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Le 15 avril dernier, comme tous les ans, j'ai dû déposer mon bilan à mon centre des impôts. L'an passé a été terrible puisqu'il m'a fallu licencier tous mes salariés, non faut de travail, mais faute de financements et de concours bancaires, et surtout faute de pouvoir recouvrer des impayés, les tribunaux n'ayant pas pour habitude de faire dilligence. Il faut dire qu'il existe un nouveau sport national qui consiste pour des clients à payer des cabinets d'avocats non plus pour gagner mais pour faire traîner au maximum les procédures de recouvrement en se faisant de la trésorerie sur le dos des fournisseurs. Et si le fournisseur met la clef sous la porte entre temps, c'est tout bénéfice. Passons, mais il est triste qu'aucune voix ne s'élève contre ce scandale. En revanche, des voix pour dire que les tribunaux sont engorgés, il s'en trouve treize à la douzaine. Et par quoi sont-ils engorgés ? Réfléchissez un peu ! Plutôt que de combattre la conséquence d'un mal, il vaudrait mieux s'attaquer à la cause profonde.
Donc j'ai été contraint aux licenciements tout en croulant sous le travail, ce qui est tout de même assez remarquable pour être noté. Au vu de la trésorerie de mon entreprise, tendue à souhait, j'avais donc assez peur du résultat de cet année et particulièrement de la case déficit de la liasse fiscale. Le crédit est déjà assez dur lorsqu'une entreprise dégage du bénéfice, je n'ose même pas imaginer ce qu'il en est lorsqu'une entreprise accuse un déficit.
Pourtant, le chiffre indiqué sur la liasse fiscale dépassait les cent soixante mille euros. J'ai bien regardé à deux fois s'il n'y avait pas un signe moins quelque part. Même pas. Cent soixante mille euros parce que nous avons dû intégrer dans le bénéfice une ligne comptable qui porte le doux nom de production immobilisée. Ce n'est donc qu'une ligne comptable, mais cette ligne comptable ouvre une imposition au titre de l'impôt sur les sociétés assez conséquente.
Le paradoxe est donc le suivant. Les bilans des sociétés est artificiellement gonflé pour remonter l'imposition alors même qu'elles sont pour la plupart en difficulté. Le second effet est que les syndicats, prompts à dégaîner surtout lorsqu'il s'agit de dire des bêtises, croient dur comme fer que les poches des patrons de PME sont pleines et qu'il est largement le temps d'augmenter les salaires et de donner des primes. À l'heure où il est crucial de défendre l'emploi qu'il nous reste, il est suicidaire d'augmenter les salaires ou de verser des primes. L'emploi en France est principalement issu de l'activité des PME qui n'ont plus de trésorerie. Augmenter les salaires ou verser des primes reviendra à signer leurs arrêts de mort.
Pour enfoncer le clou, j'ai fait un calcul simple. Vous ai-je déjà dit que j'étais pervers ? J'ai pris les chiffres figurant sur mon bilan et je les ai tournés dans un peu tous les sens pour savoir, lorsque mon entreprise gagnait un euro, combien un salarié touchait réellement, une fois qu'il avait lui-même payé ses impôts sur le revenu ainsi que sa TVA et toutes les autres contributions auxquelles il était soumis, heureux contribuable qu'il est. Bizarrement, je n'ai vu ce calcul nulle part… Comme aucun expert ne s'était encore penché ouvertement sur ce problème, autant que je le fasse moi-même !
À partir de là, je demanderais aux plus fragiles de mes lecteurs de bien vouloir s'asseoir et aux parents d'éloigner les enfants de l'écran. Les informations qui suivent peuvent heurter les plus sensibles des communistes s'il en reste encore.
