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Il y a quelques années encore, après un purgatoire plus que mérité, l'inénarrable Mouammar Kadhafi semblait devoir remplacer le chien en tant que meilleur ami de l'homme. Accueilli à bras ouverts avec tapis rouge à Paris, il a fait planter par ses amazones dans la cour de l'hôtel de Marigny sa tente bédouine et bloquer plusieurs jours la capitale dès que lui prenait l'envie d'aller faire ses courses sur les grands boulevards. Sans doute une marque de respect pour ses hôtes.
Les plus anciens d'entre vous se souviendront certainement des images pathétiques de ce 14 avril 1986 où l'on a pu voir, sur ce qui s'appelait encore Antenne 2, un président Kadhafi pleurer sur les ruines de l'un de ses palais, palais rasé par un raid de l'aviation américaine en représaille d'actions terroristes. Ceux-là se souviendront aussi de l'interdiction de survol du territoire français adressée par François Mitterrand à Ronald Reagan alors président des États-unis. Si ce jour-là, François Mitterrand avait pu, pour une fois, prendre la mesure des événements, nous n'en serions certainement pas là aujourd'hui.
Heureusement, il nous reste Alain Juppé. On aime ou on n'aime pas le personnage, mais il nous a fait oublier en moins de quinze jours la période insignifiante Bernard Kouchner et l'épisode pathétique Michèle Alliot-Marie. Il faut au moins lui reconnaître cela. Sans lui, le grand machin — j'ai des élans gaulliens ce matin — aurait pu se transformer en vulgaire SDN une fois de plus. C'était sans compter sur sa pugnacité qui a réussi à arracher une résolution, par dix voix pour et cinq abstentions, permettant d'intervenir a minima en Libye et d'entraver la marche de ce dictateur mégalomane, sanginaire et sensiblement perturbé.
Il est pourtant honteux d'avoir mis tant de temps à obtenir un tel accord. Il n'est pas question d'ingérence dans un pays souverain mais de protection d'une population qui n'a rien demandé à personne. Il n'est pas question d'imposer un régime politique ou un autre, les libyens ayant commencé à s'organiser par eux-mêmes et sans attendre l'hypothétique aide occidentale. Il est juste question d'empêcher une armée de mercenaires, grassement payés par le régime et qui ne sont pour la plupart pas lybiens, de décimer une population en allant chercher les terroristes jusque dans leurs placards pour reprendre les mots du guide, sans doute inspiré par Vladimir Poutine, un autre grand démocrate.
Par ailleurs, si cette armée de mercenaires est certes bien équipée, elle n'a aucun entraînement digne de ce nom et n'avance qu'en écrasant l'opposition sous les bombes. Elle ne résisterait pas à une offensive internationale rondement menée. Il faut donc se demander pourquoi les grandes puissances n'ont pas daigné envoyer une force armée pour chasser d'une manière ou d'une autre le guide du pays, quittant ce pays après cette mision de courte durée. Tout le monde en sortirait gagnant. Les grandes puissances se referaient une virginité à peu de frais dans le monde arabe et cette opération serait courte puisque contrairement à l'Iraq ou à l'Afghanistan, la polulation a initié le mouvement, est éduquée et attend désespérément notre aide.
La question est donc de savoir quels sont les accords plus ou moins tacites entre le dictateur libyen et nos gouvernements, quelles sont les pressions que ce personnage peut encore exercer ou plus simplement quelles sont les cartes qu'il a encore en main pour assurer son avenir.