« Grandeur et décadence | Contre les uns ne signifie pas pour les autres » |
Les forces de l'ordre ont manifesté cette semaine devant la chambre des députés pour évoquer un malaise profond et la dangerosité de plus en plus grande de leur profession. J'avoue avoir été surpris d'apprendre que le ministre de l'intérieur, censé les défendre, avait manifesté avec eux, du reste avec toute une brochette d'hommes et de femmes politiques ou non qui n'avaient pas peur du ridicule.
Pêle-mêle, on entend que la fonction de policier est mal considérée, que les délinquants qu'ils arrêtent sont relâchés par la justice, qu'ils risquent leur vie. Très bien, on enfonce des portes ouvertes en oubliant de séparer les morts en mission des morts en service et en oubliant que depuis 2014, il y a bien plus de gendarmes morts en mission que de policiers (source) et que le nombre de policiers tués dans l'exercice de leur fonction suit une tendance à la baisse même s'il n'existe pas de statistiques réelles et utilisables.
Effectivement, la justice en France peut être laxiste. Elle l'est avec les habitants des quartiers à l'émotivité à fleur de peau, elle ne l'est pas avec le dangereux criminel qui a été pris roulant à 82 km/h sur une route départementale à plusieurs reprises. Elle ne l'est pas non plus lorsqu'elle valide une amende reçue par une femme de 75 ans qui avait commis l'irréparable puisqu'elle était sortie à plus de 100 m de son logis sans masque, sans papier d'identité et surtout sans justificatif de domicile. La maréchaussée a trouvé le moyen condamner l'impétrante à une amende de 135 €, prouvant par là que ni l'uniforme, qu'il soit du gardien de la paix ou du magistrat, n'empêche pas d'être idiot.
Effectivement, la position de la police n'est guère enviable. Mais à partir du moment où cette police tapera toujours sur les mêmes (automobilistes roulant ou en stationnement par exemple) en se désintéressant totalement de ce qu'il se passe dans les quartiers émotifs de nos magnifiques banlieues, son image ne s'arrangera pas. Nous sommes dans un pays malheureusement jacobin, la loi est en théorie la même pour tous, mais dans les faits, on en est loin. En France, vous roulez à 140 km/h sur une autoroute déserte, ça peut vous valoir le tribunal, vous faites un rodéo dans une banlieue chaude, vous ne risquez rien. Vous vendez quelques légumes sur un marché à la sauvette, vous risquez beaucoup plus qu'un dealer d'herbe. Loin de moi l'idée de dire qu'il faut laisser passer sans rien dire celui qui roule à 140 km/h sur l'autoroute, mais si on condamne cette personne, il n'y a aucune raison qu'on ne tape pas sur les doigts du vendeur d'herbe.
Ceci étant dit, il existe un autre problème dans la police nationale. Ce problème tient en trois lettres: IVP. IVP, c'est un joli nom pour dire interdit de voie publique. Il y a des policiers qui sont en effet dans ce statut. Cela me semble tout à fait normal. Ce qui l'est moins, en revanche, c'est que cette carte suit à peu près la carte de l'ensoleillement en France. Dans certains commissariat de la côte d'Azur, le taux d'IVP monte à 20% et plus alors qu'au nord de la Loire, il est rare de dépasser les 6%. Et ces IVP, placés là avec l'accointance des syndicats, font aussi augmenter la moyenne d'âge. Sur la voie publique marseillaise, la moyenne d'âge du policier est de 50 ans, ce qui n'aide pas pour traquer les jeunes des cités sensibles.
Le malaise des policiers est donc multifactoriel. Oui, il y a une augmentation des violences, mais non, il n'y a pas plus de morts en mission. Cette augmentation ressentie est largement due au fait que la justice ne fait pas son travail pour arrêter les délinquants en devenir, ceux qui sont défavorablement connus des services de police pour emprunter une litote. Mais il y a aussi un désamour de plus en plus profond de la part de la population générale poursuivie par le zèle de certains services qui ne rend pas le français moyen enclin à soutenir sa police nationale comme il l'aurait fait il y a quelques dizaines d'années parce que son ressentiment à lui est que cette police nationale n'est là que pour lui casser les pieds, refuser de prendre ses plaintes (pour ne pas qu'elles entrent dans les statistiques) et ne pas régler ses problèmes d'insécurité due à la présence de jeunes émotifs.
La police n'en sortira qu'à plusieurs conditions. Il faut qu'elle se souvienne qu'elle est là pour protéger et servir la population et non servir d'auxiliaire du trésor public. Et il faut aussi qu'elle fasse le ménage dans ses rangs car il y a des fonctionnaires de police qui ne sont pas dignes de porter l'uniforme.