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Le cas du Hamas

09.10.23 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les tradis, Je hais les politiciens

Je vais me faire des ennemis mais j'assume d'autant plus que je peux prouver mes dires, photographies à l'appui.

En préambule, je dois indiquer pour les non comprenants que je condamne le plus fermement possible les actions du Hamas, du Djihad islamique et du Hezbollah.

Dans les années 1990, j'ai eu l'occasion de parcourir à pied durant deux mois Israël et les territoires occupés. Depuis, j'ai travaillé au Moyen-Orient et cela m'a permis de comprendre un peu les différents enjeux du conflit et les mentalités des protagonistes. Je suis d'assez près toutes les évolutions. Cela me permet d'avoir un avis sur ce qu'il vient de se passer.

Commençons par le début et par les plaques d'immatriculation. Les plaques pour les citoyens israéliens sont jaunes à chiffres noirs. Pour la police, elles sont rouges à chiffres blancs et pour l'armée noires à chiffres blancs. À cette époque, les véhicules de location avaient des plaques particulières, jaunes mais munies d'un liseré bleu, sans doute pour signaler aux palestiniens qu'il s'agissait de touristes. Pour les palestiniens non israéliens (c'est-à-dire habitant dans les territoires occupés), il y a trois couleurs. Des plaques vertes pour des transports collectifs palestiniens munis de laissez-passer aux portées aléatoires et des plaques bleues devenues blanches pour les civils palestiniens. Il y a aussi dans les territoires occupés des plaques rouges pour les véhicules gouvernementaux. Les véhicules palestiniens à plaques blanches ne sont pas autorisés à franchir la ligne verte ni même à s'éloigner de trop de la ville de résidence du propriétaire du véhicule. Les plaques rouges le peuvent. Quant aux plaques vertes, c'est au bon vouloir des contrôleurs des différents check points. Souvent, pour faire quelques kilomètres, il faut changer plusieurs fois de bus ou de taxi.

On trouve aussi un double réseau routier. Régulièrement, dans les territoires occupés, deux routes sont parallèles, l'une pour les israéliens, l'autre pour les palestiniens. Même en Afrique du Sud du temps de l'apartheid ou aux USA sous le régime de ségrégation il n'y avait pas une double infrastructure routière.

  enclavement_palestine_poster.pdf

Il y a donc trois types de population:

  • les israéliens israélites (habitant dans les territoires historiques ou occupés);
  • les israéliens non israélites qui sont les palestiniens avec la citoyenneté israélienne (avec un peu moins de droits dans les faits);
  • les palestiniens des territoires occupés.

Il serait tentant de dire que la population est bien rangée. C'est une erreur puisqu'on trouve là-dedans des druzes habitant le plateau du Golan, qui étaient syriens et qui, pour rien au monde, ne veulent le redevenir car depuis l'annexion du plateau, ils ont à domicile l'eau, le gaz et l'électricité. Il y a des israéliens non israélites qui encaissent mal le fait d'être une population de seconde zone et des palestiniens qui vivent dans des ghettos. C'est particulièrement visible à Jérusalem. Lorsqu'un bus qui s'arrête tous les cinq cents mètres en moyenne ne s'arrête plus durant plusieurs kilomètres, on sait qu'on passe au milieu d'un quartier palestinien. En terme de développement, il existe un mot pour cela que je préfère ne pas écrire ici.

D'un autre côté, des habitants israéliens non juifs de Jérusalem sont soumis à vexations pour agrandir, par exemple, le Jardin des Oliviers (expropriations manu militari avec destruction des habitations pour faire de la place). Ceux-ci, même s'ils sont plutôt content d'être israéliens plutôt que palestiniens nourrissent une certaine rancœur.

Autre difficulté, les ultraorthodoxes juifs. Ceux-là posent plusieurs problèmes. Ils utilisent la Bible en général comme un cadastre et le Lévitique en particulier comme une charia. Mais ils n'ont pas à en payer les conséquences. Pourquoi ? Ils sont exemptés de service militaire, service et réserve obligatoire pour toute la population, hommes et femmes. On se retrouve donc dans des situations grotesques comme à Hébron où après une épuration ethnique des chrétiens, il reste dans la vieille ville une population musulmane et sur les hauteurs une population de gentils colons orthodoxes qui viennent prendre toutes les semaines par les armes l'ancienne cathédrale servant de mosquée le vendredi pour qu'elle serve de synagogue le samedi parce qu'il est écrit dans la Bible qu'à Hébron se trouve le tombeau des Patriarches.

