« Voisinage | Détresse humaine » |
Les dentistes en particulier et les médecins en général doivent faire vivre une bonne partie de la presse dite féminine. L'autre jour, j'étais en train d'attendre dans l'antichambre de mon arracheur de dent préféré — je dis préféré parce qu'il pourrait me lire et que, devant une roulette, j'avoue tout y compris l'âge du capitaine — et je suis tombé, entre les publicité d'un Figaro Madame — il fallait vraiment ne pas avoir de chance ou être très persévérant —, sur un article évoquant le fleuron des collections Hachette pour enfants qu'est la bibliothèque rose. Dans un avenir proche, gageons que, malheureusement, la bibliothèque verte sera elle aussi concernée.
J'ai donc appris dans cet article que, dans le but de « faciliter la compréhension » des enfants (sic !), un travail de réécriture des ouvrages d'Enid Blyton et autres auteurs fétiches dont Georges Chaulet — le père de Fantomette — avait été entrepris. Le passé simple est purement et simplement supprimé : on le remplace par le passé composé. Les mots trop compliqués sont exclus. Là, je me demande à partir de quand un mot peut-il devenir « compliqué ». Ce n'est pas précisé et je mets des guillemets avec des pincettes parce que le concept du mot compliqué me semble légèrement fumeux, surtout pour des enfants en plein apprentissage de la langue. Enfin, le caractère des enfants est « actualisé », un peu comme une garde-robe à chaque nouvelle saison. Tous ces auteurs doivent être de dangereux réactionnaires qui ne sont là que dans le seul but de pervertir notre belle jeunesse.
Il me semble pourtant que nos enfants ne sont pas plus bêtes que nous l'étions à leurs âges. Quoique, lorsque je regarde le niveau moyen de l'élève sortant de troisième il y a trente ans à celui qui en sort actuellement, je suis en droit de me poser des questions. En tout cas, j'ai de sérieux doutes. Et je ne parle même pas de la différence entre l'ancien certificat d'études et l'actuel brevet des collèges, ni de l'orthographe et la grammaire crasses de ces élèves.
Pour parler pédagol, nous sommes dans une situation où les apprenants qui doivent apprendre par eux-mêmes parce qu'un enseignant ne sert qu'à enseigner et pas à apprendre ne peuvent apprendre par eux-mêmes vu que les référentiels linguistiques sont nivelés par le bas. Je ne sais pas bien si vous me suivez et je ne me sens moi-même pas très bien, je crois que je vais faire une crise de meirieunite aiguë, arrêtez-moi, je vais vomir !
Il y a de quoi s'indigner du double jeu effarant mené par les éditions Hachette et du silence du ministère de l'éducation nationale. D'un côté, nous avons une école sournoisement élitiste, quoi qu'on puisse en penser, et de l'autre, nous observons sans rien dire un nivellement par le bas, tout aussi sournois, qui ne peut que limiter les enfants dans leur vocabulaire et leurs connaissances de la langue et de l'expression, et qui est présenté comme une attention particulière à leur égard. Pincez-moi, je crois que je rêve !
Toutes affaires cessantes, continuez à traquer tous ces ouvrages chez les bouquinistes, dans les vieilles éditions de jadis qui ont fait notre bonheur. L'authentique bibliothèque rose risque de devenir une madeleine un peu comme les éditions violettes des classiques Larousse. Ceux qui n'ont pas eu un grand-père directeur d'école laïque et obligatoire ne peuvent pas comprendre…
Ô comme je te comprends, moi qui lis tous les soirs des livres de ladite bibliothèque à ma fille - à six ans, elle ne lit pas encore toute seule. Force est de constater que ces récits contienne beaucoup de mots compliqués et de tournures surannées. Or l’enfant actuel étant, comme le petit chien, autrefois mignon mais devenu maintenant trop encombrant, il ne s’agirait pas qu’il doive demander à un parent le sens d’un mot ou d’une expression (Si tant est que ledit parent soit déjà en mesure de le comprendre).
En attendant, j’achète massivement tous ces écrits chez les bouquinistes (ami Bourguignon, rends-toi à Cuisery, village du livre) dans leur version cartonnée, et ai même eu l’occasion d’en trouver quelque uns de la comtesse de Ségur dans une édition fort ancienne, à l’époque où la bibliothèque rose n’était pas encore rose.
Un “mot compliqué” est un mot ayant plus de deux syllabes (parfois moins).
Le ministère de l’éducation nationale n’est pas silencieux mais complice, voire le demandeur de cette… mise à niveau.
A mon sens tout ceci constitue un cache-misère, en attendant le degré zéro du “nouvo francé” (prophétiquement proposé par Actel en 1989) ou que l’on descende plus bas encore, jusqu’au langage par signes, pour dire “j’ai faim", “j’ai soif” et “au secours !”
On m’a récemment offert (pour d’obscures raisons) un ouvrage de R.Rolland intitulé “Jean-Christophe” (livre de lecture de 6e, Albin Michel, 1932) et suis persuadé que des élèves de 3e de 2011 y trouveraient des colles z’insolubles.
Mais je suis vicieux. J’ai en mains “La pluralité des mondes” de Fontenelle (une édition daté de 1857) et certaines expressions anciennes que j’y lis ne sont pas loin de provoquer chez moi une érection (c’est pourquoi je ne le lis pas en public).
Bien avant 1989, pour l’orthographe originale, il y avait déjà “Le piège diabolique” d’Edgar Pierre Jacobs.
oops … le lecteur aura corrigé de lui-même : “nouvo francé” proposé par le magazine Actuel (et non pas ‘Actel’ et leurs FPGA). Pan sur le bec !
Re-oops… fort à contre-propos : Non pas ‘une édition daté de 1857′ mais ‘une édition datée de 1857′ (j’ouvre quand même un Bordeaux). Désolé !
Au grincheux : “Bien avant 1989, pour l’orthographe originale, il y avait déjà “Le piège diabolique” d’Edgar Pierre Jacobs.”
Je crois que c’était avant E.P Jacobs (?) mais je pensais au livre “1984″ de G.Orwell, dont l’appendice contient une description des principes du NOVLANGUE (hélas je n’ai que l’édition Française).