« Superball | La poupée pornographe » |
Je suis issu d'une lignée de hussards gris de la troisième république, voire de hussards gris de Guillaume II de Hohenzollern. Autant vous dire que la rentrée des classes m'émeut toujours un peu, certainement un atavisme ou un réflexe pavlovien.
Depuis quelques jours, on entend partout que les nouveaux enseignants se retrouveront aujourd'hui devant des classes sans avoir eu de formation. Les syndicats râlent, les nouveaux enseignants se plaignent, le ministre éternel de l'éducation nationale, des tags et des pins, j'ai nommé Jack Lang, en rajoute une couche. Tout est normal. Il faudrait tout de même que quelqu'un se dévoue pour dire aux journalistes et à l'intéressé qu'il n'est plus ni ministre de la culture et des colonnes de Buren, ni ministre de l'éducation nationale, et qu'il doit se trouver des personnes au moins aussi incompétentes que lui pour parler des problèmes des enseignants. Pourquoi ne pas inviter Marie-Ségolène Royale qui a toujours un avis sur tout, enfin qui a surtout des avis ? Je suis sûr qu'elle pourrait dire des choses aussi bêtes avec un aplomb certain.
Les nouveaux enseignants sont donc envoyés au charbon sans aucune préparation. Tout le monde trouve cela inadmissible, mais personne ne compare la situation actuelle à la situation de l'année passée, ce qui serait intéressant. Il faut en effet regarder de près ce qu'on enseignait dans les IUFM pour constater que ça servait au mieux à pas grand'chose au pire strictement à rien. Par ailleurs, cette année, les nouveaux enseignants ont eu droit à une formation de quatre jours avant la rentrée alors que l'année dernière — et les autres années avant elle —, les nouveaux enseignants découvraient leur métier sur le tas avec un encadrement ridicule. Il ne faut surtout pas croire que l'IUFM les aidait à apprendre à tenir une classe.
Autre problème : l'année dernière, on trouvait des tuteurs à la pelle. Cette année, c'est beaucoup plus difficile. Pourquoi ? Je ne puis pas imaginer que c'est parce que c'était mieux payé l'an passé. Je n'arrive pas non plus à imaginer que c'est parce que certaines formations sont sur le temps des vacances vu que tous les enseignants déclarent péremptoirement qu'ils font ce métier par vocation. Je repose donc la question : pourquoi ne trouve-t-on plus assez de tuteurs ?
Et je les entends parler de l'ordre et de la discipline dans les salles de classe, des cartables qui sont trop lourds, des semaines trop chargées et j'en passe. Il faut tout de même rappeler que les journées de l'écolier français ne sont pas les plus longues — contrairement à ce qu'on veut nous faire accroire parce qu'il faut comparer non seulement les heures de cours mais aussi les matières, ce qui n'est jamais fait ! — et que des générations d'écoliers sont passées avant eux sans problème alors qu'ils avaient classe jusqu'au samedi soir. La différence est qu'il se couchaient plus tôt et que les parents les suivaient un peu plus. Aujourd'hui, ces écoliers sont livrés à eux-mêmes, se couchent à des heures indues et on met sur le dos de l'école leur fatigue. On met aussi sur le dos de l'école la démission des parents. Ce n'est pas à un enseignant d'éduquer un enfant ni de lui apprendre à obéir.
Les enseignants se plaignent de ne pas pouvoir faire leur travail correctement parce qu'il est impossible de le faire au primaire avec plus de vingt élèves par classe. Les élèves aujourd'hui doivent être beaucoup plus bêtes que ceux des années soixante, dix-neuf cent soixante, entendons-nous bien. Tous les instituteurs de ma famille avaient des classes de quarante-cinq élèves et la semaine durait trente heures. Il y avait pourtant très peu d'échec scolaire au primaire.
Ce n'est donc pas en multipliant les postes d'enseignants que l'on va résoudre le problème de l'éducation nationale ni en en augmentant les moyens. La seule façon de faire, c'est de recentrer l'école sur sa véritable fonction, à savoir donner un socle de connaissances aux élèves. En ce sens, le collège unique est une véritable bêtise puisqu'il aboutit mécaniquement à un nivellement par le bas. En effet, si l'immense majorité des élèves est capable de suivre des cours au primaire, je ne suis pas convaincu que ce soit le cas au collège si l'on veut un collège de bon niveau. Certes, il ne faut pas pousser ces enfants hors du système scolaire, mais il faut peut-être leur donner une formation adaptée. Les laisser dans le même cursus que celui des élèves normaux ne peut aboutir qu'à une baisse généralisée du niveau.
Et qu'on ne me dise surtout pas que le niveau des élèves ne baisse pas. La dernière étude que j'ai lue était particulièrement amusante. Elle comparait sans vergogne le niveau des élèves en fin de primaire en 1920 et en 2005. Le protocole de mesure m'a fait sourire : on incluait dans cette étude la faculté pour un élève d'utiliser un ordinateur sans préciser comment était effectuée cette mesure. De deux choses l'une, ou la mesure était faite en 1920, mais j'aimerais savoir sur quel matériel, ou elle était faite en 2005 sur des gens de 95 ans ! Dans les deux cas, les jeunes gagnaient, mais pas parce qu'ils sont mieux formés par l'école, simplement parce que l'ordinateur fait partie de leur environnement. Si maintenant on se contente d'une comparaison objective et non biaisée, c'est-à-dire en arrêtant les comparaisons aux matières communes aussi peu utile que les mathématiques qui consistent à calculer les temps de vidange d'une baignoire en fonction du robinet qui goutte, de la fuite de la bonde et de l'évaporation, le résultat est tout autre. En français, c'est encore pire. Le niveau d'un élève de première littéraire de 2010 est celui d'un sixième de 1990, lui-même celui d'une fin d'école communale de 1920.
Dormez tranquilles, le ministère de l'éducation nationale paie grassement des psychologues pour faire croire que le niveau ne baisse pas mais se dilue. Avec de telles constatations comment voulez-vous encore avoir la force de réformer la chose ? Toute tentative est vouée par avance à l'échec.
Je comprends ton analyse, et en partage les grandes lignes.
Sur la réforme : je crois que personne de sérieux ne pleurera la disparition des IUFM. Ce qui est en cause à mon avis, c’est le service de 18h dès la première année d’enseignement. Quand on sait comment les premiers cours demandent du temps à préparer, une première année où seules 6 heures sont à assurer permet une acclimatation (relativement) sereine. On s’aguerrit ensuite, et la préparation est plus rapide.
Je ne suis pas enseignant, mais j’ai exercé quelques temps dans le supérieur : la problématique n’est pas très différente de l’enseignement au lycée, il me semble.
Et les écoles normales d’instituteur, qui les a fait disparaître?
C’était pourtant le creuset des hussards noirs à idées rouges de la république.