« La poupée pornographe | Les prud'hommes ou la justice des hommes » |
Les chroniques de Philippe Lefébure sur France Inter sont vraiment inconséquentes. Ce matin, j'ai eu la surprise de l'entendre dire que les entreprises n'ont jamais eu autant de trésorerie et que nous vivons vraiment une époque faste. Les banques prêtent à nouveau de l'argent et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Monsieur Lefébure, il faudrait que vous preniez la peine de sortir de chez vous et surtout que vous ne mélangiez pas allègrement les quelques entreprises du CAC40, qui n'apportent aucune richesse, avec toutes les PME françaises qui sont, elles, chargées de fournir de l'emploi à l'immense majorité des salariés et qui sont les seuls acteurs à réellement faire fonctionner l'économie car ce sont elles qui contribuent majoritairement aux dépenses de l'état au travers de tous les impôts et taxes divers et variés et qui fournissent de l'emploi à la plus grande partie des salariés.
Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais aujourd'hui, je ne connais plus aucune banque française qui honore encore les créances d'états et, lorsqu'un système bancaire en est arrivé à ce point, je pense qu'on peut dire sans trop faire de divination que cela ne va pas bien. Pire, cela augure assez mal de l'avenir. J'arrive tout à fait à comprendre qu'une banque ne prête pas de l'argent n'importe comment à n'importe qui. J'ai beaucoup plus de mal à comprendre qu'elle ne prête pas lorsqu'il y a des risques raisonnés et acceptables alors que les intérêts sont sa prime de risque, ce que les banquiers oublient assez rapidement aujourd'hui. Mais lorsqu'une banque n'honore plus les dettes d'état que peut avoir une entreprise, cela ne peut signifier que deux choses : ou l'état n'est plus crédible ou la banque n'a plus d'argent. Dans les deux cas, c'est problématique.
Vous avez cru bon ce matin de signaler que les trésoreries des entreprises regorgent d'argent. C'est peut-être vrai pour les grandes entreprises, encore que vous me permettrez d'en douter. En effet, la valeur d'une entreprise est calculée en fonction de ses fonds propres, ce qui inclut sa trésorerie. Si vous avez une autre méthode de calcul, je serai enchanté que vous m'en fassiez part. La conséquence immédiate est qu'une l'OPA est d'autant plus difficile que la trésorerie de l'entreprise à acheter est forte. Il y a donc un sérieux problème dans votre raisonnement. Les entreprises se font actuellement racheter parce que leurs trésoreries sont mises à mal et fondent comme neige au soleil.
Ce qui est beaucoup plus grave, c'est que vous puissiez dire ce genre de chose à une heure de grande écoute et à des auditeurs qui ne sont pas confrontés au problème. Ils pourraient prendre votre discours pour argent comptant. Lorsqu'on annonce une rentrée socialement chaude avec des manifestations pour le retour ou le maintien de l'âge légal de la retraite à 60 ans, on ne peut pas se permettre de dire que les trésoreries des entreprises regorgent d'argent parce qu'il se trouvera toujours un syndicaliste pour rebondir en déclarant qu'on peut donc créer un impôt supplémentaire.
Monsieur Lefébure, je vous annonce que les trésorerie des PME sont aujourd'hui à leur point le plus bas depuis des années, que beaucoup de chefs d'entrerprise n'arrivent plus à se payer lorsqu'ils arrivent encore à payer leurs salariés. Le moindre impôt supplémentaire ou taxe additionnelle fera qu'ils mettront la clef sous la porte. Je vous rassure, cela n'aura à court terme aucune influence sur votre vie. Ni sur la vie des banques parce que tous ces gens-là risquent fort de se retrouver à la rue, n'ayant aucune protection sociale. Vous ne le savez peut-être pas, mais le chef d'entreprise en France joue avec son argent car lors d'une liquidation judiciaire, le liquidateur va chercher l'argent où il en reste et saisit les biens du chef d'entreprise même s'il y a séparation entre les biens de l'entreprise et ceux du mandataire. Combien de gérants de SARL se sont retrouvés ruinés en dépit de la responsabilité limitée ! À moyen ou long terme, je ne suis pas aussi sûr que vous ne soyez pas touché d'une manière ou d'une autre puisque, je vous le répète, ce sont ces entreprises qui font tourner l'économie.
Si vous ne me croyez pas, allez simplement vous promener dans une ville moyenne de province. Si c'est trop loin, je vous suggère d'aller faire un tour dans la rue Charlot, dans le troisième arrondissement, et de regarder les boutiques et les bureaux à louer. Cette rue est sinistrée, tous les pas de porte ont été vidés. Regardez aussi les grands boulevards, les affiches de bureaux à louer ou à vendre fleurissent comme le désert après la pluie.
Je ne peux pas vous changer. Je tiens seulement à vous signaler que ce que vous avez dit est inadmissible. J'espère au moins que vous le reconnaîtrez.