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Il ne faut pas désespérer de la sociologie puisque cette science nous permet par moment de franches rigolades. Je vais finir par croire que j'ai toujours un œil ou une oreille qui traîne au mauvais moment au mauvais endroit pour voir ou entendre ce que personne d'autre ne semble voir ou entendre.
Le 6 août dernier, sur France Inter, se tenait l'émission Ça vous dérange. J'ai déjà eu l'occasion d'écrire ici que cette émission était humoristique, mais là, nous avons dépassé tout ce que nous pouvions en attendre. Le débat parlait de la prostitution en général et de la place du ou de la prostituée dans la société en général. Au début du débat — la belle allitération que voilà —, quelqu'un a cru bon faire un trait d'esprit en demandant si la prostitution était ou n'était pas un métier.
Un pavé dans la marre me direz-vous. Je ne sais pas s'il s'agit d'un pavé, mais d'une question vaine et creuse, certainement. Je ne suis pas sûr que cela fasse vraiment avancer le débat, mais pourquoi pas.
Était parmi les invités une prostituée, Gaby, qui prétendait avoir trente ans de métier — on pourrait donc croire que la prostitution est un métier — sans jamais — les enfants, détournez votre regard — avoir été pénétrée par un client. Vous me direz aussi que s'il y a un client, il y a une activité et, par le fait même, la prostitution serait un métier.
C'est sans compter avec un certain Jean-Philippe Guillemet, sociologue de son état, qui assène vers les 12h15, et qui n'aura de cesse de le répéter jusqu'à 13h00, que prostitué(e), ce n'est pas un métier, parce qu'il n'y a ni formation initiale ni formation continue [sic].
À la suite ce cette sentence sans appel, le débat s'est considérablement échauffé. La gourgandine restant sur ses positions et défendant avec dignité son métier ne pouvait plus s'entendre avec le sociologue complètement obtus.
Réduire un métier au fait qu'il faille une formation initiale et une formation continue me semble assez bizarre. C'est même d'autant plus idiot que l'immense majorité de nos faits et gestes est acquise et non innée. Nous mangeons à table avec des couverts plutôt que par terre dans l'écuelle du chat parce que nous l'avons appris et non parce que c'est notre nature. De même nous parlons français ou nous écrivons l'arabe ou l'allemand parce que nous l'avons appris. Un petit sénégalais adopté à la naissance par un couple de belges ne va pas se mettre spontanément à parler peul. Pourtant, parler peul, français ou arabe, manger à table plutôt qu'en partageant ses croquettes avec le chat ne fait pas de nous des professionnels. Tout au plus des gens civilisés. Enfin, lorsque je regarde le contenu de certaines assiettes, je préfèrerais la gamelle du chat. Je dois aussi dire que quand je vois certaines personnes à table ou que je les entends parler, j'ai comme un doute sur la civilisation qui les a engendrés, mais leurs comportements restent du domaine de l'acquis.
Comment peut-on réduire sans rire la notion de métier à la seule formation ? Un métier, c'est plus qu'une formation, initiale ou continue. C'est une activité qui permet de gagner plus ou moins sa vie. Un individu échange de son temps et de son savoir-faire contre autre chose, des espèces sonnantes ou trébuchantes ou toute autre sorte de rémunération.
En ce sens, il est parfaitement idiot de dire à brûle-pourpoint que la prostitution n'est pas un métier puisque non seulement le ou la prostituée l'a appris d'une manière ou d'une autre et qu'il ou elle échange son temps contre de l'argent.
Je pense que ce qui dérangeait profondément cet invité, c'est plus la possibilité de reconnaître un statut social à la personne se prostituant que le fait de savoir si oui ou non la prostitution est un véritable métier.
Mon cher Jean-Philippe, ce n'est pas en déclarant doctement que la prostitution est ou n'est pas un métier avec des arguments complètement dépassés et risibles qu'on évitera de voir la prostitution dans nos villes et nos campagnes. Ce n'est pas en interdisant la prostitution qu'on la verra disparaître ou en rouvrant les maisons closes qu'on la verra fleurir. Non, la prostitution, c'est avant tout le fruit de la misère, du côté de la personne se prostituant et, il ne faut surtout pas l'oublier, du client. C'est une activité qui obéit à la triste loi de l'offre et de la demande. Le jour où tu auras compris cela, je pense que ta réflexion aura progressé.
Il n'y a pas à être pour ou contre la prostitution. Les prostitués sont des personnes humaines et il ne s'agit pas de savoir si elles sont entrées dans la prostitution par choix ou contraintes et forcées. Naturellement, si elles ont été contraintes à se prostituer, il convient de condamner ceux qui en sont responsables. Mais dans tous les cas, il y a une situation à gérer et je ne vois pas en quoi une personne qui fait commerce de son corps n'aurait pas de droit ouvert à la retraite en fonction de ses cotisations ou de droit ouvert auprès des différentes assurances sociales.
Surtout qu'en y regardant bien, attendre le client par tous les temps, c'est vraiment un métier pénible !