« Les clichés ont la vie dure | Haiku » |
J'entends depuis quelques jours les journalistes dire tout et n'importe quoi sur Bernard Kouchner. Il y en a même un pour avoir noté que la fameuse photo de Monsieur K. avec un sac de riz a demandé trois prises.
Personne n'a cru bon de noter que cette opération faite avec des sac de riz était la pire des choses. À se demander si ces journalistes ont mis les pieds un jour en Afrique. À se demander aussi s'ils ont fait un jour cuire un riz bas de gamme, standard. Pour faire cuire du riz de qualité normale — pas du basmati ou du thaï —, il faut compter entre vingt-cinq et trente minutes de cuisson dans de l'eau bouillante. Il faut donc en plus du riz, deux ingrédients qui ne se trouvent que difficilement en zone désertique, à savoir de l'eau à peu près propre et du bois ou l'un de ses dérivés (charbon…). Une population qui n'a pas les moyens d'acheter du riz d'importation n'a que le bois pour faire cuire ce riz car elle est aussi incapable d'acheter du gaz, du pétrole ou de l'alcool pour faire fonctionner un réchaud.
Envoyer du riz dans les zones désertiques sous couvert d'aide humanitaire est donc un crime puisque ce riz ne concourt qu'à une seule chose, l'avancée du désert en raison de l'arrachage des derniers arbustes pour le cuire. Et encore, je ne parle pas des maladies qui résultent de la cuisson du riz dans une eau impropre à la consommation.
Ces sacs de riz, envoyés à grands renforts de publicité, n'ont été bénéfiques qu'à la population de rats des ports africains de destination qui ont pullulé grâce à notre bonté et à Bernard Kouchner qui a construit son image sur cette action. Et il faut dire que cette image lui colle toujours à la peau.
Mais ces actions médiatiques inutiles voire contre-productives ne sont pas l'apanage de Monsieur K. J'ai eu la chance de me trouver à Fénérive, sur la côté est de Madagascar, un peu après le passage d'un cyclone. Une ONG qui a pignon sur rue, mais que je ne citerais pas, avait lancé une campagne de collecte de dons pour aider les malgaches. J'ai eu l'occasion de voir à Tamatave des hangars débordants de couvertures et de lits de camp. Sur la côte est, les malgaches ont une nette tendance à dormir sur des nattes et se contrefichent royalement de lits de camp. Les couvertures données par cette organisation ont simplement permis de casser l'économie locale puisque les fabricants de couvertures n'arrivaient plus à vendre leurs productions. Au final, les donateurs ont répondu à l'appel des différentes ONG qui ont envoyé du matériel. Mais jamais elles ne se sont posé la question de savoir si ce matériel était réellement utile. Il en est des couvertures et des lits de camp comme des sacs de riz. Ce sont des fausses bonnes idées qui permettent souvent de se dire qu'on a fait quelque chose pour ces gens, par solidarité, par bonté d'âme, par humanité ou pour toute autre raison imaginable.
L'histoire des photographies de Bernard Kouchner avec un sac de riz sur l'épaule me fait juste sourire. Le problème du sac de riz de Monsieur K. n'est pas tant ces photographies que le sac de riz lui-même.
Plus problème majeur, le riz en Afrique est considéré comme un truc de luxe donc a été soit “annexé” par les groupes armés et divers personnages, soit revendu sur les marchés pour acheter d’autres denrées.
Bilan des courses, personne n’en a profité, si ce n’est ceux qui n’en avaient pas besoin.
Une fois, je me suis écharpée avec une maman de louveteaux qui m’expliquait qu’il fallait absolument que les louveteaux organisassent une collecte de nourriture pour les victimes du tsunami. Elle a très mal pris que je lui rétorque que les collectes de bouffe et de matos ça ne sert à rien, ce qui compte c’est l’argent que les ONG sur place savent en général mieux employer.
bref, je n’avais pas de coeur, je bridais les élans de solidarité des pitits n’enfants tout prêts à être solidaires avec les autres pitits n’enfants du monde.
Plus un autre bémol, les ONG ne savent pas non plus utiliser l’argent collecté correctement. Pour avoir été “broussard", j’ai une petite expérience sur la question… Les seules aides valables ne sont pas données par les ONG qui ont pignon sur rue et qui collectent malheureusement l’immense majorité des dons.
ah pour ça, je suis toute à fait prête à vous croire… quand on sait que des trucs comme l’Arche de Zoé ont pu exister, on se pose des questions sur les ONG…
pourtant, il me semble que des schmilblicks comme la Croix Rouge font des choses plutôt sérieuses, non ?
Pas vraiment. Celles que j’ai vu faire de mes propres yeux les trucs les plus terribles et aberrantes sont justement celles qui devraient faire les choses le plus sérieusement. Et les organismes qui font le plus de travail intéressant ne sont pas forcément ceux à qui on penserait au premier abord. Je pense en particulier au Rotary Club…