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Je suis tombé hier sur deux articles très intéressants, l'un étant la suite de l'autre, mais certainement sur des sites différents pour ne pas être censurés :
Cela me rappelle un certain nombre de mésaventures que j'ai pu avoir avec notre belle administration française que le monde entier, paraît-il, nous envie. Je n'ai jamais eu l'occasion de passer la nuit devant une sous-préfecture de banlieue parisienne. En revanche, j'ai eu l'insigne privilège d'attendre depuis tôt le petit matin devant les portes de la préfecture de police de Paris, rue de Lutèce. Et pourtant, je suis tout ce qu'il y a de plus français (modulo le fait qu'aucun de mes grands parents n'est né ni français ni en France en raison des frontières mouvantes de l'est de la France au début du XXe siècle).
J'ai pu voyager pour raisons professionnelles dans des pays quelque peu bizarres et que je ne vous recommande pas vigoureusement. Comme preuve, j'ai un passeport qui m'interdit toute entrée dans des lieux de liberté comme les États-Unis d'Amérique ou plus prosaïquement Israël. Et dans ces pays, j'avais besoin de mon permis de conduire. Pour ne pas avoir de problème en cas de contrôle, je partais avec les poches pleines de permis de conduire internationaux. La police du coin pouvait m'en confisquer pour arrondir ses fins de mois, il m'en restait toujours d'autres en poche.
Il y a quelques années, l'Automobile Club de France avait encore délégation pour établir ces permis internationaux qui ne sont valables que trois ans. Je dois préciser que ces permis internationaux ne sont valables en France qu'adossés au permis français. Ils n'y ont donc aucun intérêt et il n'y a aucun risque que l'on circule sans permis ou avec un permis annulé. Qu'à cela ne tienne, une circulaire interdit depuis quelques années l'établissement d'un tel papier par autre chose que la préfecture ou la sous-préfecture de son domicile.
Je passe donc à l'antenne de la préfecture du XIe arrondissement de Paris, mon lieu de résidence habituel en France. J'y apprends que ce papier est tellement compliqué à faire qu'il me faut me rendre à la préfecture de police, la grande bâtisse de la rue de Lutèce. Passant régulièrement devant l'entrée de ce bâtiment, j'imaginais la queue qu'il me faudrait affronter. J'arrive donc un matin, vers les six heures, pour une ouverture des guichets à 9h00. Vers 14h00, j'arrive à pénétrer dans la cour du bâtiment où se tient une autre queue qui m'oriente vers la bonne entrée puis vers le bon guichet. Je continue à faire la queue et, vers 17h00, on m'appelle à un guichet derrière lequel trône sur un tabouret de style indéfinissable, peut-être fin René Coty-début Charle De Gaulle, un fonctionnaire tout droit sorti d'un roman de Kafka. Je vous jure que le type avait une barbe taillée à la façon du début du XXe siècle et portait un costume en velours côtelé. Cela ne s'invente pas.
Je lui explique ma requête. Ayant l'habitude de demander ce genre de papier, j'avais toutes les pièces nécessaires sur moi. Heureusement, parce que personne n'est capable de vous dire ce qu'il faut et que, presque naturellement, il est impossible d'obtenir ces renseignements sans se déplacer. À l'Automobile Club, cela me coûtait un timbre fiscal de 17 FF et cinq minutes, le temps que l'employé téléphone à la préfecture pour savoir si mon permis était valable puis appose un coup de tampon devant les catégories de véhicules autorisées.
Là, il m'a fallu plus d'une heure. Le type en face de moi n'avait pas une plume Henry ou Sergent-Major (la pire de toute, trop rigide, mais qui a tellement fait pour la gloire de l'armée française qu'on le lui pardonnera), mais c'était tout comme. Il a calligraphié, avec des pleins et déliés, mon nom et mon adresse avec la langue au coin des lèvres. Ça lui a pris dix minutes. Puis il fallait qu'il fasse une photocopie des pièces. Il cherche donc sur ce qui lui sert de bureau un trombone pour ne pas perdre les deux pièces à photocopier. Dans son fatras, il lui faut quelques instants pour retrouver la boîte et je le vois avec un geste auguste — au moins vingt-cinq ans d'entraînement pour arriver à un tel résultat, lent et magnifique — choisir le trombone idoine et lier les deux feuilles avec le bout de métal choisi avec tant de soin. Le voyant chercher un tel accessoire, je pensais naïvement que la photocopieuse était située trois étages plus haut. Même pas, je vois mon interlocuteur se lever et faire trois pas en direction d'une photocopieuse cachée à mes regards, mais à seulement deux petits mètres de moi. Là, il a fallu enlever le trombone qui ne tenait pas sur cette machine et le type est revenu poser ce trombonne sur son bureau ! Et l'aventure a continué jusqu'à plus de 18h00.
Tout étant mis bout à bout, je suis arrivé à la préfecture de police à 6h00 pour la quitter à 18h00 pour obtenir un papier qui pouvait s'établir en moins de cinq minutes par une personne normalement constituée.
