« Haiku | Dieu existe, je lui ai parlé » |
J'ai écouté d'une oreille pas trop distraite l'émission de Daniel Mermet hier sur France Inter qui n'était pas encore en grève. Étaient invités deux sociologues qui, s'ils n'étaient pas de la gauche radicale et réactionnaire, étaient au moins à l'ouest.
Ces deux penseurs avaient une idée amusante : abroger la TVA en la reportant sur un impôt sur le revenu étendu. Jusque-là, pourquoi pas, c'est la suite qui devient amusante. Le taux de ce nouvel impôt devrait être entre 10% et 90% des revenus fiscaux annuels. Mazette, 90%… Cela devrait contribuer à relancer le tourisme en Suisse ou au Luxembourg.
J'avoue, devant tant d'imbécillité crasse, ne pouvoir réprimer un sourire. Pour la personne qui est au bas de l'échelle, cela ne changera pas les choses puisque les 10% de ce nouvel impôt seront peu ou prou compensés pas la disparition de la TVA. Mais pour les gens qui gagnent un peu plus confortablement leur vie, ce sera un autre problème. Croyez vous sérieusement qu'un cadre supérieur, imposé à 50% de ses revenus, restera dans notre beau pays de France ? Croyez-vous qu'on trouvera encore en France avec une taxation aussi idiote des entrepreneurs pour jouer avec leurs biens, ne pas avoir de couverture sociale et faire fonctionner l'économie réelle ? Un tel système revient à tout niveler par le bas, car il vaudra mieux être pauvre qu'appartenir à la classe moyenne, et ceux qui ne se réduiront pas à la misère iront vers des cieux plus cléments.
Et je passe sous silence les stances habituelles sur les taxations des entreprises, la suppression de la taxe professionnelle, le taux d'impôt sur les sociétés qui a baissé depuis 2007. Daniel Mermet, je t'aime bien, mais de grâce, vérifie les dires de tes invités et arrête de les laisser dire n'importe quoi. Depuis 2004, je n'ai pas vu baisser le taux d'impôt sur les sociétés, ce qui ne veut pas dire que ce taux a baissé en 2004, simplement que je n'ai pas mes archives comptables sous la main pour vérifier. La taxe professionnelle n'a pas été abrogée, seule son assiette a été modifiée. En tout cas, si elle a été supprimé, je n'étais pas au courant puisque j'ai non seulement reçu l'imprimé Cerfa cette année, mais je l'ai aussi payée. Quant aux taxes diverses et variées que peut payer une entreprise en France, le seul adjectif qui me vienne spontanément est effarant. Mais pour s'en rendre compte, il faudrait peut-être de temps en temps laisser parler ceux qui sont confrontés à ce problème, ce qu'ils vivent. Rajouter des taxes parce, soi-disant, elles baissent, c'est bien beau. Depuis cinq ans, les différents impôts ponctionnant les PME ne font qu'augmenter, mais ce n'est pas grave puisqu'il s'agit des taxes locales ou de la part patronale des cotisations sociales. Du point de vue du salarié, rien ne change. Du point de vue du patronat, dont ne l'oublie jamais, l'immense majorité est aujourd'hui moins payée que la médiane des salaires de son entreprise, la vision est un peu différente. Mais ces gens ont d'autres choses à faire que de défiler dans les rues. Ils ont un peu plus de conscience professionnelle puisque s'ils s'arrêtent de travailler, non seulement ils risquent de se retrouver à le rue, mais ils vont encore produire de nouveaux chômeurs.
Et tu n'as pas oublié de parler des retraites. C'est bien. Mais pour être crédible, tu aurais pu dire que depuis le début des années soixante-dix, tous les démographes tirent la sonnette d'alarme. Aucun gouvernement n'a voulu pour des raisons purement électorales traiter le problème, préférant le laisser à son successeur. Et comme c'est au pied du mur qu'on voit le mieux le mur, plus on attend, plus la solution risque d'être douloureuse.
