« La France et les mathématiquesLe retour de Luther »

Éducation 2012

25.11.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Mauvais esprit, Vieux con, Haines ordinaires

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il existe dans les partis politiques français des gens qui pensent. Quand on voit le résultat, on se demande avec raison que ce cela aurait donné s'ils n'avaient pas pensé. Les gens de gauche en ont, ceux de droite aussi, et ils ne sont d'accord sur rien.

À l'UMP, il y a un nid de penseurs dont certains n'ont rien à envier à ceux du parti socialiste et dans ce nid, une certaine Camille Bedin, encore étudiante. Je ne vais pas vous faire sa biographie que vous trouverez ici. Personnellement, je trouve que pour parler d'éducation avec autant d'aplomb et d'autorité, c'est un peu maigre. Voici un résumé de ce qui s'est dit aux tables rondes de l'UMP concernant l'éducation.

« Interdire le redoublement en CP », « rendre la maternelle obligatoire dès trois ans », « en finir avec la dictature des notes », « mettre en place une charte éducative signée par l'enseignant, les parents et l'élève » : telles sont quelques-unes des propositions que Camille Bedin, secrétaire nationale UMP à l'égalité des chances depuis juin 2010 soumet à son parti, dans l'optique de la préparation du programme électoral de 2012.
Vous pouvez lire ses « notes mensuelles » sur son blog « Du sens à l'action » : www.dusensalaction.fr.
Ses propositions « sont soumises à l'UMP et certaines font débat », explique Camille Bedin. « On se retrouve par exemple sur la nécessité d'ouvrir l'école aux parents », une proposition qui « devrait d'ailleurs être évoquée lors de la convention mercredi 3 novembre », affirme la secrétaire nationale. « Mais l'interdiction du redoublement en CP fait plus débat », explique-t-elle. « Je suis contre le redoublement en général. Le fait de vouloir l'interdire en CP est symbolique, car je considère qu'un enfant de six ans n'est pas responsable de son échec. Ce n'est pas de sa faute, le problème vient soit de l'accompagnement des parents, soit de la pédagogie », avance-t-elle.
Selon Camille Bedin, la réforme doit « commencer dès le plus jeune âge ». Elle propose alors de rendre la maternelle obligatoire à trois ans et de « privilégier les jardins d'éveil » ainsi qu'une « meilleure adaptation des modes de gardes ». « Je suis parvenue à ces conclusions après avoir consulté une vingtaine de parlementaires, parmi lesquels Frédéric Reiss, auteur de l'excellent rapport sur l'autonomie des établissements (AEF n°138102) et Jacques Grosperrin (AEF n°130130), mais aussi Monique Sassier, médiateur de l'Éducation nationale, Laurent Bigorgne, directeur adjoint de l'Institut Montaigne, Pierre Maurel, secrétaire général du HCE et Hervé Masurel, secrétaire général du CIV », fait-elle valoir.
« ASSOCIER ET RESPONSABILISER »
« Je crois qu'il faut associer et responsabiliser, et dans les mois à venir il faut que nous menions une réflexion sur la responsabilisation des acteurs, ce que l'on appelle aussi 'l'empowerment' et qui est au cœur des systèmes éducatifs au Canada et aux États-Unis », explique-t-elle. La secrétaire nationale à l'égalité des chances définit cette notion par « le fait de donner plus de pouvoirs aux citoyens dans les quartiers » et qu'en parallèle avec la plus grande autonomie des établissements scolaires, « ils puissent s'impliquer dans le projet éducatif de l'école, de l'établissement ».
« En leur accordant plus de responsabilité, plus de confiance, les jeunes seront plus respectueux », affirme Camille Bedin. « On propose alors de développer des contrats dans les écoles, destinés aux élèves les plus difficiles. Le professeur a alors la possibilité de contractualiser avec l'élève et ses parents, ils se mettent d'accord sur des objectifs ». Selon elle, « ce type de contrats existe déjà de manière tacite et ça marche. Les élèves sont tellement surpris qu'on leur fasse confiance qu'ils changent d'attitude ».
Il faudrait que dès le CP les élèves soient responsabilisés, qu'ils prévoient ce qu'ils ont envie de faire : par exemple, quel sport ils souhaitent pratiquer durant la semaine. Et qu'à terme, les élèves puissent être associés aux réunions, à la vie de l'établissement ». Elle poursuit : « en classe de sixième, l'éducation civique pourrait être étudiée au-delà du simple cours. Les élèves pourraient ainsi élaborer un projet visant à accueillir les élèves de CM2, leur rendre visite dans leur école et leur expliquer le collège, que les élèves de 5e mettent en place une sorte de tutorat avec les élèves de 6e, etc. »
« OBJECTIF 100 % DE RÉUSSITE »
« Aujourd'hui, le seul objectif des professeurs est de finir son programme, et ce aux dépens de l'élève. Or, l'objectif doit être la maîtrise des fondamentaux à la fin de l'école primaire » Ainsi, selon elle, « la formation des maîtres doit évoluer et s'adapter au besoin de chaque élève ». Au sujet de la masterisation de la formation des enseignants, Camille Bedin souligne : « La volonté de masteriser la formation est une bonne chose. Il fallait la mettre en place et mettre les enseignants sur le terrain ».
Camille Bedin souhaite enfin faire évoluer le système de notation, et « évaluer l'élève en fonction de sa progression », par le biais du livret de compétences. « Aujourd'hui un 12/20 ou un 6/10 ne veut rien dire sur la progression de l'élève », poursuit-elle.
« ASSOCIER ENTREPRISES ET ASSOCIATIONS »
La secrétaire nationale à l'égalité des chances imagine également une école qui « associerait les entreprises et les associations ». « Souvent les parents d'élèves ont des choses à apporter aux élèves, ils ont vécu des expériences particulières, ils pourraient venir parler de leur métier, d'une langue qu'ils savent parler et donner des cours ».
« Aux États-Unis, dès le plus jeune âge, les enfants participent à des concours lancés par de grandes entreprises, afin d'imaginer un nouveau logo, ou un nouveau slogan. On pourrait très bien envisager une entreprise telle que Danone organiser le même type de concours auprès de jeunes de CM2 ou de 6e. Cela permettrait d'encourager l'esprit d'initiative des élèves, leur créativité, mais aussi le travail en équipe ».

