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Comme tous les ans, nous allons assister à un concours de processions à l'occasion de la fête de l'Assomption. Vous n'êtes pas sans ignorer que Saint-Nicolas-du-Chardonnet n'est qu'à un jet de pierre de la cathédrale Notre-Dame. Seul un bras de l'Yonne, pardon, de la Seine, les sépare. Et encore, ce bras n'est pas très large. Pas assez devrais-je dire.
D'un côté, casaque blanche et toque rouge, accompagné par une ribambelle de lads et d'apprentis jockeys, pardon d'enfants de chœurs et de bigotes de tout poil, nous voyons le cardinal André Vingt-Trois précéder d'une courte tête la statue de la Vierge, casaque blanche et toque bleue, portée par huit vigoureux palefreniers. De l'autre côté, casaques or et toques noires, accompagnés par force étendards brodés rappelant une splendeur passée et désuète, les prêtres de la fraternité Saint-Pie X suivis de leurs fidèles, ceux-là même qui occupent illégalement Saint-Nicolas-du-Chardonnet au mépris d'un arrêté d'expulstion et d'une excommunication papale. Pour ceux qui se prétendent être les saints des derniers temps, ce n'est pas rien.
Pour qu'on ne vienne pas me dire que je raconte n'importe quoi, voici un extrait du journal officiel du Sénat :
Question écrite n° 17269 de M. Michel Dreyfus-Schmidt (Territoire de Belfort - SOC)
publiée dans le JO Sénat du 24/06/1999 - page 2119
M. Michel Dreyfus-Schmidt attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'occupation illégale de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet (Paris 5e). Il y a plus de vingt années maintenant, le 27 février 1977, un groupuscule d'intégristes catholiques s'est introduit de force à l'intérieur de l'édifice cultuel afin de l'occuper. L'abbé Pierre Bellego - affectataire légal du lieu - en fut expulsé manu militari. Les tribunaux judiciaires constatèrent alors que " la situation de fait qui lui était soumise révélait l'existence d'un trouble manifestement illicite constitutive d'une voie de fait à laquelle il était urgent de mettre fin " (CA, Paris, 13 juillet 1977). L'administration, en principe et lorsque les tribunaux judiciaires l'y enjoignent, doit prêter le concours de la force publique à l'exécution du jugement. Or, à ce jour, la décision reste lettre morte. A une question écrite du 8 juillet 1978 d'un parlementaire l'interrogeant sur les raisons de l'inexécution de l'arrêt susvisé, le ministre de l'intérieur Christian Bonnet lui objectait : " L'évacuation de l'église [...] a été différée en raison des troubles à l'ordre public que risquerait d'entraîner cette opération ". Le refus du concours de la force publique pour l'exécution de la décision de justice s'est traduit devant le tribunal administratif par une condamnation de l'État au versement d'une indemnité à l'abbé illégalement dépossédé du bien dont il est l'affectataire (jugement du 12 octobre 1982). Le caractère illégal de l'occupation a été renforcé, si besoin était, par l'excommunication prononcée par le pape Jean-Paul II à l'encontre des occupants de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet en 1988 (Motu proprio " Ecclesia dei adflicta " du 2 juillet 1988). Or l'attribution de ce lieu de culte doit être exclusivement réservée, en vertu de l'article 5, paragraphe 1er, de la loi de 2 janvier 1907, aux prêtres et aux fidèles qui veulent y pratiquer leur religion en se soumettant aux préceptes de l'Église catholique, ce qui n'est plus le cas des occupants depuis le schisme. Dans un État de droit, ce qui trouble l'ordre public, n'est-ce pas l'inexécution d'une décision de justice et non son exécution ? N'y a-t-il pas lieu en conséquence pour l'État de faire en sorte que force reste à la loi et que le contribuable ne soit pas exposé à payer une nouvelle fois des impôts correspondant au dédommagement du légitime occupant ?