Il y a un vrai problème économique, et ce problème ne pourra pas être résolu par des taxes nouvelles ou des augmentations de taux de taxes existantes. À la limite, on pourrait ponctionner les profits financiers issus des banques et des bourses. Mais ponctionner encore l'économie réelle déjà exsangue est une immense bêtise qui risque juste d'être contre-productive en poussant à la faillite un bon nombre de PME qui sont fragilisées par le système financier depuis l'explosion de la crise en 2008, crise pourtant prévue par de nombreux économistes que personne n'a écoutés.
En ce sens, il est inadmissible d'entendre des salariés s'élever contre l'augmentation de l'âge de départ à la retraite. Le vrai combat n'est pas ce combat d'arrière-garde, mais devrait être un combat pour l'emploi de la tranche des 55-65 ans. Comment veux-tu demander à quelqu'un de travailler jusqu'à 62 ans lorsque l'âge médian d'arrêt d'activité est d'un peu moins de 59 ans ? Il est aussi lamentable de repousser l'âge de départ à taux plein de 65 à 67 ans. Mais ce n'est pas, comme je l'ai entendu, pour remonter le niveau de pensions des femmes. C'est pour éviter que des gens qui se sont retrouvés au chômage puisse avoir de quoi vivre décemment, ce qui est autre chose.
Plus il y aura de chômeurs dans la tranche 55-65 ans, plus cet âge de départ sera repoussé et plus les pensions seront faibles. C'est imparables. Avant de râler contre les différents âges de départ, il faut déjà lutter contre ce qui fait que les gens quittent leur emploi avant l'âge de départ légal ! Et qu'on ne me parle pas de pénibilité puisque la définition de la pénibilité est largement surannée. Il faudrait remettre tout ceci à plat, mais personne ne veut aujourd'hui revenir sur des acquis sociaux qui ne se justifient plus dans la plupart des cas. Conduire un train de marchandise était un métier pénible dans les années 50, lorsqu'on mettait du charbon dans une 141R. À l'heure de la traction électrique, ce n'est plus le cas. En revanche, enseigner dans un collège dans les années 50 n'était pas pénible. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Il faut donc reculer l'âge légal de départ à la retraite, mais toucher l'âge du taux plein n'est pas une fatalité si on se débrouille pour employer cette tranche d'âge. Et là, on entend généralement que ces personnes sont fatiguées, ne sont plus employables, en d'autres termes sont des rebuts de la société. Que ces personnes ne puissent pas faire de travaux physiques est une chose, mais elles peuvent faire tout un tas d'autres choses. Si elles sont mises à l'écart, c'est en grande partie en souvenir de la contribution Delalande. Bizarrement, cette position est assez bien partagée par une droite qui n'est pas au gouvernement. Oui, Daniel, la droite ne peut pas être réduite au simple sarkozysme et il existe une droite largement plus sociale mais qui n'a pas pignon sur rue. Il serait peut-être bon de temps en temps d'inviter ce genre de personnes. Les propos tenus dans ton émission gagneraient en crédibilité.
Je vais aussi rajouter quelque chose qui ne va peut-être pas te faire plaisir, mais à écouter certains de tes invités, j'ai de plus en plus l'impression qu'être de gauche ne signifie pas avoir une fibre sociale. Les réactions de tes invités sont bien plus souvent motivées par la jalousie à l'égard des fortunés que par une recherche d'équité sociale. On pleure sur l'ouvrier pour ne pas avouer que l'on bave sur son voisin cadre supérieur en ignorant superbement la contre-partie de sa réussite sociale. On rêve alors de taxer les gens qui ont de l'argent non pour aider le bon peuple mais pour que ces gens soient moins riches ou pour rétablir une quelconque équité plus saine que l'espèce d'égalitarisme révolutionnaire qui ne mène jamais qu'à un désastre plus grand. C'est cette vision dogmatique qui a engendré l'impôt de solidarité sur la fortune qui lui-même a créé le bouclier fiscal pour éviter des aberrations qui faisaient que certains contribuables avaient plus d'impôt à payer que leurs revenus annuels ! Il est assez cocasse de voir aujourd'hui ceux qui ont permis la création de l'ISF râler sur le bouclier fiscal qui en est directement issu. N'oublie jamais que trop d'impôt tue l'impôt.