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François Bon, fondateur de la maison d’édition numérique Publie.net a récemment mis en ligne sa propre traduction du « Le Vieil Homme et la Mer » d’Ernest Hemingway. Cette traduction est le fruit d'un travail original, François Bon ayant toujours été choqué par la mauvaise traduction de Dutour vendue par Gallimard de longue date. Sachant que le livre étant tombé dans le domaine public, sa seule erreur fut qu'il croyait qu'il l'était aussi en France. Pour la petite histoire, le fichier était téléchargeable gratuitement ce week-end sur un site canadien.
Vingt-deux exemplaires en tout et pour tout ont été téléchargés jusqu'à ce que les Editions Gallimard envoient un courrier aux libraires numériques pour les informer qu’ils étaient propriétaires des droits d’édition au format livre numérique et demandent à François Bon de retirer le fichier qui est assimilé à de la contrefaçon.
Après avoir reçu ce courrier, François Bon écrivait en tout honnêteté :
Ce matin, M. Antoine Gallimard, adresse rue Gallimard, Paris VIIe arrondissement, officier de la Légion d’honneur, président du Syndicat national de l’édition, membre du Conseil d’administration de la Bibliothèque nationale de France, demande le retrait immédiat de cette traduction, et réclame des dédommagements.
Je suis usé, poussé à bout, irrité. C’est à la création que ceux-là en veulent. Ils sont prêts à tous les gâchis pour maintenir leur pouvoir.
J’ai décidé d’interrompre momentanément les publications prévues sur publie.net, et me donne trois jours pour décision d’en arrêter totalement l’activité. Je ne peux pas continuer dans un contexte de telle hostilité dont toutes les manœuvres bureaucratiques récentes ont bien montré la collusion avec le pouvoir politique.
Pourtant, comme le note Maître Eolas, en France la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession. En d'autres termes, pour que les éditions Gallimard puissent se prévaloir d'un quelconque droit sur une édition numérique, il faudrait que les ayants droit d'Hemingmay aient explicitement cédé les droits numériques de l'écrivain à Gallimard dans un contrat liant les deux parties. À titre d'information, voici très précisément ce qu'indique la loi française à l'heure où j'écris ces lignes :
Article L131-3
Créé par Loi 92-597 1992-07-01 annexe JORF 3 juillet 1992
La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
Lorsque des circonstances spéciales l'exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du premier alinéa du présent article.
Les cessions portant sur les droits d'adaptation audiovisuelle doivent faire l'objet d'un contrat écrit sur un document distinct du contrat relatif à l'édition proprement dite de l'oeuvre imprimée.
Le bénéficiaire de la cession s'engage par ce contrat à rechercher une exploitation du droit cédé conformément aux usages de la profession et à verser à l'auteur, en cas d'adaptation, une rémunération proportionnelle aux recettes perçues.
Codifié par:Anciens textes:
Nous sommes donc en présence d'un éditeur qui utilise son poids pour intimider l'auteur d'une traduction originale. Bizarrement, lorsqu'il est possible de se faire une publicité à peu de frais, un certain nombre d'avocats sont prêts à défendre gratuitement jusqu'à l'indéfendable. Là, rien. La cause ne doit pas être assez intéressante. Pourtant, s'il y a une cause à défendre, et je dois dire à défendre de toute urgence, c'est bien celle-là. C'est notre liberté qui est en jeu, rien de moins. Je ne parle pas d'une quelconque autorisation à la contrefaçon, mais de simplement faire respecter le droit et uniquement le droit, ce qui s'applique à François Bon comme à Gallimard. Or Gallimard savait parfaitement qu'en France, on ne gagne pas devant un tribunal parce qu'on a raison, comme on ne perd pas parce qu'on a tort. On gagne parce qu'on a assez d'argent pour user l'adversaire et aller au bout des procédures. Ce qui s'est passé dans l'indifférence quasi générale est juste scandaleux et augure assez mal de l'avenir.
Tant que l'intimidation primera le droit, 1984 restera encore devant nous.
Dans le domaine des droits d’auteur abusifs, cette affaire aussi est interessante :
http://linuxfr.org/news/tz-est-hors-de-danger