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Il ne vous a sans doute pas échappé que nous traversons actuellement une crise sanitaire. Je ne vais pas vous entretenir ici de la gestion de cette crise, il y aurait beaucoup trop à écrire. Je considère pour ma part qu'elle est gérée à la va-comme-je-te-pousse, de manière à rassurer l'électeur moyen si tant est qu'il existe, mais absolument pas froidement, rationnellement, scientifiquement. Contrairement à la politique, la science est froide. Voir aujourd'hui tous les responsables politiques du mode entier se ruer sur les vaccins alors qu'on a une petite idée de l'efficacité à long terme de la vaccination sur des pathogènes relativement stables grâce au recul que l'on a aujourd'hui sur un vaccin aussi courant que celui contre la rougeole qui a permis en soixante ans de faire émerger des cas graves chez l'adulte montre une gesticulation des plus pathétiques. Nous ne nous sortirons pas de cette crise grâce à un vaccin sauf si la chance est de notre côté. Le seul moyen de nous en sortir est de trouver un traitement curatif pour éviter les cas graves. Pour deux raisons : on ne vaccine pas contre une maladie aussi peu mortelle et aussi contagieuse car la pression sélective sur le virus ne permettra que de faire émerger des résistances au vaccin, ce qui du reste est déjà le cas. La seconde raison est qu'il n'y a aujourd'hui qu'une seule maladie qui a été éradiquée grâce à la vaccination, la variole, et il a fallu deux siècles pour cela. La vaccination n'est donc qu'une course à l'échalote et il faudra repasser dans les centres très régulièrement pour une efficacité toute relative. Les laboratoires eux-mêmes indiquent qu'ils ne sont pas bien sûrs que leurs produits évitent d'attraper le mal ou de le transmettre, simplement qu'ils permettent d'éviter de déclarer une forme grave. Notez bien qu'on ne peut même pas compter sur les températures pour améliorer les choses vu ce qu'il se passe actuellement en Afrique où, malgré des températures clémentes, le virus circule avec une déconcertante désinvolture. Remarquez bien, chez nous, alors que le ministricule de l'éducation nationale trouvait encore le moyen de pérorer sur les établissements scolaires qui ne seraient pas des foyers d'infection juste avant leurs fermetures, le retour des tests d'un lycée parisien où travaille une amie de mon épouse ont montré que 60% des lycéens étaient porteurs du virus. Pas des anticorps, non, du virus.
Ce matin, je veux vous parler d'une conséquence de cette crise. Je travaille dans la conception électronique. À ce titre, j'ai besoin de composants en petites quantités, typiquement entre 10 et 500 pièces, j'évite de stocker plus que cela. J'ai naturellement un fonds de composants dans lequel je puise, mais il faut de temps en temps que je remplisse mes armoires. Depuis quelques mois, c'est devenu de plus en plus difficile, même pour des composants de base. L'an passé, le transistor à effet de champ PF5102 a été déclaré obsolète. Très bien, il est possible de le remplacer par le J112. J'en ai acheté une centaine et je suis arrivé en début d'année au fond du tiroir. J'ai tenté d'en racheter quelques uns. Rupture de stock partout. Ce composant qui coûte normalement une vingtaine de centimes était annoncé au pris de 4,50€ HT pour une disponibilité à 366 jours (comprendre supérieure à un an sans date précise). J'ai heureusement réussi à attraper un paquet de 50 pièces, le dernier et tout à fait par hasard, chez Radiospares. Problème réglé, au moins pour un temps.
Hier, j'ai dû refaire un stock de composants passifs. Des inductances classiques sont annoncées pour le mois de septembre. Des diodes aussi triviales qu'une 1N5822 et que je touchais l'an passé pour 20 centimes sont maintenant à plus de 4€ HT (celles qui étaient indiquées au prix habituel ne sont plus en stock, j'ai appelé le cataloguiste). Même des boutons poussoir des plus standard sont en rupture de stock. Il m'en fallait une vingtaine, j'ai réussi à en trouver quatre ! Quant aux composants plus complexes, je préfère ne pas en parler. Les modules GNSS Ubox sont actuellement indiqués en fin de vie chez Digikey par exemple mais heureusement en nouveauté chez Mouser. Il faut donc constater que la production de ces composants, généralement faite dans des pays asiatiques, n'est pas au niveau de celle d'avant la crise sanitaire. Par ailleurs, les composants que j'utilise pour prototyper ne sont pas ceux qui sont utilisés dans les équipements grand public, donc l'argument des chinois qui feraient des stocks ne tient pas. La simple observation des faits montre que toute la production est désorganisée. L'usine de fabrication des composants ne doit sans doute pas avoir de matières premières, quant à l'usine de matières premières, elle doit sans aucun doute avoir un autre problème à résoudre qui fait qu'elle ne peut produire correctement.
Et cela ne s'arrête pas aux composants. Je travaille depuis des années avec un sous-traitant qui me fabrique mes circuits électroniques. J'en ai testé plus d'un, je reste fidèle à SafePCB pour plusieurs raisons. D'une part il y a un bureau en France et s'il ne s'agit pas du sous-traitant le moins cher sur le marché, il s'occupe de l'importation et grave exactement ce que je lui demande, stackup compris. D'autre part, si la fabrication est chinoise, il y a un service technique qui est capable de vous appeler lorsqu'il y a ce qu'il semble être une erreur sur un circuit. La qualité est au rendez-vous et comme le dit l'adage, le prix s'oublie, la qualité reste. Ce sont les seuls que j'ai pu tester qui sont capable de produire des cartes en six ou huit couches au 1/8 mm en trous traversants avec des trous au milieu des pastilles. D'autres fabricants testés m'ont produit des cartes qui sont dans mon petit musée des horreurs. J'ai donc commandé chez eux la semaine passée des circuits de test pour un client avec un délai de huit jours ouvrés sortie d'usine. Je les ai eu en quatre, livrés à mon bureau. En d'autres termes, l'entreprise en question tourne à vide aujourd'hui, ce qui devrait être un signal fort.
Je ne sais ni quand ni comment nous sortirons de cette crise, mais la réorganisation risque d'être violente, qu'il s'agisse du plan économique ou du plan social. Préparez-vous. Achetez une maison à la campagne avec un lopin de terre pour avoir un potager, des poules et des lapins, non pas pour quitter les villes en période de confinement, mais pour voir un peu plus loin que cela parce que ça va tanguer. Entre les entreprises du secteur aérien qui licencient à tour de bras — et ce n'est que le début —, le secteur automobile qui va au tapis — nous avons en France les écologistes les plus bêtes du monde qui sont incapables de faire la différence entre le pétrole fossile et le pétrole de synthèse contrairement aux écologistes allemands par exemple — et tous les emplois aujourd'hui subventionnés par l'état pour éviter de voir le chômage bondir mais qu'il faudra payer d'une manière ou d'une autre par nos impôts, nous ne sommes pas encore réellement entrés dans la crise. Vous ne voyez aujourd'hui que la partie émergée de l'iceberg, à savoir le confinement, le chômage partiel que vous avez aimés. Vous adorerez la partie immergée ! Si en plus nous ne pouvons plus acheter les produits de base qu'on ne fabrique plus chez nous, nous aurons beaucoup de mal à nous en sortir.