« Le concret ? C'est du vent ! | Niches fiscales » |
Le 13 octobre 2010, 8h40, François Baroin au micro de la matinale de France Inter. C'est juste pour fixer le tableau. La discussion après la revue de presse dérive sur l'économie française. Et elle dérive !…
Et le ministre de parler de sa belle voix de baryton. À force de s'écouter parler, bercé par le mouvement, ne voilà pas qu'il laisse échapper :
Personne n'a vu venir la crise.
C'est du Baroin pur jus. Il parlait là de la fameuse crise financière de 2008 que personne n'aurait vu venir. Il faudrait voir à nous le changer parce qu'il est sacrément myope le ministre ! Tous les économistes sérieux l'ont vu venir depuis quinze ans et ont tiré très longtemps les sonnettes d'alarme en pure perte. Et je n'arrive pas à imaginer qu'à Bercy, personne n'ait été au courant. Que personne n'aient cru ces économistes, peut-être, mais de là à dire que les hauts fonctionnaires du ministère de l'économie et des finances n'étaient pas au courant, il y a un pas que je ne franchirais pas. Et s'ils nétaient pas au courant, il serait vraiment temps d'en changer.
Mais c'est comme tout, on n'écoute jamais les gens qui annoncent des cataclysmes ou qui osent simplement dire qu'il faudrait peut-être arrêter de faire n'importe quoi ou penser à un autre paradigme. Résultat des courses, un marasme économique qui fera passer dans les livres d'histoires la grande dépression de 1929 pour une aimable promenade de santé.
Oui, parce qu'aujourd'hui, la crise n'est encore que financière. Elle commence à être économique parce que des palanquées d'entreprises sont en train de mettre la clef sous la porte faute de financement. Elle risque fort de devenir sociale lorsque le taux de chômage explosera et il ne pourra qu'exploser. Il suffit de se promener dans les rues de Paris pour voir que quelque chose n'est pas normal. Des dizaines de boutiques sont vides, inoccupées. Des centaines de bureaux sont mis en location et ne trouvent preneurs.
Et personne non plus ne voit venir cette crise sociale. Il n'est pourtant pas nécessaire d'être devin pour voire pointer le bout de son nez. Depuis trente ans, les entreprises françaises souffrent de défauts d'investissement car le secteur bancaire le leur interdit. Ce sous-financement ne date pas de 2008, il date du début des années 1980. Les dévaluations compétitives du franc ne doivent pas être étrangères à cela. La conséquence immédiate est que ces entreprises ne peuvent que perdre du terrain face à leurs concurrentes étrangères. En 2008, les entreprises françaises qui étaient déjà au bord de l'asphyxie financière se voient refuser le peu de capacité de financement restant de la part de leurs banques qui ont fait durant les deux dernières décennies toutes les bêtises du monde. La chute est proche.
Et ces banques, l'état français les a sauvées. C'est pourtant la pire des choses à faire puisque le sauvetage de ces banques va nous coûter beaucoup plus cher que les seules pertes bancaires. Pourquoi me direz-vous ? C'est assez simple. Le fait d'avoir sauvé grâce à l'argent public les banques françaises a une conséquence immédiate : elles se sentent fortent et savent que si elles font encore d'autres placement hasardeux, l'état sera encore là pour les renflouer. Et au dire de salariés d'une grande banque française, les transactions qui passent actuellement sont bien pires que celles qui nous ont déjà envoyé dans le mur en 2008.
Par ailleurs, l'injection d'argent public dans les comptes de ces banques a creusé le déficit des états. Et, allant jusqu'à mordre la main qui les soignent, ces mêmes banques sont les mêmes qui se sont mises à spéculer sur les dettes souveraines des états en disant aux états européens les plus endettés qu'il faudrait peut-être voir à ne pas continuer comme ça !
Et là encore, il se trouvera des ministres pour dire qu'on n'avait pas vu venir la crise. Foutu destin !