« Trente-trois petits tours et puis s'en va | Quatre contes de Noël » |
Il y a quelques années, un préfet d'une région de l'est de la France a trouvé le moyen d'exprimer à la télévision — à l'époque FR3 lors d'un décrochage régional — son admiration. D'après lui, le fait que les jeunes des quartiers dits sensibles brûlent les voitures de leurs voisins étaient une preuve d'intégration puisque les feux de Bengale dans la nuit de la Saint Sylvestre était une tradition germanique. Si le gouvernement de l'époque avait eu quelque courage, il aurait immédiatement limogé ou hazebroucké ledit préfet. On limoge un militaire, on hazebroucke un juge, je ne sais pas quel est le terme idoine pour un membre de la préfectorale mais l'idée est là.
Cette année, nous n'avons pas de statistiques car les statistiques des voitures brûlées, plus que les pyromanes comme tout le monde le sait, sont responsables des incendies. Je veux bien admettre que le fait de ne pas avoir de statistiques permette d'éviter une émulation malsaine entre un quartier de Strasbourg et un autre de Marseille, mais cette absence de statistiques n'évitera pas deux quartier adjacent de Seine-Saint-Denis de se livrer à leur compétition favorite.
Pourtant, au vu des premières observations par les maires des communes traditionnellement touchées, il y a eu cette année au moins autant de véhicules brûlés que l'année dernière. Certaines en comptent même plus. Comme il est impossible d'avoir des chiffres officiels ne serait-ce que pour avoir une tendance, toutes les hypothèses sont permises. Et ces hypothèses sont faites tant par les manifestants que par la police, pardon, autant par les pyromanes que par les édiles.
Je suis convaincu que ne pas avoir de chiffres permet d'éviter une certaine émulation sur le moment. Mais refuser d'en donner risque d'ajouter de l'huile sur le feu si j'ose dire. Ce n'est pas en évitant de donner des chiffres que les problèmes disparaîtront et que les pyromanes d'un soir se transformeront en agneaux. Ils risquent fort pour se faire remarquer et être sûrs d'être meilleurs que l'équipe adverse d'en brûler deux fois plus la prochaine fois.
Et qu'on ne me dise pas que c'est par désœuvrement ou parce qu'ils n'ont pas d'avenir qu'ils se rebellent contre la société et mettent le feu aux voitures de leurs voisins qui ne sont pas franchement mieux lotis qu'eux. J'ai encore entendu récemment une espèce de primate à bonnet et capuche rabattue tenir à un journaliste ce genre de raisonnement. Ce pauvre petit, quinze ans aux cerises et visiblement totalement déscolarisé, était malheureux parce qu'il vivait dans un quartier délabré, à dix minutes de RER des Halles, sans commerce ni animation… Mais mon pauvre petit, des animations, il y en avait. Des commerces, il y en avait aussi. Mais à force d'être braqués, ils ont fini par se fatiguer. Quant à ton quartier, je le connais, et s'il est délabré, c'est uniquement du fait de ses habitants. Par ailleurs, n'oublie jamais avant de te plaindre que beaucoup de banlieusards seraient enchantés d'habiter à dix minutes du centre de Paris ! Je ne te plaindrai donc pas puisque tu es seul, avec tes semblables, à être responsable de la qualité de vie dans ton quartier et de sa dégradation. La société que tu rejettes sans vraiment savoir pourquoi — sauf peut-être que ça pose un homme dans ton immeuble ou ta cage d'escalier — n'est en rien responsable de ta situation. Non, les vrais responsables, ce sont tes parents qui devraient t'envoyer à l'école de gré ou de force.
Pourtant, ce sont des types comme toi qui vont manifester pour obtenir une discrimation positive. Cette discrimination est la pire des choses qui pourrait arriver aux habitants de ces quartier. Aujourd'hui, lorsqu'on voit un jeune diplômé issu de ces quartiers, même s'il a un peu plus de mal à trouver un emploi, il a dans les mains un diplôme qui vaut la même chose que celui d'un autre diplômé. Si demain, on instaure cette discrimation positive, il y aura deux classes de diplômés, ceux qui ont été diplômés par la voie normale et ceux qui sont issus des quartiers dits difficiles. Il ne sera plus possible d'être à la fois bon et issu de ces quartiers. Et tu viendras encore te plaindre.
J'ai eu des étudiants brillants issus de quartiers difficiles, des étudiants issus de familles immigrées modestes mais qui voulaient arriver à quelque chose. Ce n'est pas parce qu'on est né dans un quartier difficile qu'on n'a aucun avenir. En revanche, cela donne un excellent alibi à sa médiocrité. Si tu allais à l'école, tu pourrais peut-être avoir un avenir différent de tes congénères, mais à ton écoute, tu es très loin de pouvoir avoir ce genre de raisonnement. Te plaindre, tu sais faire. Mais essayer de te prendre par la main pour arriver à quelque chose te passe largement au dessus du crâne. Reste donc dans ta médiocrité, mais ne viens pas te plaindre. Et ne va pas brûler non plus les voitures devant ton immeuble. J'espère qu'on te fera un jour payer les dégats de tous ces incendies, ce qui inclut aussi la voiture de ton voisin de palier sans laquelle il ne pourra aller travailler.
Sans aller jusqu’à dire que, puisque l’anti-racisme est un refus de discrimination, la discrimination positive est du racisme, l’expression « discrimination positive » est pourtant auto-contradictoire : comment une discrimination pourrait-elle être positive ? Sans doute un terme pondu par un brillant publicitaire qui émarge aux frais de l’état.
Ne pas communiquer les chiffres de la délinquance est effectivement, d’une part une façon de cacher l’échec d’un état dit de droit, et d’autre part une censure due à la pression des pyromanes eux-mêmes : une perçée supplémentaire à comparer aux « prières » bloquant les lieux publics de la capitale d’un pays qui a pourtant séparé la religion et l’état. Et on sait bien ce que signifie la diminution de la circulation des informations dans un système …
Il semble que le mot d’ordre soit de ne pas faire de vagues tant la situation est explosive. Une petite démonstration de force de temps en temps devant les objectifs des caméras, cela n’arrange rien pour des habitants qui sont pris en otage dans leur propre quartier… qu’ils finiront par quitter.
Je me souviens d’une époque (pas si lointaine) où une jeune femme pouvait se promener avec son landau dans un paisible jardin public justement fait pour ça : aujourd’hui ce n’est plus possible à cause des bandes qui les ont érigées en terrain conquis. Pourquoi brûler la voiture du voisin qui, s’il habite là, est probablement un ouvrier tout aussi « défavorisé », et dont le prix de l’assurance auto va grimper en flèche ? Pourquoi prétendre vivre dans un ghetto alors que les voisins qui y vivaient ont fini par quitter un lieu qu’ils ont toujours habité, poussés par ceux-là même qui se plaignent d’être parqués en un lieu dont ils ont eux-même éradiqué tout mixage racial ? Comment oser se plaindre d’être isolé en banlieue alors qu’on brûle les bus, qu’on braque les médecins de nuit, qu’on ne va plus à l’école que pour harasser les enseignants, qu’on tabasse les passagers des RER et des trains, et qu’on tire au fusil sur les pompiers venus éteindre les incendies ?
J’ai le plus grand mal à croire que des gamins de banlieue se soient procurés des Kalachnikov au marché du coin : il est bien plus probable qu’il s’agisse d’une sorte d’aide humanitaire inversée, organisée et soutenue de l’extérieur; une préparation en vue d’une action bien plus grave encore. J’espère avoir tort.