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Ce matin, j'étais convié à une nouvelle audience du juge de l'exécution du tribunal dont dépend mon logis.
En effet, j'ai actuellement deux affaires en cours, l'une concernant la CIPAV, l'autre concernant l'URSSAF de la région A. Pour simplifier les choses, nous dirons aussi que je réside dans une région B qui dépend d'une autre URSSAF, si tant est que l'on puisse dépendre d'une union qui n'existe pas et n'a jamais existé.
Dans le rappel des faits et de la procédure, je dois dire que j'ai déjà :
Ces deux procédures ont échoué, mais les deux magistrats ont senti le vent du boulet. D'assez près. Et les bougres sont rancuniers.
Ce matin, donc, je me rends au tribunal judiciaire qui a remplacé le tribunal de grande instance. J'entre dans la salle d'audience habituelle où se tenait trois baveux et un pauvre bougre qui ne savait visiblement pas ce qu'il faisait là. L'un des baveux me demande ce que j'attendais là — j'ai évité de répondre : « et toi ? » — et m'annonce qu'en raison de la grève des barreaux il demandera le renvoi. Je lui réponds que je m'y opposerai pour plusieurs raisons :
Je dois vous dire que le baveux n'était pas content. Sur ces entrefaites arrive mon amie le juge de l'exécution. Celui-ci déclare l'audience ouverte et me fusille du regard en m'intimant l'ordre de sortir de la salle, un greffier devant m'attendre pour m'amener dans une autre salle devant un autre magistrat. Très bien, Madame le juge, bonne journée à vous.
Pour être tout à fait honnête, il y avait ce jour deux audiences : la première à laquelle je devais assister, la seconde en comparution immédiate. Il restait donc des salles d'audience disponibles. De toute façon, de greffier il n'y eut point et c'est un appariteur qui nous a emmené dans un coin de couloir sur des bancs. Arrive alors un greffier qui nous emmène à la cave. À la cave !
Nous descendons un escalier dont la dernière touche de peinture a dû être passée par les américains en 1945, peut-être encore l'armée allemande juste avant son départ. Une porte sur laquelle est affichée un petit panneau indiquant une serrure hors d'usage s'ouvre sur un couloir humide et on nous fait asseoir sur un nouveau banc en attente du magistrat. Je continue ma discussion avec l'avocat fâché d'être au sous-sol d'autant qu'il devait à la fois se substituer à tous ses collègues pour l'audience ordinaire et pour celle concernant le Grincheux, donc être à deux endroit en même temps. Pas facile. La porte reste ouverte derrière moi, mais la cave ne s'ouvrant qu'avec un badge, je considère pour ma part qu'il s'agit d'une nouvelle audience à huis-clos. Ce n'est que la deuxième mais il faudrait bien que cela ne devienne pas une habitude.
Le magistrat arrive et nous ouvre une petite bibliothèque, ma foi assez cosy. Nous prenons place. Le baveux attaque bille en tête en indiquant que je refusais le renvoi et que le droit de grève était un droit constitutionnel. Je le laisse débiter ses billevesées sans dire un mot.
Une fois que cet importun s'est tu, je lui demande s'il avait bien terminé. Parce que s'il y a une chose qu'il n'avait pas le droit de dire, c'est que je l'empêche de faire grève. Je me contrefiche de la grève des avocats. Infiniment. En revanche, je suis ici pour que le droit soit appliqué. Jusqu'à preuve du contraire, mon cher maître, tu n'es pas et tu ne peux pas être le représentant de la CIPAV. Tu ne substitues pas le grand vainqueur de l'appel d'offre que la caisse a eu l'obligation de passer. Donc, mon cher, tu fermes le claque-merde qui te sert d'orifice buccal. Jusqu'à preuve du contraire, tu es dans l'impossibilité de donner au tribunal la forme juridique de la caisse et de prouver qu'elle avait été constituée conformément aux textes en vigueur. Donc les demandes de la caisse sont irrecevables qu'elle soit ou non comparante ou représentée. Le baveux m'indique alors représenter le représentant du représentant (sic). Ben tiens, mon cochon, c'est pour cela que les écritures sont signées par le représentant du représentant, sans doute ! Mon cher maître, je te conseille d'éviter de me prendre pour une truffe, il y en a qui ont déjà essayé. Cela s'est plutôt mal passé pour eux.
