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Si vous travaillez peu ou prou dans le domaine de l'informatique sérieuse, cela n'a pas pu vous échapper, Sun Microsystems a été racheté il y a quelques mois par Oracle. Digital a été rachetée par Compaq, elle-même phagocytée par Hewlett-Packard pour le meilleur et pour le pire, surtout pour le pire ! Pour moi qui suis et qui ai été un grand consommateur de produits Sun et Digital depuis une bonne quinzaine d'années, je dois me faire à l'idée de ne plus pouvoir acheter de matériel fiable.
Cela me désole. À l'heure où l'on parle de consommation raisonnée, de chasse au gaspillage, je n'arrive pas à comprendre que les machines actuelles soient faites pour tomber en panne. Sous mon bureau, j'ai une SparcStation 2 du millésime 1991 avec ses deux disques SCSI-II d'origine et qui fonctionne comme au premier jour. Seule la NVRAM qui embarque une pile intégrée est à changer. Juste au dessus se trouve une SparcStation 20, un peu plus récente, avec deux disques SCSI-SCA de 300 Go et quatre processeurs HyperSPARC. Aucun problème en quinze ans de bons et loyaux services, même pas une barrette mémoire défectueuse. De l'autre côté de la pièce trône un AlphaServer 800 qui ronronne avec un OpenVMS des familles sans jamais ne broncher. Ces machines sont d'une robustesse à toute épreuve.
La qualité a baissé avec l'introduction des machines Sun à bus PCI. Je dois vous dire que je suis l'heureux propriétaire d'une Ultra60. Les alimentations des Ultra60 sont pires que la pire des alimentations de PC bas de gamme tombée du camion et vendue rue Montgallet. Je ne compte plus le nombre d'alimentations que j'ai déjà offert à cette machine, la dernière venant de mourir ce soir. À leurs décharges, elles ont le bon goût de mourir en se mettant en sécurité, c'est déjà ça de gagné.
Les Blade 2000 ne sont pas meilleures. Si je n'ai pas encore eu de problèmes d'alimentation avec ces machines, les valeurs de températures remontées par les capteurs sur les processeurs sont folkloriques et j'ai dû désactiver les capteurs et forcer la ventilation au maximum. Machine propre, processeurs au repos (28 MHz), les capteurs de températures pouvaient renvoyer au système une valeur supérieure à 85 °C forçant l'arrêt immédiat du serveur.
Quant aux nouvelles machines à processeurs UltraSPARC T1 et T2 — je n'ai pas encore songé à investir dans les T3 ou les UltraSPARC VII vu la nouvelle politique de prix d'Oracle —, on serait en droit d'attendre quelque chose de plus fiable. Si en terme de puissance de calcul et de montée en charge ses machines se défendent, elles sont livrées avec des disques SATA. Pour des serveurs, c'est déjà un peu bizarre. Mais ce qui l'est encore plus, c'est la durée de vie de ces disques. J'ai acheté quatre machines, avec quatre disques SATA immédiatement remplacées par des SAS — j'aurais préféré du vrai SCSI, c'est tout de même largement mieux —, et j'ai installé ces machines dans une salle climatisée sur des onduleurs line interactive. La durée de vie de ces disques SATA estampillés Sun était en moyenne de vingt-quatre heure dans un PC standard et correctement ventilé. Avec quatre disques, je n'ai jamais réussi à aller au bout de l'installation et de la configuration d'eComStation 2.0, tous ayant lâché avant la fin de la configuration !
Pourquoi est-il impossible de fabriquer aujourd'hui du matériel aussi fiable que celui qui était vendu il y a quinze ans ? Vous allez me dire que pour vendre, il faut que ça tombe en panne et que c'est le seul moyen pour une entreprise de faire un certain chiffre d'affaire. C'est parfaitement faux, parce que rapporté à l'heure effective de disponibilité, le matériel moderne n'est pas moins cher que le matériel ancien. Seul le prix d'achat à baissé, en aucun cas le prix à l'heure d'utilisation.
Aujourd'hui, il faut acheter du matériel et ajouter une garantie sur site avec une garantie de temps de rétablissement de quatre heures pour une durée de trois ou cinq ans, ce qui en double le prix. Chose amusante, les garanties de cinq ans ont disparu progressivement et lorsqu'un fabricant la propose encore, son prix est prohibitif.
Et l'on instaure une taxe pour le recyclage en faisant croire aux acheteurs que les quelques euros si tant qu'on y arrive sur chaque ordinateur vendu en permettra le recyclage. La seule façon de faire est d'une part de consigner le matériel informatique pour qu'il puisse être recyclé et d'autre part de le taxer pour compenser le coût réel de ce recyclage. Le coût du recyclage étant entièrement payé par l'utilisateur, ce dernier se tournera rapidement vers le matériel le plus fiable. D'une pierre, on fera deux coups puisque d'une part le matériel sera recyclé et que d'autre part il sera remplacé moins souvent.
Rassurez-moi. C'est bien ce qu'on appelle le développement durable, non ? Alors qu'attendons-nous ?
Fais attention avec le terme “escroquerie” : on a vu des procédures en diffamation pour bien moins que ça… Je ne te la souhaite pas, évidemment.
Sinon, je ne suis pas vraiment concerné mais juste curieux, que reste-t-il comme alternative pour acheter du matériel sérieux ?
Merci pour la relecture, il est vrai que j’avais écrit ce papier après une rude journée à me battre avec Solaris (et le support du système chez Oracle) et les alimentations Sun Microsystems… Une véritable joie !
Comme alternative, je ne vois plus qu’IBM, voire HP avec les Integrity sous OpenVMS, mais HP risque fort de sombrer en raison de sa politique aberrante. Il y a peut-être des choses intéressantes chez Bull. À creuser.
Sinon, il faut faire avec du x86 qui ne tient pas les montées en charge.
Et si le coût du recyclage était entièrement supporté par les constructeurs, cela ne les pousserait-il pas à construire du matériel [plus] fiable ?
Par ailleurs, j’ai connu de nombreuses pannes de disques SAS sur matériel HAL, sans parler d’un temps de boot incroyablement long et d’une ventilation aussi bruyante qu’un réacteur d’avion.