Or cette population ne cesse de grossir. D'après i24news, la population ultraorthodoxe a augmenté de 509% depuis 1979. Ils représentent aujourd'hui 13% de la population et les projections indiquent qu'ils seront plus de 21% en 2048. Or ces gens votent. Ces gens votent pour plus de colonies, pour plus d'intégration du sacré dans les lois israéliennes. On se retrouve donc à Hébron avec l'armée qui contraint les commerçants arabes à fermer boutiques le jour du shabbat. Mais ces militaires sont des israéliens parlant arabe couramment, donc des arabes israéliens. Sauf qu'on ne peut pas faire confiance à ces gens-là. Il s'ensuit que derrière les arabes israéliens tapant les arabes palestiniens se trouve une voiture de la police militaire formée d'israéliens juifs. Une ambiance du tonnerre et il est étonnant que cela ne dégénère pas plus souvent.

Au mitan des années 1990, il y avait de sérieuses chances de paix. Les ultraorthodoxes n'avait pas la puissance qu'ils ont aujourd'hui. L'Iran n'avait pas le poids que ce pays a actuellement. Si les pays du Golfe n'avaient pas de relations officielles avec Israël, ils n'étaient pas en guerre ouverte et ne défendaient pas les palestiniens dont ils n'avaient dans les faits que faire. La Jordanie avait des relations correctes avec Israël et l'Égypte était en paix grâce à Nasser qui avait fait une guerre — la guerre des six jours — pour avoir la paix. Il y eut les accords d'Oslo en 1993.

Mais il y eu aussi ce 4 novembre 1995 où Yitzhak Rabin, âgé de 73 ans, est touché par deux balles tirées à bout portant dans son dos après un discours lors d'une manifestation pour la paix par Yigal Amir, juif extrémiste religieux, étudiant en droit et opposé aux accords d'Oslo. Rabin a été lâchement tué par derrière pour avoir serré la main de Yasser Arafat qui, qu'on le veuille ou non, était devenu un interlocuteur valable depuis qu'il avait déposé les armes. Il n'a pas été tué par un palestinien, mais par un israélien juif pour avoir fait progressé la paix. Cette date est le début de la fracture de la société israélienne entre les religieux et les laïcs et un gros coup de frein à toute paix. Depuis cette date, tous les gouvernements successifs ont tout fait pour que cela dégénère. Et plus le temps passe, plus les religieux ont pris de place. Le phénomène est aujourd'hui un véritable cercle vicieux qui s'entretient tout seul.

L'avenir pour ce pays n'est pas rose et, aujourd'hui, l'armée composée de laïcs paie les choix des ultraorthodoxes qui, rappelons-le, en sont exemptés. Combien de temps va-t-elle continuer à le faire? Que se passera-t-il le jour où les militaires israéliens vont considérer que leur vie vaut plus que la sauvegarde d'une nation dévoyée par ces ultraorthodoxes ? Va-t-on vers un coup d'état ? Aujourd'hui, si les tendances démographiques restent constantes, à la fin du siècle, l'état d'Israël sera dans le meilleur des cas une théocratie juive, dans le pire des cas un Iran juif. Parmi ses habitants non ultraorthodoxes, qui sera prêt à l'accepter ? Et que faire des populations laïques de toutes obédiences ?

Il est urgent de trouver une solution de paix acceptable pour les deux parties. Cela signifie soit deux états viables (et pas le succédané d'Autorité Palestinienne vivant des subsides qu'Israël et les bailleurs internationaux daignent lui envoyer), soit un état unique, laïc, et avec les mêmes droits et devoirs pour tous ses habitants. Ces deux solutions sont violemment rejetées par les ultraorthodoxes. Il s'agit donc de commencer par limiter leur influence, préalable à toute solution de paix.

Or nous n'en prenons pas le chemin. Plus exactement, nous prenons la direction inverse. Il y a de plus en plus de gages donnés à cette frange de la population au détriment des palestiniens qui entrent de plus en plus dans une guerre asymétrique utilisée aujourd'hui comme un proxy par l'Iran (d'où les attaques concomitantes du Hezbollah dans le nord du pays).

L'état hébreu ne pourra pas gagner cette guerre, sauf à ouvrir des discussions et à mettre une partie de sa population extrémiste au pas. La question est de savoir s'il le veut (pour des histoires de politique interne) ou s'il le peut encore, s'il n'est pas déjà trop tard.

L'avenir nous le dira. Personnellement, je suis heureux de ne pas avoir vingt ans à Tel-Aviv.

 

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