Mais mes aventures avec la préfecture de police ne se sont pas arrêtées là. J'ai acheté il y a presque dix ans une DS23 immatriculée à Paris. Cette voiture était l'automobile personnelle de l'ancien ambassadeur de Suisse à Paris. Mais elle avait passé quelques années en Suisse, lors de la retraite de son propriétaire, donc sans contrôle technique tout en gardant son immatriculation dans le département de la Seine. Pour la vente, j'avais en ma possession un contrôle technique vierge de moins de six mois. Il m'a été impossible d'obtenir un certificat d'immatriculation à Paris parce qu'il me manquait deux contrôles techniques correspondant aux années que ce véhicule avait passées en Suisse. J'ai passé plusieurs jours à essayer de trouver quelqu'un d'intelligent en leur signalant que leur attitude était hors la loi. Peine perdue, personne n'a voulu me donner de certificat d'immatriculation. J'ai donc circulé durant plusieurs mois avec une carte grise rayée, en me demandant ce qui m'arriverait si j'étais contrôlé, jusqu'au jour où je suis allé à la sous-préfecture de Brive-La-Gaillarde, ayant une maison dans le coin. En moins de cinq minutes, j'ai obtenu mon certificat d'immatriculation avec exactement les mêmes papiers. Muni de ce papier, je raconte mes mésaventures et j'apprends que la préfecture de police de Paris est connue pour ce genre de faits. La question qui se pose est surtout de savoir comment j'aurais pu faire si je n'avais pas pu immatriculer ce véhicule ailleurs qu'à Paris.
Dans la même veine, j'ai essayé de déclasser un véhicule. Je m'explique. Je possède un authentique poids lourd Citroën qui était homologué en véhicule léger et en véhicule lourd. La carte grise indique véhicule lourd et je voulais simplement le passer en véhicule léger pour ne pas avoir à passer un permis poids lourd. Peine perdue. C'était à moi de présenter un papier d'homologation du véhicule. Or les archives Citroën ne m'étaient d'aucun secours puisque la carrosserie et l'homologation finale était l'œuvre d'Heuliez qui n'a pas été en mesure de me fournir le papier. Je devais donc passer une homologation selon les critères actuels (pour un véhicule des années 1950) et surtout un crash test ! J'aime autant vous dire qu'après plusieurs jours de discussions vaines, j'ai perdu mon calme !
Et on nous vente la qualité de l'administration française. Pire, on nous fait accroire que bien des pays voudraient avoir une telle qualité de service.
Pourtant, j'étais à Madagascar lors des fameuses lois Pasqua. En France, personne n'en a vraiment entendu parler. J'ai juste été une victime collatérale de ces lois ayant vu mon titre de séjour passer de quatre-vingt-dix jours à trente après plus de six semaines dans le pays. Je me suis donc retrouvé malgré moi dans la situation d'un sans papier. J'ai donc dû me débrouiller pour renouveler ce fameux titre de séjour, ce qui ne m'a pris que trois jours au ministère de l'immigration malgache, et encore, parce que je ne connaissais pas la procédure.
Qui donc est sous-développé ? Comment se permet-on encore de donner des leçons au monde entier ?
Je travaille pour la Préfecture d’une grande ville du sud (un endroit où les gens sont réputés pour leur grande gueule, leurs défaites au ballon, leurs magouilles au Conseil Régional et leur manque absolu de fiabilité dans à peu près toute activité humaine connue).
Je travaille “pour” (depuis une quinzaine d’années) et non “dans". Je tiens à préserver mon honneur. Je connais les employés par leur prénom. Aucune de leur histoire familiale, psychiatrique ne m’est inconnue.
Eh oui, je vivais auparavant dans la rue St Anne près de l’Opéra à Paris (oui, celle des travelos). Avec mon accent pointu, il m’a fallu force de diplomatie pour travailler avec cette Préfecture donc.
Et je suis bien ennuyé. Je devrais te donner des pistes, des conseils avisés et pourtant je ne peux pas le faire. Pourtant, je connais très bien les rouages du système (même l’occulte). Et je ne peux rien faire. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que chaque Préfecture fonctionne comme elle l’entend. Cela dépend du nom du directeur de cabinet.
Il n’y a pas un Etat avec des Préfectures et sous-préfectures qui fonctionneraient de manière cohérente ou au moins harmonisée. Il n’y a que des exceptions. On vit dans un état fédéral sans le savoir.
Il y a quelques points communs avec ta description néanmoins. D’abord, le papier. Quand tu entres dans les locaux, les dossiers urgents (demandes des usagers) servent de mur maître pour le plafond ou reproduisent les fameuses voutes romanes. Si les rongeurs n’y mettaient pas du leur, il faudrait créer des extensions.
Les ordinateurs. Aucun pays africain n’en voudrait. Les logiciels ne sont pas spécialement tout neuf. Un des logiciel en cause qui semble te créer du souci date de 1978. Et toutes les données n’ont pas encore été saisies (tu peux demander à Rennes, ils ont encore des cartons en cave). Pourquoi ? Ce logiciel appartient à l’Intérieur mais c’est le ministère du Transport qui en faisait grand usage. Donc, cloisonnement des budgets oblige, les deux ministères se renvoient la balle depuis plus de 30 ans pour savoir qui va payer la “mise à jour".