Le magistrat m'indique que mes écritures sont très intéressantes et qu'il y a des points que la caisse devrait avoir une chance d'éclaircir. Elle prononce un renvoi au 17 mars 2020. J'essaie encore de m'y opposer, arguant que cette affaire est tout de même pendante devant le juge de l'exécution depuis plus d'un an et qu'une forte somme d'argent est aujourd'hui bloquée depuis décembre 2018. Je rajoute que lors de l'audience de novembre dernier la CIPAV n'était ni présente ni représentée. Le président me rétorque que le représentant de la CIPAV est arrivé en retard. Je lui réponds que dans ce cas, comme je suis resté jusqu'aux mots « l'audience est levée », pour cette audience, la CIPAV n'était ni présente ni représentée. Avant l'heure, ce n'est pas l'heure, après l'heure, ce n'est plus l'heure. Rien à faire, renvoi. Mais dernier renvoi me dit-elle. J'en prends acte, rendez-vous le 17 mars 2020. Merci Madame le président, courbette, aïe mon dos.
Seconde affaire contre l'URSSAF de la région A. L'audiencier régional de la région B n'est pas présent. Sur le ton de la plaisanterie, je risque que, sans doute, l'audiencier est solidaire des avocats et fait elle aussi la grève. Le président me répond qu'il y a beaucoup de malades de la grippe. Certes, mais cela n'empêche de justifier de son absence. La grippe a réellement bon dos. Et je vois le baveux qui se lève pour dire qu'il substituait l'audiencier de l'URSSAF. J'avoue, c'est la première fois que je vois un avocat substituer un non avocat. Tout fout le camp !
Je discute encore le bout de gras pour rappeler au juge que l'URSSAF de la région A ne saurait être représentée par un salarié de la région B. En tout état de cause, je m'y opposerai par tous les moyens à ma disposition. Et je pense, mon cher juge, que tu as un petit aperçu de mon pouvoir de nuisance. Tes collègues ont été sauvés in extremis par un défaut de procédure, aujourd'hui, on ne m'aura plus aussi facilement et les procédures iront jusqu'au bout, qu'importent les dégâts collatéraux. Par ailleurs, l'URSSAF qui a reçu mes écritures devant vous, donc qui ne saurait prétendre ne pas les connaître, n'a pas jugé bon de répondre à des conclusions incidentes. Vous conviendrez que c'est tout de même étrange.
Même chose, renvoi au 17 mars, même heure. J'ose un « même lieu ? »
Avant que la séance soit levée, je questionne le magistrat. Puisque vous avez visiblement lu mes écritures et que vous considérez qu'elles sont intéressantes et que les caisses doivent absolument pouvoir s'expliquer, je dois vous dire que j'ai tout de même un petit problème. Je vous pose cette question parce que je ne suis pas un professionnel du droit. Que se passera-t-il lors de la prochaine audience ? Parce que pour ma part, je refuserai catégoriquement — comprendre je vous claquerai une procédure dans les gencives — de débattre si l'URSSAF de A est représentée par l'URSSAF de B ou que l'avocat de la CIPAV ne justifie pas de l'appel d'offre valable et remporté. Le juge me répond qu'elle prononcera sa décision sur le siège. Dont acte.
À ce propos, voulez-vous mes dernières écritures ? Le juge m'indique qu'elle ne peut les accepter que si je les ai remises aux parties adverses. Je lui réponds que c'est tout naturel. Mais comme je ne connais pas le cabinet qui a remporté l'appel d'offre de la CIPAV, j'ai donc envoyé les écritures en courrier simple à la CIPAV. Quant à l'URSSAF, celle de B n'a pas à connaître les écritures destinées à celle de A, mes écritures n'étant pas exactement publiques. Et ne demandez pas un accusé de réception, depuis que la cour d'appel m'a écrit qu'un accusé de réception n'est pas une preuve de réception du courrier par la bonne personne, je n'envoie plus mes écritures qu'en courrier simple. Mais vous conviendrez d'une chose, Madame le président, jamais aucune des parties adverses n'a indiqué ne pas avoir eu mes écritures. Je ne peux pas en dire autant.
La suite au prochain épisode.