« Violences conjugales | Une puanteur de bordel à marée basse » |
Cela ne vous a pas échappé, un inspecteur du fisc — ou peut-être un contrôleur, je n'ai pas réussi à savoir quel était exactement son grade — a été occis par un brocanteur qu'il venait contrôler. Je ne prétends pas que le brocanteur était un saint et n'avait rien à se reprocher, ni que l'agent du fisc était un fieffé salopiaud. Je ne prétends pas non plus que ce double drame était justifié d'une manière ou d'une autre.
En revanche, en tant qu'heureux contribuable, j'ai déjà eu à subir plusieurs contrôles fiscaux, comme j'ai aussi subi plusieurs contrôles sociaux et de l'inspection du travail ces vingt dernières années. Je vais vous en narrer certains. Parce que vous verrez, cela en vaut la peine.
Ma première expérience fut un contrôle de l'inspection du travail dans une entreprise d'une quinzaine de personnes. Sur ces quinze personnes, il y avait une femme. Une seule. Que voulez-vous, certaines professions n'en déplaise à Sandrine Rousseau, ne les attirent pas. À cette époque, l'entreprise avait comme locaux une ancienne caserne de pompiers vandalisée par des gitans et que je remettais en état les jours fériés. J'avais refait les sanitaires, les locaux du premier étage, installé des bureaux spacieux, remis le chauffage et j'avais fait intervenir une entreprise de peinture pour repeindre les sanitaires les plus proches des bureaux occupés. Un peintre est arrivé, a fait sauter les logotypes sur les portes des toilettes (homme/femme) et a commencé à pendre les portes qui en avaient bien besoin. Sur ce, un inspecteur du travail débarque. Il fait le tour de tous les locaux, note les produits chimiques utilisés, les différents outils, mesure la surface de chaque poste de travail (pour la petite histoire, avec 500 m² pour 15 employés, il était manifeste que ces surfaces étaient largement respectées). Il y passe une journée entière et termine… devant les portes des toilettes où il me convoque et m'indique qu'il me mettra à l'amende (salée) parce que les portes ne sont pas aux normes imposées puisqu'il manque les logotypes. Forcément, la peinture était à peine sèche et le peintre allait les reposer le lendemain. D'après lui, le peintre aurait dû repeindre les portes sans enlever les logos. Il me présente son procès-verbal avec la notification d'une amende de 10 000 €. Je réponds à ce brave homme que s'il voulait jouer aux imbéciles avec moi, nous serions deux et que si j'ai appris une seule chose à l'armée, c'est à jouer au jeu du plus con et que j'avais beaucoup d'endurance. Pour un tel motif, je suis prêt à aller devant les tribunaux. Après une grosse heure de discussion que je qualifierai de franche, virile et par moment houleuse, discussion tenue devant témoins, l'importun déchire son papier et nous en restons là.
Quelques mois plus tard, j'ai reçu la visite d'un contrôleur du fisc et de sa stagiaire. Pourquoi ? Parce que l'entreprise en question travaillait sur des contrats avec des gouvernements étrangers. Il pouvait se passer plusieurs mois sans qu'elle n'émette la moindre facture. Or elle continuait à travailler et déclarait de la TVA remboursable. Ça ne plaisait pas à la direction locale des impôts qui suspectait une fraude imaginaire. Donc déboulent dans mon bureau après une invitation à les recevoir reçue en courrier recommandé la veille un contrôleur et sa stagiaire à lunettes. La première chose qu'ils demandent n'est pas la comptabilité de l'entreprise mais l'emplacement de la machine à café et ils sont partis tous les deux se faire un café sur le dos de l'entreprise et discuter deux heures pour savoir comment ils allaient nous prendre. Je ne sais pas s'il s'agissait d'attaque psychologique destinée à nous faire peur ou de manque de savoir-vivre mais j'ai trouvé cela totalement déplacé. Concernant l'attaque psychologique, comme je ne dissimulais rien, j'étais serein. Il n'empêche que ces deux agents ont squatté mon bureau durant deux mois et demi, m'ont laissé une facture de café astronomique avant de produire un papier par lequel ils m'annonçaient devoir me redresser de 0 €. Passons donc maintenant à autre chose.
Dans un autre local de l'entreprise, située dans un bâtiment bourgeois, j'ai eu la visite de sbires de l'URSSAF qui m'ont intimé l'ordre de construire des toilettes supplémentaires puisqu'il en fallait pour les hommes et pour les femmes. Certes, mais nous sommes dans un appartement d'une copropriété et je ne vois pas comment faire. Il y a deux employés dans ce bureau, je pense qu'une toilette devrait être suffisante d'autant que ce genre de situation est commune dans plein d'endroits à commencer par les cabinets médicaux de ville. De toute façon, ce genre de chose n'est pas du ressort de l'URSSAF. Circulez, il n'y a rien à voir.
Et nous arrivons à un autre contrôle fiscal. En 2009, j'avais un crédit auprès de l'administration fiscale de 160 000 €. La banque de l'écureuil starbé m'ayant fait perdre par son incompétence le bénéfice de plusieurs millions d'euros de contrats signés et la loi permettant maintenant de demander le remboursement direct des crédits de certains impôts, j'en avertis donc le fisc qui réplique en quelques jours par un avis de contrôle fiscal. Pourquoi me direz-vous ? Parce qu'en cas de contrôle fiscal, depuis son avis et sur toute sa durée, le contrôlé continue à payer ses impôts, taxes et autres contributions, mais les crédits d'impôts sont tous gelés. Je vois donc arriver un inspecteur du fisc qui me fait immédiatement un topo de ce qu'il va se passer dans les mois qui suivent. Nous étions fin mai et il m'annonce tranquillement qu'un contrôle fiscal peut durer trois mois à partir de la date de début du contrôle, celle-ci étant prévue pour le 15 juin, mais que ces trois mois pouvaient être entrecoupés d'éventuels congés du contrôleur et qu'il avait des congés à rattraper. Il serait donc absent du 15 juillet au 1er septembre. À la fin du contrôle, les crédits dus pas l'administration fiscale ne pourront être dégelés qu'après signature du procès-verbal et apurement des éventuelles dettes fiscales. Le procès-verbal devant être signé par les chefs, il faut en général quinze jours entre la fin du contrôle sur site et la production du document en question.
