« L'obsession de l'andouillette | Colporteurs interdits » |
L'annonce n'a pas fait grand bruit d'autant qu'elle a eu lieu à un moment où la France se préparait à aller en vacances. Je livre à votre sagacité l'extrait du Journal Officiel de la République Française du 28 juin dernier.
JORF n°0148 du 28 juin 2011
Texte n°11
DECISION
Décision du 24 juin 2011 consécutive au débat public sur le projet d’accélération de la mise à 2 × 2 voies de la route Centre Europe Atlantique entre Montmarault et Mâcon―Chalon-sur-Saône par mise en concession autoroutière
NOR: DEVT1117089S
La ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et le secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports,
Vu le code de l’environnement, notamment ses articles L. 121-1 à L. 121-15 et R. 121-1 à R. 121-16 ;
Vu la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, et notamment son article 16 ;
Vu la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ;
Vu la décision du 7 avril 2010 de la Commission nationale du débat public d’organiser un débat public sur le projet d’accélération de la mise à 2 × 2 voies de la route Centre Europe Atlantique par mise en concession autoroutière ;
Vu le bilan dressé par le président de la Commission nationale du débat public ainsi que le compte rendu établi par la présidente de la commission particulière du débat public publiés le 29 mars 2011 ;
Considérant :
― que le projet d’accélération de la mise à 2 × 2 voies de la RCEA entre Montmarault (Allier) et Mâcon―Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) a fait l’objet d’un débat public du 4 novembre 2010 au 4 février 2011 ; que ce débat a permis l’expression d’une grande pluralité de points de vue ;
― que le débat a permis de rappeler que la RCEA assure une fonction majeure d’axe de transit national et international, notamment poids lourds ;
― que le débat a permis de rappeler que la RCEA dessert un territoire hébergeant d’importantes entreprises industrielles ainsi qu’un large tissu de PME ;
― que le débat a fait ressortir un large consensus sur la nécessité de réaliser dans les meilleurs délais, notamment pour des questions de sécurité ainsi que de développement local, l’achèvement de l’aménagement des sections concernées ;
― que le débat a mis en lumière des différences d’usage de la RCEA pour les déplacements locaux dans l’Allier et en Saône-et-Loire ;
― que le débat a fait ressortir une attente forte que l’aménagement de l’infrastructure conserve à la RCEA son rôle de desserte locale et s’accompagne du maintien des échangeurs existants ;
― que le débat a fait apparaître des interrogations sur les conséquences qu’une mise en concession des sections concernées pourrait avoir sur l’utilisation de l’infrastructure pour le trafic local, notamment dans les secteurs où il n’existe pas d’itinéraires de substitution satisfaisants ;
― que le débat a fait ressortir la nécessité de mettre en œuvre des mesures visant à renforcer la sécurité de l’axe sans attendre un aménagement à 2 × 2 voies ;
― que des propositions alternatives de financement ont été évoquées lors du débat sans qu’il soit possible de démontrer que ces propositions permettraient d’assurer à un coût supportable pour la collectivité publique la réalisation et l’exploitation ultérieure du projet attendu dans l’Allier et en Saône-et-Loire ;
― que le débat a mis en évidence que l’aménagement de la RCEA permettra d’améliorer le niveau de protection phonique des riverains de la voie, les dispositifs de protection des eaux et l’intégration environnementale de l’infrastructure,
Décident :
Article 1
Le principe de l’accélération de la mise à 2 × 2 voies de la RCEA dans l’Allier et en Saône-et-Loire sur ses sections Montmarault―Paray-le-Monial, Paray-le-Monial―Ciry-le-Noble et Paray-le-Monial―Mâcon, par mise en concession autoroutière, est retenu. Les études préalables à la déclaration d’utilité publique seront menées en ce sens.
Article 2
Le projet sera conduit de façon à optimiser l’utilisation de l’infrastructure pour les déplacements locaux, dans le respect des règles juridiques et des équilibres financiers requis. Le nombre et la localisation des barrières de péage et des échangeurs ou encore les modalités de tarification avec le recours au péage ouvert et la possibilité d’introduire une franchise kilométrique seront notamment examinés dans cette perspective.