Donc prenons un euro toutes taxes comprises. On commence par rembourser la TVA, il en reste quatre-vingts centimes. Sur ces quatre-vingts centimes, il faut retirer le lieu de travail du salarié (12 m² au bas mot), le téléphone, ses frais de mission raisonnablement encadrés, les taxes diverses et variées (CSG, CRDS, TP, TA, tous les mois, c'est la fête pour le patron de PME), une partie du salaire de la secrétaire de direction (qui ne facture rien mais s'arrange pour que tout fonctionne), les frais informatiques, le comptable, l'expert-comptable, le commissaire aux comptes, les dépôts au greffe du tribunal, les assurances professionnelles diverses et, cerise sur le gâteaux, l'impôt sur les société, l'URSSAF, le pôle-emploi, les caisses de retraites complémentaires et les caisses de prévoyance cadre dont on se demande à quoi elles servent. Sur ce qui reste, le salarié paie encore des impôts et taxes (TVA, impôt sur le revenu, impôts locaux).
Tous calculs faits et pour une entreprise de cinq salariés, il reste à un salarié non cadre neuf centimes. À un cadre, à peine plus de six centimes. Les trois quarts (à quelques pouillèmes près) de l'euro initial reviennent directement ou indirectement à l'état. Cela revient donc à dire que si l'on décide de mettre le SMIC à 1500 € net, d'augmenter les taxes des entreprises — une deuxième, parce que gageons que ce ne sera pas la dernière, journée de solidarité pointe son nez — ou simplement de décréter qu'il faut donner des primes, l'immense majorité des PME se mettra en cessation des paiements.
Mais c'est toujours pareil. Un salarié, à plus forte raison un syndicaliste, ne regarde que la colonne charges salariales sur sa fiche de paie. Pour qu'il ait ne serait-ce qu'une idée un peu plus exacte de ce qu'il coûte réellement à une entreprise, il serait peut-être bon de régler aux salariés l'équivalent du salaire brut augmenté des charges patronales, charge à lui de les reverser aux différents organismes de collecte. Dans un second temps, on pourrait rajouter à son salaire les différents coûts annexes et lui faire payer son téléphone, la location de son bureau et j'en passe !
Le calcul n’est pas vrai pour tout le monde…
chef d’entreprise aussi, je réalise un CA de 500 000 euros HT dont 190 000 de production et une marge d’a peine 10% sur la vente… (270 000 euros d’achats, 300 000 de vente)
Sur ce chiffre d’affaire je reverse 120 000 de salaire brut aux 5 salariés, le reste étant effectivement les cotisations, charges (loyers, consommables, annonces, prestations et sous traitance, essence etc.) et la rémunération de gérant.
en salaire net, ça fait 20% du chiffre d’affaire TTC, et presque 50% des facturations de prestation TTC (si on veut parler à des gens qui raisonnent “TTC").
mais il est vrai que je ne paie que très peu de charge financière (0,2% de mon CA), et que les salaires sont bas (1500 euros brut) et qu’à ce niveau les cotisations sont très basses.
par contre, votre comptable aurait au moins du compter des lignes de provisions pour charge à venir…
s’il compte de la production immobilisée et qu’il ne compte pas de provisions de charge, il y a un problème !
Je n’ai jamais prétendu que mon cas était une généralité. Encore moins qu’il était représentatif. Par ailleurs, mon calcul est totalement différent du vôtre. D’une part parce que je ne fais que dans la prestation intellectuelle avec des cadres dont le salaire est double de celui que vous citez et parce qu’ils sont au régime local d’Alsace-Lorraine avec une ligne supplémentaire d’URSSAF, et d’autre part parce que je continue mon calcul en décomptant ce que ces salariés paient aussi de leur poche puisque cela retourne aussi à l’état. Mon idée n’est pas de calculer le pourcentage des salaires dans mon chiffre d’affaire, mais de calculer ce qu’il reste à la fin à un salarié une fois que tout a été payé par lui et par moi.
Quant à mon expert-comptable, ne vous inquiétez pas pour lui, il connaît son métier.