« Du charbon pour les véhicules | Bernard-Henri et Sakineh » |
Il y a rue du Temple à Paris, un piège à provinciaux. Lorsqu'on vient de la rue de Réaumur et que l'on tourne à gauche dans la rue du Temple, le couloir de bus, qui était à gauche, passe subtilement à droite après le croisement en doublant presque de largeur. Il est très facile de se faire piéger dans ce couloir. La préfecture de police étant consciente de la chose, la police de la circulation veille. Cela permet de dresser des procès-verbaux à peu de frais et fait des économies sur les semelles des chaussures des pervenches. Tout le monde est content.
Hier soir, une voiture en état correct, immatriculée en Loire inférieure, pardon atlantique, a été arrêtée par les forces de l'ordre pour le simple motif d'avoir empiété sur ce fameux couloir de bus. Il faut dire à sa décharge que c'était rouler à cheval sur ce couloir de bus ou avoir un accident, les automobilistes connaissant le coin étant passés à la gauche de cette voiture et empêchant qu'elle se rabatte dans sa voie normale de circulation.
Cela n'a pas raté, les pandores qui pourtant avaient vu comme moi la scène n'ont pas arrêté ceux qui ont contraint ce véhicule à se retrouver dans le couloir de bus mais seulement cette voiture qui, pour être exact, n'était pas vraiment responsable de la situation.
L'automobiliste en question s'est arrêté, a reconnu les faits. Pas un mot plus haut que l'autre de la part du conducteur qui pourtant aurait eu de quoi râler. Peut-être parce qu'il avait le défaut d'être un peu bronzé tout en étant propre sur lui. Il faisait d'ailleurs plutôt cadre supérieur que loubard de banlieue même nantaise. Et là, de la part des forces de l'ordre, ça a dérapé, mais jamais le ton de l'automobiliste n'est monté. J'ai admiré le sang froid de cette personne en prise à trois fonctionnaires de la préfecture de police. Tout ce qui pouvait lui être reproché a été reproché :
Lorsque je suis parti, ils en étaient à vérifier l'état du moteur et celui de la roue de secours, capot ouvert. Ils n'avaient sans doute rien pu dire sur l'état des pneumatiques qui semblaient assez neufs.
Je n'ai rien a priori contre les forces de l'ordre, encore que depuis quelques années, je traverse scrupuleusement entre les clous pour surtout éviter de leur parler. Je trouve parfaitement normal qu'ils arrêtent des contrevenants. En revanche, je trouve inadmissible leur façon de ne pas regarder plus loin que le bout de leur nez. Dans ce cas, le responsable n'était pas ce nantais puisque la seule chose objective qu'on pouvait lui reprocher était de ne pas savoir que ce couloir de bus delanoësque passait d'un côté de la rue à l'autre après un virage à angle droit. Le véritable responsable était le flot de véhicules qui l'a coincé dans ce couloir. Je trouve aussi parfaitement anormal que les forces de l'ordre commencent à ergoter sur l'état d'un véhicule extérieurement entretenu, la boîte d'ampoules, la pression dans la roue de secours et le fameux gilet jaune lorsqu'on reproche à son conducteur d'avoir mis une roue dans un couloir de bus.
Je n'ai pas assisté à la fin de la scène qui n'a duré que quelques minutes et je regrette de n'avoir pas eu sous la main une caméra pour la filmer. En moins de cinq minutes, ce pauvre automobiliste a reçu plusieurs papillons verts dont tous étaient discutables. Il n'en a contesté aucun parce que ce n'était pas le moment et que vu son faciès, il valait mieux ne pas en rajouter une couche.
Et les forces de l'ordre se demandent encore pourquoi leur métier est de plus en plus difficile, pourquoi de moins en moins de personnes apprécient la police nationale.
La police nationale, c'est avant tout un service aux concitoyens. La répression est naturelle, il en faut, mais il faut qu'elle soit intelligente et non destinée essentiellement à satisfaire les statistiques.