« Les hirondelles sont de sortieHymne à l'arsouille »

Contre les uns ne signifie pas pour les autres

17.05.21 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les politiciens

Avant de me lancer dans ce que certains appelleront certainement la dialectique du vide, je tiens à une remarque liminaire. Je ne suis ni pro-palestinien, ni pro-israélien, ni antisémite d'ailleurs. J'accepte à la limite que l'on me taxe d'antisioniste, ce que j'assume, j'expliquerai pourquoi. Je resterai dans cet article sur une analyse froide de ce qu'il se passe actuellement au Proche-Orient en général et en Israël et ses territoires conquis en 1967 en particulier.

J'ai eu l'occasion de parcourir ce pays à pied il y a quelques années du nord au sud et d'est en ouest, allant de Haïfa à Hébron et de Jéricho à Jérusalem. J'ai pu dormir chez des druzes du plateau du Golan annexé qui ne voulaient surtout pas redevenir syriens puisque depuis qu'ils ont été annexés, ils avaient l'eau, l'électricité et le gaz. J'ai pu aller avec des arabes musulmans à Hébron ou des juifs que l'on n'appelait pas encore ultra-orthodoxes à Safed. J'ai vu des descentes de militaires israéliens un samedi à Hébron parce que les boutiques du centre ville devaient être fermées même si elles étaient tenues par des musulmans qui préféreraient avoir le vendredi comme jour de repos. J'ai pu constater que les militaires en question étaient des arabes israéliens encadrés par une police militaire à kippa. Sans doute les militaires devaient-ils parler arabe, mais il fallait les surveiller par d'autres militaires juifs pour éviter la fraternisation. J'ai des photographies dans mes archives pouvant prouver mes dires.

Il y a quelques années, le conflit était un conflit religieux, entre d'une part les israélites — et non les juifs — et les musulmans — et non les palestiniens —, que ces derniers soient ou non de nationalité israélienne. Les arabes chrétiens que l'on oublie souvent en étaient les arbitres et servaient de tampon au milieu de la bataille. Il était d'ailleurs assez surprenant de constater que dans une localité où se trouvait une école tenue par des chrétiens, les enfants de la bonne société, quelle que soit leur religion, allaient tous étudier chez les bons pères. La situation n'était pas saine, mais il y avait un genre de statu quo permettant à chacun de vivre. Il y avait bien de temps en temps des flambées de violence, généralement dues à des exactions d'un parti ou d'un autre.

J'ai été par exemple choqué des conséquences du sionisme à Jérusalem. Tous les juifs pieux et sionistes rêvent de se faire enterrer dans le Jardin des Oliviers. Le Jardin des Oliviers, ce n'est pas un lieu bucolique avec un ruisseau qui coule au milieu, notre perception est biaisée par la lecture des évangiles. Le Jardin des Oliviers, c'est un cimetière qui se trouve aujourd'hui à l'est de Jérusalem, au milieu de quartiers arabes. La place y est comptée et il faut l'agrandir. J'ai vu, personnellement, des habitants des maisons en lisière de ce jardin partir travailler le matin, les bulldozers entrer en action pour raser leurs maisons et les premières tombes installées dans l'après-midi avant que les habitants ne reviennent. On ne peut pas vraiment dire que c'est fait pour apaiser la situation.

J'ai été choqué par les conséquences du sionisme à Hébron où se trouvent les tombeaux des patriarches. Une colonie implantée sur les hauteurs de la ville déverse le samedi ses habitants armés qui prennent d'assaut l'ancienne cathédrale croisée qui sert aujourd'hui de mosquée pour s'en servir de synagogue. Le vendredi, les musulmans du centre ville d'Hébron prient avec la Torah devant leurs yeux et passent trois portiques détecteurs de métaux successifs tenus par des militaires pour entrer dans ce bâtiment. Là encore, j'ai des photographies qui l'attestent.

J'ai été choqué parce que les transports en commun des grandes villes refusaient de marquer les arrêts dans les quartiers palestiniens.

J'ai été choqué parce qu'il y avait des routes au milieu du désert réservées aux israéliens et d'autres aux palestiniens.

J'ai été choqué par le morcellement continu de la Cisjordanie par de nouvelles colonies qui ne se justifiait qu'en utilisant la bible comme un cadastre et qui rendait tout retour à la situation d'avant 1967 impossible. J'ai été outré de l'inaction de la communauté internationale qui appelle de ses vœux la paix alors qu'elle refuse de combattre cette colonisation. Il est d'ailleurs assez surréaliste de constater que cette même communauté internationale inscrit la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires à décoloniser alors même qu'elle ne dit rien ou pas grand'chose pour les territoires palestiniens.

Mais malgré tout cela, le conflit restait un conflit inter-religieux, entre d'un côté les israélites et de l'autre les musulmans.