Je calcule donc de tête. Un mois entre le 15 juin et le 15 juillet, deux mois entre le 1er septembre et le 1er novembre, quinze jours pour produire le procès-verbal et, sérieusement, encore quinze jours pour mettre de l'ordre dans tout cela et obtenir les sommes gelées par le fisc, ce qui nous amène au 1er décembre si tout va bien. Oui, si tout va bien parce que le gentil inspecteur pourrait aussi être en arrêt de travail, ce qui rallongerait d'autant le délais. Je fais contre mauvaise fortune bon cœur et je commence à me demander comment je pourrai assurer les salaires des employés vues les conneries de la banque.
Le 15 juin, le contrôle commence. L'inspecteur débarque à l'heure dite, étudie sur place la comptabilité, en emporte une partie et je ne le vois plus jusqu'à la fin du mois d'octobre où il me rapporte les documents. Vers le 15 novembre, il revient avec son procès verbal par lequel il m'indique me redresser de plusieurs milliers d'euros. Là, je tique un peu, la comptabilité de l'entreprise étant au cordeau. Il paraîtrait que j'ai fraudé sur la TVA sur des sommes considérables.
Je reste calme, je lui demande de m'expliquer. Et des explications, j'en ai eu. Dans un premier temps, le brave inspecteur m'explique que ce n'est pas de son fait, mais de ses supérieurs hiérarchiques et qu'il n'avait pour sa part rien à redire à ma comptabilité. Effectivement, je vois dans les documents qu'il avait noté l'erreur mais qu'il passait outre puisque les sommes avaient été réglées en avance et que l'erreur n'était qu'un problème d'écriture, pas un problème de fraude fiscale.
Il m'explique donc. C'est très simple. Je payais la TVA au trimestre, par acomptes et régularisation en fin d'année. En d'autres termes, je payais la TVA de janvier, février, mars et avril de l'année n le 15 mai. Celle de mai, juin et juillet de l'année n le 15 août. Celle de août, septembre et octobre de l'année n le 15 novembre. Celle de novembre et décembre de l'année n le 15 janvier. Mais il s'agissait d'acomptes et la régularisation de l'année n était due le 2 mai de l'année n+1. Je ne sais pas si vous me suivez.
J'avais fait l'erreur de payer sur la régularisation de l'année n-1 (c'est-à-dire le 2 mai), le premier acompte de l'année n correspondant aux quatre premiers mois de l'année n. En d'autres termes, si javais payé quinze jours en avance la TVA de l'année n, comptablement parlant, celle-ci figurait sur l'exercice n-1. J'avais donc trop payé sur un exercice et rien sur le suivant. J'étais donc bon pour les pénalités de retards sur la différence, le principal étant déjà dans les caisses de l'état.
Autant vous dire que je me suis fâché. Effectivement, j'avais fait une erreur. Mais en tant que chef d'entreprise, je suis l'homme à tout faire. Mon boulot revient à préparer la comptabilité (pour l'expert-comptable), percevoir des impôts, des taxes, des cotisations gratuitement pour le compte de l'état, me faire des cheveux blancs pour régler les salaires, les fournisseurs, déboucher les toilettes et, s'il me reste du temps, essayer de faire avancer une entreprise. J'ai donc admis l'erreur mais en rajoutant que si j'étais effectivement redressé de la somme en question, alors que les sommes réellement dues avaient été payées en avance et qu'après presque six mois de contrôle le fisc n'avait trouvé que cela dans ma comptabilité, j'irai le plaider parce que c'était réellement me prendre pour un idiot. Il y eut des échanges de courriers pas aimables avec les responsables de cette charmante administration jusqu'à ce qu'elle lâche l'affaire et me restitue mon crédit. Je pense même que l'attitude du fisc n'était guidée que par le fait que celui-ci ne voulait pas me rembourser trop vite — ou me rembourser tout court — mon crédit.
Tout cela pour dire que même lorsque vous n'avez rien à vous reprocher, vous pouvez tomber sur des inspecteurs, des contrôleurs ou des petits chefs qui vont vous pourrir la vie pour des broutilles et que lorsque ces gens débarquent chez vous, vous avez intérêt à rester calmes. Certains sont aimables, d'autres sont les pires des ordures et vous en avez pour trois à six mois. Et même lorsque cela se passe bien, vous n'êtes jamais à l'abri d'un responsable qui passe derrière pour redresser et espérer avoir de l'avancement aux résultats. Même en étant le plus honnête et le plus carré possible, vous pouvez assez rapidement tomber chez Kafka.
Je suis capable de rester calme, je n'agresserai jamais quiconque. Dans l'affaire en exergue, je ne sais pas où sont les fautes, mais tant qu'il restera parmi ces contrôleurs et autres inspecteurs des gens aux attitudes interlopes, tant qu'il restera des petits chefs carriéristes, il y aura ce genre de drames.
Que voulez-vous, je suis un héros, c’est-à-dire un type assez malchanceux pour être au mauvais moment au mauvais endroit et assez bête pour y rester.