Article 3
Le projet sera conduit en cohérence avec les politiques de développement et d’aménagement du territoire portées par l’Etat et les acteurs locaux concernés.
Il devra intégrer :
― des modalités de préservation ou de protection des milieux naturels et des espèces, et notamment les mesures nécessaires pour éviter, réduire et, le cas échéant, compenser les atteintes aux continuités écologiques ;
― des modalités de préservation et de valorisation des paysages ainsi que d’intégration paysagère du projet ;
― des modalités de préservation ou de protection de l’eau et des milieux aquatiques (qualité des eaux, transparence hydraulique...) ;
― des modalités de limitation des nuisances sonores engendrées par l’aménagement afin de respecter les seuils réglementaires ;
― un bilan des émissions de gaz à effet de serre.
Article 4
La maîtrise d’ouvrage définira en concertation avec les principaux acteurs locaux concernés un programme de mesures à prendre à court terme en attendant la réalisation de l’aménagement, afin de répondre à l’urgence d’amélioration de la sécurité de l’axe. Ce programme devra tenir compte du futur aménagement de l’infrastructure.
Article 5
Un comité de suivi du projet sera mis en place sous l’égide du préfet de la région Auvergne, désigné préfet coordonnateur du projet. Ce comité de suivi associera les services de l’Etat, les représentants des collectivités territoriales concernées, les représentants du milieu économique, notamment les agriculteurs, les représentants syndicaux, les associations, notamment de protection de l’environnement.
Article 6
La concertation et l’information du public seront poursuivies sous l’égide d’un garant que le maître d’ouvrage demandera à la Commission nationale du débat public de désigner.
Article 7
Le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, les préfets des régions Auvergne et Bourgogne et les préfets de l’Allier et de Saône-et-Loire sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait le 24 juin 2011.
La ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement,
Nathalie Kosciusko-Morizet
Le secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’écologie,du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports,
Thierry Mariani
La boite de Pandore est ouverte avec la fin de la gratuité des routes nationales pourtant érigée en principe au nom de la liberté de circulation. La décision de mise en concession de la RCEA (Route Centre-Europe-Atlantique) excite les appétits comme le montre le lobbying exercé par tous les défenseurs de cette idée sulfureuse. Dans le désordre, il s'agit de désenclaver des territoires en mettant cet axe routier en deux fois deux voies et d'améliorer la sécurité en évitant d'investir l'argent nécessaire. Désenclaver des territoires à l'aide de péages, c'est déjà une idée amusante. Mais partir du principe que la mise en concession va améliorer la sécurité de l'axe routier, c'est faire un pari sur l'avenir. Personnellement, je connais assez bien cet axe de circulation et je doute assez du résultat final.
Cette idée fait même tellement son chemin à la tête de l'état que le 24 juin dernier, le ministre des transports et du développement durable a donné son feu vert pour que cette route soit concédée afin d'accélérer les derniers aménagements de mise à deux fois deux voies. Sur les portions concernées, soit de Montmarault à Paray-le-Monial, puis de Paray à Ciry-le-Noble pour la branche nord, et de de Paray à Mâcon au sud, pas moins de six barrières de péage vont voir le jour.
Or la mise en concession d'un axe routier est pavée d’obstacles juridiques. Un péage, sur route comme sur autoroute, ne peut être instauré qu’à la condition qu’une alternative au trajet payant soit proposée. Une exigence difficilement praticable. Pourtant, cela n'a pas arrêté le gouvernement et son ministre qui déclarait le 22 juin dernier à l'Assemblée Nationale que « de plus en plus d’élus demandent des mises en concession sur des itinéraires qui n’ont pas de trajet alternatif ». Elle ajoutait même que « nous avons de plus en plus de routes symboliques sur lesquelles sont discutées des mises en concession ». Parmi ces routes symboliques figure la RN21 reliant Limoges au Cirque de Gavarnie en passant par Tarbes.