Je ne vais relever toutes les horreurs débitées dans ce texte. Juste peut-être le fait que les élèves de 5e doivent être les tuteurs des élèves de 6e parce qu'utiliser des illettrés pour servir de tuteurs à d'autres illettrés ne me semble pas l'idée la plus géniale qui soit.

Par ailleurs, être contre le redoublement et les notes est une vaste démagogie. Un élève a ou n'a pas le niveau pour passer au cours supérieur. S'il ne l'a pas, il est inutile pour lui et malsain pour les autres de ne pas le faire redoubler. En effet, soit son enseignant s'occupera de lui au détriment de tous les autres, soit il laissera tomber cet élève. L'échec scolaire, au moins dans les petites classes, n'est pas dû à un facteur unique mais à une conjonction entre des méthodes d'apprentissage absolument idiotes de lecture et une absence de redoublement quasi généralisée. Au milieu de la mêlée, il y a l'enseignant qui est obligé de faire avec les méthodes actuelles et soumis à son inspecteur qui est noté en fonction du nombre de redoublements dans son secteur. On croit rêver !

Et la brave dame de fustiger les notes à l'école parce que l'école serait historiquement tournée vers la sélection. Je dois être un peu bête, il me semblait jusqu'à présent que l'école était tournée vers l'éducation, les notes n'étant là que pour savoir si un élève est capable de suivre ou non dans le cours supérieur. Les notes ne sont qu'un outil et les supprimer ne fera que les remplacer par un autre moyen d'évaluation. Les tenants de la suppression des notes signalent que la notation est un système élitiste, mais jamais que les notes permettent d'identifier objectivement les points forts et les points faibles d'un élève. Non, la note a été inventée par un professeur aigri dans une cave à seule fin d'embêter les élèves et de les empêcher d'accéder selon leur bon vouloir à un doctorat de mécanique quantique ou de physique nucléaire, chose pourtant bien légitime en démocratie.

En plus, tout le raisonnement de ces rapports se focalisent sur les élèves qui obtiennent des mauvaises notes et qui en seraient traumatisés, jamais sur ceux qui seraient stimulés par le fait d'avoir des bonnes notes et d'en être fier. À lire l'appel pour la suppression des notes curieusement concomitant aux déclarations de Camille Bedin, j'ai l'impression que l'élève qui reçoit une mauvaise note tombe tout de suite dans la dépression chronique, la drogue ou l'alcoolisme. Autant que je m'en souvienne, quand j'usais mes fonds de culotte sur les bancs de l'école primaire, il y avait déjà des cancres et ceux-ci ne semblaient nullement traumatisés par leurs résultats, bien au contraire.

Donc appelons à la suppression des notes à l'école primaire. Comme ça, les enseignants de collèges se demanderont comment tel ou tel cancre est arrivé jusque là. En fait, non, les enseignants de collèges se le demandent déjà, tout comme ceux de lycées, ceux de classes préparatoires et d'écoles d'ingénieurs dont je fais modestement partie. Supprimer les notes qui n'empêchaient déjà pas le redoublement et les remplacer par quelque chose qui ne serait pas traumatisant pour le pauvre élève — donc par rien parce que c'est sensible un élève, lorsque ça attaque un enseignant, c'est toujours par désespoir — ne me semble pas être une idée géniale sauf à niveler une fois de plus le niveau par le bas. Le système éducatif en avait bien besoin.

La liste des signataires de cet appel que l'on trouve ici est aussi éloquente. On trouve de tout et surtout des gens parfaitement compétents pour avoir un avis : des chercheurs, des hommes politiques qui passaient par là, des directeurs de cabinets d'études, des pédopsychiatres, un principal de collège égaré, mais assez curieusement aucun enseignant en école élémentaire, pourtant les seuls concernés par cette suppression. Pourtant, si les notes étaient aussi nocives et inutiles que cela et sachant qu'elles leur demandent du travail en plus, j'aurais naïvement pensé qu'ils auraient été les premiers à signer des deux mains. Tout cela est finalement assez mystérieux.

