« Annecy a bu le bouillonMon dealer a pris sa retraite »

Perroquet

05.07.11 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur

Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de traiter avec des douaniers. Personnellement, j'ai eu cette chance à de nombreuses reprises et j'ai pu cotoyer de trop près la désuète organisation des douanes de certains pays, France comprise. L'anecdote qui va suivre est heureusement couverte par la prescription puisqu'elle s'est déroulée il y a largement plus de quinze ans à l'aéroport international d'Ivato, plus connu sous le nom d'aéroport d'Antananarivo, à Madagascar.

Travaillant sur les hauts plateaux de l'île rouge, au fin fond de la brousse et en contact étroit avec la population, j'ai reçu un certain nombre de cadeaux de remerciement, sans grande valeur autre que sentimentale. J'ai trouvé quelques autres produits que je souhaitais emporter avec moi. Problème, beaucoup d'entre eux, comme certains produits artisanaux, étaient interdit à l'exportation malgré leurs valeurs ridicules sauf s'ils étaient achetés dans des magasins spécialisés dits usines à touristes comme le marché artisanal de Tananarive. Je me voyais pourtant mal refuser des cadeaux de gens qui mangeaient à peine à leur faim ou les accepter puis m'en défaire avant de passer la douane. Ce n'était pas très moral.

Je devais donc passer la douane en évitant la casse pour des broutilles sachant qu'à l'époque, les bagages étaient systématiquement fouillés.

Sur le marché artisanal, j'ai trouvé une malle en osier de la dimension d'une malle-cabine. J'y ai mis tous mes effets qui prenaient du volume sans être trop lourds, donc toutes mes affaires sales. Je ne sais pas si vous avez déjà vécu au fond de la brousse. La poussière s'insinue partout et une chemise propre, dans une valise, ressort après une journée de transport dans un état de saleté tout à fait remarquable. Je n'ai donc pas eu besoin de forcer le trait. Chaussettes sales sur le dessus, de la malle en question émanait un fumet oscillant entre le Chanel N°5 et la chaussette de trois jours. À moins qu'il ne se fut agi de la même odeur que celle entourant une liasse de billets de 25000 francs malgaches…

Dans mon autre sac, j'ai installé ce qui était un peu plus lourd, mais sans l'être trop et j'ai meublé avec ce qui restait de ma trousse à pharmacie. Je voyage toujours dans ces pays avec une pharmacie complète — médicaments, seringues, aiguilles passe-partout, bref, avec tout ce qui est utile et qu'on ne trouve pas dans les hôpitaux du coin —, pharmacie que je laisse généralement et en grande partie à un médecin quelconque ou une organisation qui saura l'utiliser.

Mais ce n'était pas suffisant. J'avais encore à caser deux ou trois choses lourdes, mais alors très lourdes, comme un plateau de solitaire en marbre, deux ou trois pierres originales, un obectif de 500 mm reflex acheté chez un photographe de l'avenue de l'indépendance et deux ou trois autres babioles dont des pierres d'Antsirabe.

J'ai donc fait faire chez un tailleurs de la capitale une veste de reporter, le modèle solide avec des poches partout dont une grande dans le dos. J'ai mis tout ce que j'ai pu dans cette veste, dont le plateau de solitaire. Moi qui fait dans les 65 kg tout mouillé, je devais à ce moment-là en faire le double ! Et je me suis muni d'un perroquet avec son perchoir. Le modèle jaune et bleu amateur de cacahuètes et interdit à l'exportation. Ostensiblement, j'ai essayé de passer la douane avec ce perroquet, jouant le naïf.

Le douanier m'a immédiatement confisqué le perroquet, chose que j'attendais, a pris du temps pour remplir tous les formulaires idoines dont la contravention d'un montant ridicule que je lui ai naturellement réglée rubis sur l'ongle (si j'ose dire). Il a bien essayé aussi d'ouvrir ma malle, mais il n'a pas eu le courage d'explorer plus avant à l'odeur qui s'en dégageait.

Avec le recul, j'ai un peu honte de l'artifice, mais je ne vois toujours pas comment j'aurais pu faire autrement sans trahir les gens qui, malgré leur pauvreté, m'avaient accueilli au fin fond de la brousse.

 

1 commentaire

Commentaire de: Artémise
Artémise

Cette histoire de perroquet a manqué de me faire recracher mon café sur mon ordinateur tellement j’ai ri. Merci :)

07.07.11 @ 18:45


Formulaire en cours de chargement...