Aujourd'hui, c'est un peu différent. La communauté internationale laissant faire, qu'avons-nous en présence ? Nous avons d'un côté de plus en plus d'ultra-orthodoxes juifs qui mettent de l'huile sur le feu un peu partout, nous avons une population civile israélienne modérée juive ou non juive — mais qui est allée jusqu'à boycotter les dernières élections, ce qui n'a rien arrangé —, nous avons de plus en plus de colons dans les territoires occupés pour rendre la solution à deux états non viable et nous avons le bloc palestinien, hétéroclite puisque nous y trouvons entre autres le Hamas, le Hezbollah, les druzes et les chrétiens de toutes obédiences. Notez bien que j'écris le bloc palestinien et non les musulmans de Cisjordanie. Le bloc palestinien est aujourd'hui composé des musulmans de Cisjordanie, mais aussi de tous les non musulmans de Cisjordanie et de tous les citoyens israéliens non israélites qui se radicalisent peu à peu dans les territoires Israéliens d'avant 1967.

Pourquoi ?

La raison est assez simple, il y a la démographie. Le taux de natalité des habitants arabes est supérieur à celui des habitants juifs. Et parmi la population juive, le taux de natalité des ultra-orthodoxes est largement supérieur à celui de la population juive générale. Le fait d'avoir annexé la Cisjordanie en 1967 et de refuser depuis une solution à deux états abouti à terme à avoir une population juive — j'utilise ce mot pour indiquer l'origine de la population et non une quelconque pratique religieuse — minoritaire sur son territoire alors même que, depuis 2018, l'Arabe n'est plus une langue nationale. Pire, la constitution israélienne indique maintenant qu'Israël est le foyer national du peuple juif (sic). C'est faire très peu de cas de toutes les populations non juives y résidant actuellement et de toutes les populations y vivant avant 1948. C'est faire très peu de cas aussi de la démographie qui indique que la population juive sera minoritaire chez elle à moyen terme. Le gouvernement israélien, sous prétexte de flatter la partie la plus dure de sa population, cristallise contre lui non seulement les musulmans, mais l'ensemble de la population arabe, que celle-ci soit de Cisjordanie occupée ou des territoires historiques de 1948.

En quelques années, le conflit est passé d'une guerre de religion à une guerre de peuples utilisant comme prétexte la religion. Pire que cela, lorsque la communauté internationale s'indigne, la réponse est toujours la même. En étant contre les exactions israéliennes, on est forcément pro-palestinien ou antisémite. Lorsqu'on ose critiquer la politique israélienne, on est forcément antisioniste, donc antisémite. Or les mots ont un sens. Ce glissement sémantique est odieux et devrait discréditer immédiatement quiconque l'utilise. Ce n'est malheureusement pas le cas.

Je ne suis ni pour les uns, ni pour les autres. Je constate simplement que la politique israélienne est en grande partie responsable de ce qu'il se passe actuellement — je ne parle pas du passé mais de ce qu'il se passe aujourd'hui — et, à la vue des événements récents, je pense même que la droite dure tenant actuellement le gouvernement israélien cherche le conflit pour rester au pouvoir. Ce conflit est instrumentalisé par Nétanyahou et ses sicaires car il y trouve avantage, tout cela avec la bénédiction de la communauté internationale.

C'est pourtant une vue à court terme. À moins d'expulser tous les non juifs des territoires israéliens, la démographie vaincra et le seul moyen pour Israël de survivre sera d'instaurer un apartheid encore plus prononcé que l'apartheid rampant actuel qui refuse de dire son nom.

Il faudra bien un jour où l'autre que la communauté internationale se réveille. Non pour soutenir les palestiniens, mais pour lâcher les israéliens qui ont une politique déplorable vis à vis des arabes vivants sur leur territoire. Si elle ne le fait pas, elle sera responsable de la libanisation de l'état d'Israël qui n'aura pu se faire que grâce à sa bénédiction.

 

1 commentaire

Commentaire de: Le Grincheux

J’ai entendu ce matin un responsable de la droite dure israélienne et du gouvernement de Tel-Aviv indiquer doctement que le peuple juif a des droits immémoriaux sur la terre d’Israël parce que le peuple palestinien est une construction du XXe siècle qui a été créé de toute pièce et apporté en terre d’Israël.

Il n’y a que moi que cela fait bondir ? Sauf erreur de ma part, le “peuple juif” est arrivé en Palestine après les thèses sionistes de Theodor Herzl datant du XIXe siècle.

Il va être urgent de faire (re)lire à tous ces gens l’ouvrage de Shlomo Sand “Comment le peuple juif fut inventé". Et surtout la dernière postface, les réactions ayant été vives, même en se prévalant d’études génétiques.

Sand y conteste l’affirmation selon laquelle son livre a été contredit par la recherche génétique récente publiée dans Nature. Dans l’édition américaine de poche de “Comment le peuple juif fut inventé", il écrit :

« Cette tentative pour justifier le sionisme par la génétique n’est pas sans rappeler les procédures utilisée à la fin du dix-neuvième siècle par des anthropologues qui, très scientifiquement, partaient à la découverte des spécificités des Européens. À ce jour, aucune étude basée sur des échantillons d’ADN anonymes n’a réussi à identifier un marqueur génétique spécifique des Juifs, et il est peu probable qu’une étude le fasse jamais. Il s’agit d’une amère ironie de voir les descendants des survivants de l’Holocauste se mettre à la recherche d’une identité juive biologique : Hitler aurait certainement été très heureux ! Et c’est d’autant plus répugnant que ce type de recherche est effectuée dans un État qui a mené pendant des années une politique déclarée de « judaïsation du pays » dans lequel, aujourd’hui encore, un Juif n’est pas autorisé à épouser un non-juif ».

18.05.21 @ 08:26


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