de bouseux sans éducation (la cible de Trump depuis des années) a permis à l'agent orange de retourner à la Maison Blanche et le monde va subir. Je suis à titre personnel atterré des discours des pseudo-libéraux français qui encensent ce type parce qu'il est tout sauf libéral, tout sauf respectueux de la démocratie. Il l'a déjà montré alors qu'il n'avait pas les coudées aussi franches. Il n'y a aucune raison alors qu'il est entouré par des gens pires que lui que cela se passe autrement.
Aujourd'hui, c'est Poutine qui a gagné. Trump va lui laisser une partie de l'Ukraine. Il l'a déjà dit à de trop nombreuses reprises.
Aujourd'hui, c'est le monde qui a perdu. Parce que le signal envoyé à Poutine va être reçu par Xi Jinping, par Netanyahou et par quelques autres qui ne bougeaient pas trop jusqu'à présent et qui vont se sentir pousser des ailes. Les Taïwanais peuvent se faire du souci, de même que les coréens. Jamais les USA pourtant garant de leurs sécurités ne bougeront le petit doigt. Je vous rappelle que c'est grâce à Trump que l'Iran est à deux doigts d'avoir l'arme nucléaire et que la Corée du Nord est à deux doigts d'avoir un vecteur de projection de ces mêmes armes. Je vous rappelle que l'état de l'Afghanistan est intégralement à mettre au crédit de Trump après sont accord avec les Talibans et sa politique de la chaise vide durant les négociations avec ces derniers.
Aujourd'hui, c'est l'OTAN et tous les alliés des USA qui ont perdu. Si l'Union Européenne n'est pas idiote, elle peut en retirer du positif. Mais avec les idiots utiles ou les vendus que sont Scholtz et Orbán et quelques autres, je ne suis pas sûr qu'elle en soit capable.
Aujourd'hui, ce sont les USA qui ont perdu. Le Project 2025 signe, s'il est appliqué, la fin de la démocratie américaine et de la position de ce pays dans le monde. S'il n'est pas totalement appliqué, le simple fait que Trump ou Vance nomment trois ou quatre juges à la Cour Suprême (nommés à vie je vous le rappelle) va engager pour vingt ou trente ans après le départ des MAGA, si tant est qu'ils partent, la politique du pays. Et de cela, je me moque parfaitement. L'électeur américain doit payer ses choix rubis sur l'ongle. Mais ce n'est pas au reste du monde d'assumer son vote.
Un ancien professeur de géographie pourtant communiste nous expliquait que lorsque les USA ne seront plus les gendarmes du monde, le monde entrera dans un chaos indescriptible. Nous y sommes, accrochez-vous.