« La complainte du progrès | Shabbat de ramadan » |
Ça y est, on l'attendait depuis le rachat de Sun Microsystems par Oracle. La nouvelle est tombée vendredi 13 août 2010, en plein mileu des vacances pour que ça ne fasse pas trop de bruit dans la communauté OpenSolaris. Le mémo en question, prétendûment confidentiel, contient un tas de choses sur l'avenir du matériel Sun Microsystems et de Solaris. J'en retire deux paragraphes, les plus importants pour le futur de Solaris.
We will continue to use the CDDL license statement in nearly all Solaris source code files. We will not remove the CDDL from any files in Solaris to which it already applies, and new source code files that are created will follow the current policy regarding applying the CDDL (simply, that usr/src files will have the CDDL, and the very small minority of files in usr/closed might not have it). Use of other open licenses in non-ON consolidations (e.g. GPL in the Desktop area) will also continue. As before, requests to change the license associated with source code are case-by-case decisions.
En d'autres termes, on va pouvoir — lorsqu'on aura les sources avec un train de retard — admirer un savoureux mélange entre un code libre et un code fermé. On aimerait bien savoir sur quel critère se fera la distinction. OpenSolaris sera-t-il encore utilisable pour des machines de production ?
We will distribute updates to approved CDDL or other open source-licensed code following full releases of our enterprise Solaris operating system. In this manner, new technology innovations will show up in our releases before anywhere else. We will no longer distribute source code for the entirety of the Solaris operating system in real-time while it is developed, on a nightly basis.
Là, c'est « the cherry on the cake ». Mis bout à bout, les deux paragraphes signifient qu'Oracle veut bien filer une partie des sources de Solaris, mais une fois qu'elles seront périmées. La question est surtout : quel sera le délai pour cette mise à disposition du code.
J'utilise les systèmes d'exploitation de Sun depuis SunOS 4.x et je suis passé par toutes les version possibles et imaginables de Solaris. Il faut regarder les choses en face, si le matériel Sun était de l'excellent matériel, Solaris a toujours été une sombre saleté — pour rester poli — que les gens n'utilisaient que parce que c'était le seul, pendant très longtemps, à tourner correctement sur le matériel de Sun. En effet, les subtilités de la gestion des caches et des différents bus étaient longtemps restés largement non documentées. En coulisse, on l'appelait Slowlaris depuis que des pans entiers du système étaient écrits en Java, et on se dépêchait de rajouter tous les outils GNU pour avoir quelque chose d'utilisable. En ce sens, Nexenta était la seule distribution OpenSolaris réellement utilisable.
Au fil des années, l'avantage de Solaris sur les systèmes alternatifs s'est considérablement réduit. L'administration correcte d'un système Solaris est absconse, les patches de sécurité sont impossibles à passer sans avoir dans une main un fer à cheval, dans l'autre une gousse d'ail et dans la dernière une patte de lapin. Même les firmwares des dernières machines Sparc T1/T2 sont complètement moisis qu'ils plantent au bout d'un certain temps. Il faut redémarrer le serveur électriquement pour reprendre la main sur la console d'administration, ce qui n'est pas très propre, vous en conviendrez !
À la place d'Oracle, je me ferais du souci. Les systèmes libres sont devenus plus performants sur leurs matériels que le système historique et propriétaire — en même temps que le matériel est devenu de moins en moins fini — et ce n'est pas en limitant artificiellement le développement des systèmes libres sur ce matériel qu'ils pourront limiter la chute de Solaris. Par ailleurs, vu le prix de la machine d'entrée de gamme — prix qui a juste été multiplié par trois lors du rachat — auquel il faut ajouter un contrat de support de Solaris pour bénéficier des patches et ne pas avoir un système plus troué que la casserole à nouille des shadoks, je pense sérieusement à regarder de plus près ce qui se fait chez la concurrence. Quitte à avoir un système d'exploitation propriétaire, autant directement utiliser OpenVMS sur une machine Integrity de Hewlett-Packard. C'est maintenant moins cher que du matériel Oracle et largement plus fiable.