« Anatomie d'un langage de programmation | Nausée » |
Combien de temps faudra-t-il encore supporter tous ces politiques bien pensant répétant à l'envi que les résultats de l'éducation nationale ne sont pas bon parce que les classes sont surchargées. Chose amusante, ce sont généralement les mêmes qui s'enorgueillissent des 85% de réussite au bac. Mon mauvais esprit me souffle dans le creux de l'oreille qu'il y aurait ici comme un début de contradiction. Passons, si l'incohérence les étouffait, je pense qu'on aurait déjà constaté une hécatombe parmi cette engeance.
Les élèves ne sauraient pas lire parce que les classes de maternelle — si, si, je vous assure que cela a été dit sans rire au Téléphone Sonne, sur France Inter, le 2 octobre 2013, allez vérifier ! — et de l'école primaire comptent plus de vingt élèves.
Là, je m'insurge. Je suis issu d'une longue lignée de hussards noirs qu'on n'appelait pas encore professeurs des écoles. Il n'y avait pas que des hussards noirs de la république, il y en avait aussi de l'empire, mais je m'égare. Dans le lot, il y a même eu un maître de stage de l'école normale, plusieurs directeurs d'école et certains de mes oncles et tantes sont aussi du sérail. Sans doute un atavisme dangereux à surveiller de près.
Des années 1900 aux années 1960, ces instituteurs avaient des classes chargées. Ceux qui avaient la chance de n'avoir qu'un seul niveau avaient entre quarante et quarante-cinq élèves. Les autres avaient des classes moins chargées, mais de plusieurs niveaux, dans des campagnes dont les élèves ne parlaient pour la plupart pas français lorsqu'ils franchissaient pour la première fois les portes de l'école primaire municipale.
Je ne connais pas les horaires de cours alors en vigueur dans ces écoles de la campagne profonde. En revanche, j'ai assez entendu parler des horaires dans les écoles des villes au début des années 1960. Il y avait six heures de cours par jour, 8h00-12h00 et 14h00-16h00, en classe de CE1, du lundi matin au samedi soir, le jeudi étant libre, tout cela avec quarante-cinq élèves par classe. De 16h00 à 18h00, les élèves pouvaient aller en étude lorsque les parents ne pouvaient les récupérer. Et en fin de CE1, les élèves savaient lire correctement et tenir un stylographe qui n'était pas encore à bille (une belle contradiction dans les termes pour ceux qui ont eu la chance de faire du Grec) puisque l'instituteur remplissait encore les encriers.
Le fait que les élèves actuels ne savent ni lire ni écrire en arrivant au niveau du baccalauréat n'est ainsi pas directement lié au nombre d'élèves par classe. Si c'était le cas, nos aînées n'auraient jamais pu apprendre à lire. Peut-être faut-il regarder ailleurs, par exemple sur la motivation des élèves, leur discipline en classe, les méthodes d'apprentissage de la lecture, de l'orthographe et de la grammaire, les matières nouvelles qui ne servent à rien pour l'apprentissage des matières fondamentales et j'en passe. J'ai pu lire dans un rapport tout à fait officiel émanant du ministère de l'éducation nationale que le niveau ne baissait pas parce que les élèves actuels savaient bien plus de chose que ceux d'il y a un siècle lorsque ce même ministère s'appelait encore ministère de l'instruction publique ; les mots sont importants. Ils savent en particulier manipuler un ordinateur, ce que leurs aînés ne savaient pas faire. Argument spécieux s'il en est puisque leurs aînés ne pouvaient pas manipuler quelque chose qui n'existait pas encore. En revanche, ces aînés savaient utiliser une règle à calcul ou une table de logarithmes et j'aimerais bien voir un bachelier moderne utiliser ces deux instruments. Déjà qu'il a du mal avec une calculatrice de compétition, j'imagine assez mal le voir manipuler une Graphoplex. Ariane V a explosé pour bien moins que cela.
Mais le problème est toujours le même, réduire le nombre d'élèves par classe. C'est un leit-motiv, un gimmick des syndicats et du ministre. On pourra essayer de le réduire autant qu'on voudra jusqu'à avoir un élève par enseignant. Tant qu'on ne luttera pas contre la réelle cause d'échec scolaire dans les petites classes que sont l'attitude des parents et des enfants, les méthodes d'apprentissage, la relation au travail et aux devoirs, la dispersion dans des matières parfaitement inutiles voire nuisibles — quel intérêt en classe de CE1 au maniement de l'outil informatique ? — on n'avancera pas. Et que l'on ne me parle pas de l'étude des langues étrangères au primaire, on pourra commencer à envisager cela lorsque la langue maternelle sera maîtrisée. Il suffit de regarder une pile de copies d'élèves de collège pour se convaincre que ce n'est pas le cas et que l'étude des langues étrangères ne devrait pas être une priorité.
Mais il est tellement facile de se convaincre que tout les problèmes sont dus aux classes surchargées, donc à des problèmes financiers… J'espère seulement que le ministre n'en est pas convaincu lui-même. Mais un doute m'assaille à la lecture de sa réforme des rythmes scolaires.
Ici - à la campagne, les horaires étaient théoriquement les mêmes, si ce n’est qu’on arrivait quand on pouvait : Les enfants étaient généralement à pieds et certains mettaient trois heures. Les cours s’arrêtaient dès que les élèves étaient réclamés aux champs. Il va sans dire que la maîtrise de la langue française n’était pas toujours bonne.
Ma fille est cette année en CE2, et j’ai la joie de constater que beaucoup d’heures sont consacrées au français et aux maths. Malheureusement, les enseignants n’ont plus le droit de “noter” la qualité du français ou de la présentation dans les matières autres. D’autre part, je constate que les notions de soin ou de relecture ont disparues au profit des exercices chronométrés et des activités libres qui gratifient ceux qui finissent avant les autres.