Réponse du ministère : Intérieur
publiée dans le JO Sénat du 04/11/1999 - page 3641
Réponse. - Les événements qui sont à l'origine de l'arrêt rendu le 13 juillet 1977 par la 1re chambre de la cour d'appel de Paris, ordonnant l'expulsion des occupants de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, proviennent d'une dissidence au sein de l'église catholique, opposant deux tendances, la tendance dite " traditionnaliste " et la tendance " conciliaire ". La cour d'appel a condamné les occupants à quitter les lieux, faute de quoi, l'abbé Bellego - affectataire légal du lieu - était autorisé à requérir, après le 31 août 1977, le concours de la force publique en vue de l'expulsion forcée. Le 27 septembre 1977, la préfecture de police a été saisie, par les voies légales, d'une réquisition du concours de la force publique pour exécuter cette décision judiciaire d'expulsion. Cependant, à l'époque, l'autorité administrative a considéré que l'exécution de la décision de justice en cause risquait de troubler gravement l'ordre public, eu égard à la détermination des occupants de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet et des nombreux incidents survenus en 1977 et 1978 à l'intérieur et à proximité de cet édifice. Or, lorsque le concours de la force publique risque d'entraîner des troubles plus graves que celui qui naîtrait de l'inexécution de la décision de justice, l'administration est en droit de le refuser (CE Couiteas, 30 novembre 1923). Le risque réel de danger pour l'ordre et la sécurité avait été également relevé par le médiateur, Jean Guitton, membre de l'Académie française, qui avait été désigné par le tribunal de grande instance de Paris le 1er avril 1977, pour élaborer, avec les parties et toutes les autorités civiles et ecclésiastiques qui lui paraissaient devoir être consultées, les modalités d'évacuation des lieux. Il indiquait dans son rapport que l'exécution de " la mesure d'expulsion présenterait des difficultés particulières tenant au fait que l'église est un lieu public qui doit rester accessible à tous, prêtres ou laïques, paroissiens ou non, pour la pratique de leur religion, aux heures normales d'ouverture ". Le jugement du 12 octobre 1982 du tribunal administratif de Paris accordant des indemnités réparatrices à l'abbé Bellego (15 000 francs) sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, a d'ailleurs mentionné que l'administration était légalement fondée à refuser son intervention et que par suite, ce refus ne constituait pas une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'État. La permanence des risques de troubles pour l'ordre public que pourrait susciter une expulsion avec le concours de la force publique justifie encore à ce jour l'inexécution de l'arrêt. On notera au demeurant qu'aucune demande n'a été réitérée de la part de l'occupant des lieux. En ce qui concerne l'observation faite par l'honorable parlementaire portant sur le fait que le caractère illégal de l'occupation s'est trouvé renforcé du fait de l'excommunication prononcée à l'encontre des occupants par le pape Jean-Paul II en 1988, il convient de rappeler que l'administration, sauf à méconnaître le principe de laïcité de l'État, ne saurait s'immiscer dans des litiges opposant des tendances ou des mouvements religieux, en vertu de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, en dehors du cas, qui n'est pas ici en cause, où il s'agit de déterminer quel est l'affectataire légitime de l'édifice du culte.
Nous voyons donc que nous avons affaire à de dangereux schismatiques qu'il convient de laisser faire parce que s'opposer à eux risquerait de provoquer des troubles à l'ordre public. Soit, laissons courageusement faire en nous voilant la face sur les troubles à l'ordre public occasionnés par ce manque de réaction. Que l'archevêché de Paris ne veuille pas faire exécuter l'arrêt pour ne pas en faire des martyrs — parce que c'est juste ce qu'ils attendent — est une chose. Que l'état refuse de faire appliquer cet arrêt en est une autre. Cela revient juste à dire qu'un groupe constitué ou non peut s'opposer à une décision de justice par la force et cela me dérange un peu. Mais revenons donc à notre concours de processions. Nous avons donc d'un côté le char des catholiques romains et de l'autre celui des traditionalistes.
Et la guerre éclate. La victoire sera au groupe qui braillera le plus fort ses Ave Maria ou qui embêtera le plus les automobilistes. Pour le coup, les traditionalistes gagneront certainement car tous les ans, ils défilent sur le boulevard Saint-Germain alors que les catholiques romains se contentent des bâteaux-mouches et du parvis de Notre-Dame interdit à la circulation depuis longtemps, plus en raison des touristes qui entrent et sortent toute la journée de la cathédrale que des paroissiens attitrés du lieu.
Ce spectacle est désolant. Il est d'autant plus désolant que l'immense majorité des parisiens fait un amalgame dangereux entre une frange d'illuminés traditionalistes et schismatiques, ceux qu'ils voient régulièrement bloquer la circulation dans le cinquième arrondissement de Paris, et la majorité silencieuse et invisible des catholiques parisiens totalement opposés à ce mouvement. Pire, cette attitude aboutira à terme à l'interdiction de ce genre de manifestations sur la voie publique pour trouble à l'ordre public — ce même ordre public que l'état veut garantir en omettant de faire appliquer l'arrêt d'expulsion susnommé. L'état se cachera derrière son obligation de laïcité et ils auront gagné. Ils auront gagné parce qu'ils veulent absolument être pris pour des martyrs, que c'est leur raison d'être et que, selon la pensée politique d'Otto Eduard Leopold von Bismarck-Schönhausen rectifiant la dépêche d'Ems, pour unifier un groupe, il faut lui créer un ennemi commun et identifiable.
Heureusement que je ne suis pas à la place de Dieu parce que, certains jours, ça doit vraiment être difficile d'être aimé par des cons.
Le début de ton papier me rappelle l’excellent sketch de Coluche, “la procession télévisée". Ecoutable ici :
http://www.musicme.com/Coluche/albums/Coluche-Integral-5099748689023.html
(cliquer sur le lanceur qui va bien)
Je ne connaissais pas. Je pensais plus prosaïquement à Léon Zitrone que j’entendais régulièrement commenter le tiercé à la télévision.
L’inspiration est la même, puisque le sketch est une parodie des commentaires hippiques de Zitrone.