De toute façon, la cause est perdue. Pendant pas mal d’années, j’ai du envoyer des documents tout de même assez importants par courrier. Documents qui demandent un traitement urgent. J’ai fait suivre le courrier car j’avais des plaintes ("Vous n’envoyez jamais rien, la Préfecture nous l’a dit, salauds…").
Entre le premier et deuxième étage : 15 jours pour gravir les escaliers. J’ai donc proposé d’envoyer par mail. J’ai senti un silence gêné. J’ai donc du me déplacer pour apprendre à un employé (et un seul, les autres ne voulaient pas) à ouvrir une pièce attachée. J’y suis habitué : dans une grande entreprise, le directeur voulait toujours que je lui faxe ma prose (au bas mot, 60 pages) car Lotus Notes et lui n’étaient pas spécialement copains.
Le personnel. Annexe de l’HP. Pas celui qui vend(ait) des tablettes. Non, celui avec l’entonnoir. En gros des nanas ménopausées avant l’âge, des TH (handicap souvent cérébral), des postes réservés au beau-frère du cousin. Aucun espoir.
Une constante : la violence. Le mépris absolu de l’autre. L’usager est considéré comme un fourbe, un querelleur ou pire, un arabe. L’affaire récente du coup de sabre m’a désespéré mais ne m’a bien entendu pas surpris. Désespéré car le prof de SVT a raté les employés de la Préfecture au détriment d’une pauvre flic.
Une idéologie : le passe-droit. “Quand on veut, on peut. Et quand on peut, on doit.” disais Napoléon. La Préfecture peut tout mais absolument tout. Elle ne veut pas forcément. La loi, elle s’en torche. J’ai collectionné des documents non signés bien entendu circulant en Préfecture (notes de service, informations bidons aux usagers) qui relèvent ni plus ni moins que du délit.
Que faire ? La seule parade que j’ai pu trouver, c’est de saisir à la fois le Préfet et le Procureur de la République. Le Préfet ignore en général ce qui se passe dans ses services. Et s’il n’est pas pourri (ce qui peut arriver, l’actualité nous en donnant quelques indices), il agit et souvent de manière musclée.
Bref, il ne faut jamais attaquer la Préfecture au niveau des cloportes. C’est un mur. Toute la mauvaise foi, l’arbitraire concentrés sur quelques personnes. Il faut passer par dessus. Et là, en général, ça réagit. Curieusement, tout courrier doit être adressé en copie au Préfet, au Procureur et au Pdt de la République (je sais, ça fait con).
Je travaille par ailleurs avec un Commissaire de police. Son problème est apparenté : lorsque ses troupes font les cons, personne ne lui envoie le moindre courrier. Au mieux, les victimes vont se plaindre au même niveau. Lui n’est tenu au courant de rien et n’a aucune trace écrite. En revanche, lorsqu’il commence à détenir une pile de plaintes, même anonymes, ça chauffe sérieux dans ses services.
Les Automobiles Clubs, je ne sais quoi en penser. Dans ma région, elles sont mouillées jusqu’au cou, protégées par la Mairie, le C.R. et marchent main dans la main avec la Préfecture sur des sujets très scabreux.
Bon courage !
Il y a quelques années, les fonctionnaires ont paralysé la France entière en prenant tout le monde en otage lors d’une grève générale visant à protéger leur privilèges. Le pire est qu’ils ont osé appeler « les gens du privé » à défiler avec eux pour les aider à défendre leur piédestal, sous prétexte que, je cite, « nous travaillons pour vous ». Je préfère ne pas commenter ce genre d’insulte cinglante.
Un salaire est la rétribution d’un travail; un travail est une activité qui fournit un résultat. Or, la première chose qu’on dit à un fonctionnaire, c’est « vous n’êtes pas tenus à un résultat ». Ergo : l’argent qu’on leur donne n’est pas un salaire, mais une rente à vie.
Et cette situation est héréditaire. Ceux qui entrent dans la fonction publique ont très souvent de la famille déjà introduite dans cet Eldorado du Sévice Public.
Quand à ceux qui, avant d’intégrer cette grande famille, ont vécu dans le monde réel (celui où l’on se bat et saigne), une des premières consignes données est de lever le pied. Il existe bien des fonctionnaires de bonne volonté, mais, tout comme les poissons volants, ils ne constituent pas la majorité du genre.
Bonjour,
Mon permis de conduire date de 1979 …délivré par la sous préfecture d’Argenteuil. Je me souviens bien j’avais pris ma journée mais arrivé à 15h01, le guichet était fermé depuis 14h59′59″.
Lors d’un contrôle routier de la gendarmerie quelques années plus tard, le gendarme ouvrant les trois volet de mon permis trop brutalement a pratiquement transformé mon permis en 3 pièces détachées.
Depuis je roule avec ce permis en pièces détachées …. et ne suis jamais retourné à la sous préfecture d’Argenteuil.