« Glissement sémantique | Les invités de la campagne » |
Il n'y a rien à dire, Jean-Luc Mélenchon n'a pas usurpé sa licence de philosophie. Quelle n'a pas été ma surprise lorsque je l'ai entendu ce matin dans le poste déclarer crânement que :
l'utopie est le réalisme de notre temps.
Je le cite intégralement, ça claque comme du Mélenchon, un tel aphorisme ayant de grandes chances de figurer à la prochaine dissertation de philosophie du baccalauréat section littéraire.
L'utopie est le réalisme de notre temps. Quelle puissance de raisonnement condensée en quelques mots. Ce qui fait un peu peur, c'est que cela ne signifie strictement rien. C'est ronflant et totalement creux, on croirait presque lire du Sartre dans l'Intelligibilité de l'histoire. À tout hasard, Jean-Luc, je te donne la définition de l'utopie dans le cas qui nous intéresse et que je viens de voler dans mon dictionnaire :
UTOPIE, subst. fém.
A. — SOCIOPOLITIQUE
1. Plan imaginaire de gouvernement pour une société future idéale, qui réaliserait le bonheur de chacun. Dégager de tout la vertu, construire des utopies, déranger le présent, arranger l'avenir (...) c'est la liberté de l'Allemand. Le Napolitain a la liberté matérielle, l'Allemand a la liberté morale (HUGO, Rhin, 1842, p. 474). Quand un Thomas More ou un Fénelon, un Saint-Simon ou un Fourier construisent une utopie, ils contruisent un être de raison, isolé de toute existence datée, et de tout climat historique particulier (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 140).
Tu noteras bien — oui, je te tutoie parce qu'après tout, camarade, il n'y a aucune raison — que mon dictionnaire vendu certainement au grand capital ou a minima aux idées de la droite réactionnaire indique un plan imaginaire de gouvernement. C'est peut-être pour cela que tes porte-parole indiquent à qui veut bien les entendre que le programme du Front de Gauche est incompatible avec celui du Parti Socialiste, l'un étant réaliste, l'autre parfaitement imaginaire.
À ce propos, tu as fait ce matin encore une de tes sorties contre un journaliste, Patrick Cohen qui t'indiquait une étude de l'INSEE concluant à la disparition de nombreux emplois en cas de hausse du SMIC à 1700 euros bruts, ce que tu promets. Plutôt que de répondre sur le fond, cela aurait peut-être permis de faire émerger un certain nombre de choses intéressantes du débat, tu es parti dans un réquisitoire contre ce journaliste. C'est bien, tu as encore fait de l'esbrouffe, ce qui plaît tant à tes sympathisants, mais sans faire avancer le débat parce que dès que quelqu'un creuse un peu ton discours populiste et démagogique, tu t'arranges pour tourner cette personne en ridicule. Pour cela, tu es très fort. Mais il faudrait te condamner à devoir assumer le pouvoir et à te débrouiller avec l'ensemble de tes promesses et ton beau programme totalement inapplicable. C'est tout ce que tu mérites.
Et après tout si tu arrives à te faire élire, c'est aussi tout ce que la France mérite.
C’est bien connu, les chiffres sont une odieuse invention capitaliste fruit d’un complot contre la réalité utopique.
Pour la sentence, vous y allez fort. Les Français sont peut-être des fumistes mais pas au poing (levé) de mériter cela. Si l’exécution doit se faire en Corée du Nord, pourquoi pas. On peut même leur donner 1 milliard par an pendant dix ans en prime.