 

2 commentaires

Evaluations des utilisateurs
5 étoile:
 
(0)
4 étoile:
 
(0)
3 étoile:
 
(0)
2 étoile:
 
(0)
1 étoile:
 
(1)
1 note
Evaluation moyenne des utilisateurs:
*----(1.0)
Commentaire de: Toxico Nimbus  
Toxico Nimbus
*----

Pour une fois je suis tout sauf d’accord, donc je réagis :
“utiliser des illettrés pour servir de tuteurs à d’autres illettrés” part du principe que tous les élèves de 5ème sont des illettrés, ce qui est faux. D’autre part il n’est pas question ici d’utiliser des élèves de 5ème pour faire le travail de professeurs.

Pour ce qui est de la suppression du redoublement, il est vrai que le redoublement est un mauvais principe - On a jamais vu un redoublement améliorer les perspectives scolaire d’un élève. Mais il est vrai que prôner sa suppression pure et simple sans proposer d’alternative est idiot (La solution visant à créer des filières de “rattrapage en cours d’année” en plus petits groupes utilisée par certains établissement privés me semble bonne, bien que coûteuse).

Quand aux notes, il me semble aussi qu’il est fort malvenu d’associer un unique critère quantitatif pour mesurer la qualité d’un élève. Résumer “maîtrise complètement les opérations de base mais ne sait pas appliquer un raisonnement complexe” à 12/20 en mathématiques me semble inutile et réducteur. Ça n’aide ni l’instituteur, ni le prof de collège qui prendra en charge l’élève.

Quant à la séparation de la population scolaire en cancres et en bons élèves, cela procède du raisonnement limité que tu as l’habitude de dénoncer. Pour avoir été dans l’élite et aussi dans les cancres, je peux t’assurer que ces derniers n’ont pas la fierté qu’ils affichent quand ils sont “premier en partant de la fin".

26.11.10 @ 09:13
Commentaire de: Le Grincheux

Certes, il est juste question d’utiliser des élèves de 5e pour servir de tuteurs aux élèves de 6e. Comme il y a à peu près autant d’élèves de 5e que d’élèves de 6e, et qu’il est inconcevable qu’un élève de 5e “encadre” plus d’un élève de 6e, il y aura dans le tas un certain nombre d’illettrés encadrant d’autres illettrés. Et lorsque je vois le niveau de lecture et de compréhension des textes que je vois actuellement au niveau bac+5, je me dis que ça doit être largement pire en cinquième.

Quant au redoublement, j’aimerais bien qu’on me dise une bonne fois pour toute par quoi le remplacer. Un élève à ou n’a pas le niveau pour passer dans la classe supérieure. Interdire le redoublement pour le faire passer envers et contre tout dans la classe supérieure est la plus grande des démagogies. Lorsque j’étais au CP, soit on savait lire en fin de CP et on passait au CE1, soit on ne le savait pas et on redoublait. Résultat des courses, les élèves savaient lire et je ne suis pas sûr que nous étions plus intelligents que les élèves actuels. Après, on peut appeler ce redoublement comme on veut parce que ce sont malheureusement les mots qui sont importants.

Vous me parlez des notes. Là encore, ce n’est peut-être pas la panacée, c’est juste le moins pire des moyens d’évaluation objective. De toute façon, il faudra remplacer ça par une autre échelle. Je vais juste donner un exemple : j’ai reçu dans les laboratoires pour lesquels je travaillais des étudiants issus de pays dans lesquels le système de notation n’était pas utilisé. Je me suis donc retrouvé avec des doctorants dont certains n’avaient même pas le niveau d’un bachelier français (c’est dire) et j’ai un souvenir ému d’un thésard qui a fini par soutenir une thèse avec un jury local et sans mention parce que personne n’avait réussi à lui faire comprendre qu’il n’avait rien à faire en thèse. On peut dire ce qu’on veut, mais le système éducatif doit être à partir d’un certain niveau sélectif pour ne pas que le niveau se casse la figure. Je sais, tous les hommes naissent libres et égaux en droits, mais pas en capacités intellectuelles, et il est illusoire de prétendre que tout le monde peut décrocher un doctorat de mathématiques. Et le seul moyen de créer un système sélectif le moins subjectif est de passer par un système de notation quel qu’il soit.

J’aimerais aussi que vous notiez que lorsque je sépare les élèves entre les bons élèves et la cancres, je parle de cancres qui sont généralement des élèves avec des capacités mais qui ne veulent rien faire et en sont fiers. Une chose m’a toujours étonné. Au fin fond de la brousse africaine, l’immense majorité des élèves de l’école primaire sait lire et écrire. Ces enfants sont aussi intelligents que les nôtres. Il n’y a donc aucune raison valable pour qu’il y ait de l’échec scolaire en France avant le brevet des collèges. Les élèves peuvent être plus ou moins bons, mais pas en état d’échec scolaire sauf à vouloir le faire exprès. Je mets naturellement de côté les élèves qui ont un handicap et qui doivent être traités à part.

26.11.10 @ 09:44


Formulaire en cours de chargement...