« Brassens avait raison | Crise de foi » |
Parmi mes connaissance se trouve tout un tas de traditionalistes plus ou moins bornés et fiers de leurs positions. L'immense majorité, pour ne pas dire l'intégralité de ceux-ci, considèrent que le mariage est une maladie qui contraint la femme à rester chez elle, qu'elle ait ou non des enfants. Le mythe de la mère au foyer en prend un coup puisque je croiyais bêtement que seuls ses enfants contraignaient la femme à rester chez elle.
Il se trouve aussi qu'une de mes connaissances a neuf enfants et qu'avec son mari, on ne peut pas vraiment dire que cela se passe bien. Je ne prendrais pas part à ce différend et me garderais bien de juger ou même de prendre position. En revanche, je trouve assez effrayante l'attitude des traditionalistes qui essayent d'aider cette famille. Je dis aider parce que je ne trouve pas de mot plus adapté et moins polémique.
En plusieurs mois, j'ai reçu des appels téléphoniques, vu passer des courriers électroniques appelant à payer des neuvaines. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, une neuvaine est un ensemble de neuf jours durant lesquels un croyant paie un prêtre — traditionaliste, cela va de soi sinon ça ne compte pas — pour qu'il dise une messe par jour. Pour les plus pingres, une neuvaine peut prendre la forme de neuf jours de prière. J'ai vu passer des appels à la prière, au jeûne même. Naturellement, tout cela est en union de prière. Lorsqu'on sait que certains membres du groupe en question ne peuvent pas me voir car je suis un horrible déviant, l'union de prière prend tout son sens.
Ce qui me dérange, ce n'est pas qu'on paie des neuvaines, qu'on jeûne ou qu'on se flagèle. À vrai dire, je m'en contrefiche à partir du moment où personne ne me demande d'aller me fouetter en public pour expier une faute qui n'est pas de mon ressort. Ce qui me gêne franchement aux entournures, c'est que personne ne se pose la question de savoir ce qui est bon ou non pour cet homme, cette femme et ces neuf enfants. Non, cela ne leur viendrait même pas à l'esprit. En revanche, il faut à tout prix sauver les apparences. Dans ce milieu-là, monsieur, on ne divorce pas, on prie. Et on prie pour que ça ne termine pas en drame. Il paraît qu'en priant tous, Dieu les aidera.
Arrêtez-moi si je me trompe, mais réagir comme cela, n'est-ce pas de la même veine que de prier Dieu quand on a mal aux dents ? Que l'on soit croyant ou non, il faut déjà se prendre en main, ne pas fuir ses responsabilités avant d'en appeler à Dieu. Pour être tout à fait exact, cette attitude est assez proche de celle évoquée dans Matthieu 4 5-7.
Alors le diable le prend avec lui dans la Ville Sainte, et il le plaça sur le pinacle du Temple et lui dit : " Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et sur leurs mains ils te porteront, de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre. " Jésus lui dit : " Il est encore écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu. "
En d'autres termes, l'évangéliste explique qu'il ne faut pas crier vers Dieu en espérant recevoir une aide à partir du moment où l'on ne fait rien soi-même pour essayer de s'en sortir.
Mais que va-t-il donc se produire ? Faut-il que désespérée, la femme trucide son mari ? Faut-il que le mari en vienne à frapper sa femme ? En tout état de cause, la situation n'est pas tenable. Mais on ne divorce pas. De toute façon, de quoi cette femme vivra-t-elle après un divorce puisqu'elle n'a plus travaillé depuis une grosse quinzaine d'années ? J'en entends déjà me dire qu'elle pourrait vivre d'une pension alimentaire. Certes, en admettant que son mari puisse la régler. Et une fois les enfants grands, de quoi vivra-t-elle ? Et à sa retraite ? Parce que pour le coup, la pension de reversion risque d'être un peu faiblarde !
J'ai peine à trouver des mots pour qualifier ce genre d'attitude. Pour ne pas perdre la face, onze personnes sont prises en otages d'une conception pour le moins bizarre des rapports humains. Est-ce que l'apparence est à ce prix ?