Dans son entourage, on réfute tout revirement de l'état qui n'a pas changé de doctrine. Pourtant, on murmure à mots couverts que « quand l’enveloppe financière est contrainte, la mise en concession s’impose comme la seule solution ».
Bon nombres d'axes majeurs seront donc privatisés à terme sous couvert d'économie. Or la plupart de ces axes ont déjà été payés par le contribuable (sous forme de dette ou non) et vont permettre à des sociétés privées ou d'économie mixte de gagner de l'argent sous couvert de sécurité routière. Avez-vous déjà pris l'autoroute A6, la plus ancienne de France ? Cette route est dans un état lamentable, a déjà été payée un certain nombre de fois et est pourtant encore à deux fois deux voies entre Auxerre et Beaune malgré son trafic intense. D'Auxerre à Beaune, elle traverse le Morvan. Il y a des côtes nombreuses et beaucoup de poids lourds, ce qui occasionne un certain nombre de ralentissements. Elle en est même dangereuse !
Le journal Libération semble avoir des sources intéressantes puisque d'après elles :
La RCEA a inventé les péages « ouverts ». On peut éviter la barrière en entrant après celle-ci sur la portion concédée, et en sortant avant la suivante. Une alternative offerte aux gens du cru. Pour Euro 21 [association de lobby pour la concession de la RN21], les mêmes difficultés sont pointées : le tracé, selon Gaumet, « reprendra en partie le tracé existant ». D’où cette idée de « péages différenciés, voire une exonération » selon que l’on a affaire à « des migrants quotidiens » ou à des voyageurs, note Euro 21.
De qui se moque-t-on ? Si j'ai bien compris, il me sera possible, alors que j'ai déjà payé dans mes impôts ces travaux, de contourner les barrières de péage. Si je le fais, je ne vois franchement pas pourquoi je serai le seul à le faire. Sinon, il faudra que je prouve que j'emprunte la route tous les jours pour ne pas régler le péage ? Que se passera-t-il si je l'emprunte tous les deux jours ? Quelle est la définition d'un voyageur vis à vis d'un migrant quotidien ? Un beau problème juridique à résoudre en perspective.
Dernier obstacle et non des moindres, que les usagers l’acceptent. Le socialiste Arnaud Montebourg est un farouche opposant à la mise en concession. Pour une fois, je suis même d'accord avec lui. S'il va manifester sous mes fenêtres, je suis même prêt à lui tenir sa pancarte pour ne pas qu'il se fatigue ! Le 11 juillet, son conseil général de Saône-et-Loire a voté la tenue d’un référendum au 20 novembre. « Dans mon département, dit-il, il n’y a pas d’autre route nationale que la RCEA. Et nous y avons mis déjà 84 millions depuis 1984. Donc, nous en avons un peu la propriété morale et financière ». Or, ses administrés devront acquitter le péage ou rallonger leurs trajets car cet itinéraire est le seul à leur disposition. Il présente une alternative crédible : un partenariat public-public (PPP), entre l'état et collectivités locales : « on met tout le produit de notre écotaxe payée par les poids lourds dans le PPP et on paie sur vingt ans des travaux qu’on réalise en six ans ». Il fustige surtout l’état et le « chantage » actuel consistant à dire que pour augmenter la sécurité routière, il faut absolument mettre les routes en concession.
La question est donc de savoir à qui profite le crime. Quels sont les intérêts réellement en jeu ? Sont-ce ceux des usagers de ces routes qui vont devenir des clients ou sont-ce des sociétés concessionnaires ? Quels sont les capitaux de ces sociétés, et par qui sont-ils détenus ? Nul ne le sait.
Il est vraiment temps de s'indigner !
Dans le même genre :
Le projet d’autoroute Castre-Toulouse (
http://www.autoroute-castres-toulouse.midi-pyrenees.gouv.fr/index.php )
Les portions à 2x2 voies et aux normes autoroutières déjà existantes sur le trajet vont être intégrées à l’autoroute … et devenir payantes.
Demain, on va payer pour rouler sur du bitume existant, déjà financé.