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Ce matin, l'invitée de la matinale de France Inter était Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière à l'élection présidentielle. Je ne sais pas ce que vous en avez pensé, mais pour ma part, j'aimerais assez que LO nous rende Arlette Laguiller. Que l'on soit pour ou contre les idées de LO, il y avait chez Arlette Laguiller une dignité qui ne se trouve pas chez son successeur et qui la rendait au moins respectable.
Mais revenons au cas Nathalie Arthaud.
Elle se présente comme une enseignante d'économie et de gestion. Je dois dire que si ces cours ressemblent à son discours, cela fait peur. En effet, au tout début de son intervention, elle commence par fustiger le néolibéralisme qui serait d'après elle une conséquence directe et obligatoire du capitalisme. Personnellement, je ne vois pas trop le rapport entre le libéralisme et le capitalisme ni la relation de cause à effet entre eux. Ces deux notions peuvent se recouper ou non selon les modèles de société. Qu'une enseignante d'économie et de gestion ne fasse pas la différence entre les deux est assez perturbant pour un esprit simple comme le mien.
Le néolibéralisme est une tendance qui a aujourd'hui une trentaine d'années et qui est la conséquence de la démocratisation des fonds communs de placement. Jusqu'au début des années 1980, une entreprise, dans notre beau monde capitaliste, n'avait besoin que d'avoir une trésorerie positive et de rémunérer chichement ses actionnaires. Il leur suffisait de recevoir un peu plus que l'inflation à la fin de l'année et ils étaient contents. Aucun de ses petits actionnaires n'avait voix au chapitre et le chef d'entreprise commandait aux destinées de son entreprise.
Au début des années 1980, un changement complet de paradigme a eu lieu. Les banques ont créé des choses qui ressemblent à des plans d'épargne en action adossés à des fonds communs de placement. Cela semble ridicule, mais c'est entre autres cette création financière qui nous a fait glisser du capitalisme au néolibéralisme parce que ces fameux fonds communs de placement ont réuni des parts importantes des capitaux des entreprises. Là où auparavant il y avait une foultitude de petits porteurs qui n'avaient rien à dire se retrouve maintenant le représentant d'un fond de placement qui arrive avec une part non négligeable du capital. Le poids de l'ensemble de ces petits porteurs n'est plus insignifiant et c'est ce fonds de placement qui commande maintenant à la destinée des entreprises, plus ses dirigeants. Là où seule la trésorerie positive dictait l'avenir d'une entreprise, on parle maintenant de rentabilité des actions avec la menace ultime de vente en masse du capital si la rentabilité est jugée trop faible. Les entreprises ne sont plus gérées en fonction de leur intérêt à long terme comme dans un monde capitaliste, mais de l'intérêt à court terme de l'ensemble des porteurs de parts quitte à ce que cet intérêt provoque des catastrophes à moyen ou long terme.
Il faut toutefois noter que ce changement de paradigme n'est pas le fruit du capitalisme bourgeois pour reprendre la sémantique de Nathalie Arthaud, mais du fait que les petits épargnants se sont rués sur des placements présentés comme rentables depuis une trentaine d'années par les organismes financiers. Tous les épargnants qui ont des placements en unités de comptes — assurances-vie, comptes à terme, PEA, SICAV, FCP et j'en passe — sont collectivement responsables du glissement du monde capitaliste qui a considérablement enrichi le pays durant les trentes glorieuses au néolibéralisme qui nous englue actuellement. J'espère, ma chère Nathalie, que tu n'as pas autre chose qu'un livret A ou équivalent, parce que dans le cas contraire, tu participes au massacre actuel de l'économie que le communisme révolutionnaire ne sauvera pas.
Tu me diras que je n'en sais rien puisque le vrai communisme n'a jamais été tenté dans le monde. La belle machine s'est toujours enrayée à un moment ou un autre, que ce soit à Cuba, en URSS ou en Corée du Nord, pays où les habitants sont persuadés d'être riches puisque ce magnifique pays produit tous les ans un missile pour foutre sur la gueule de la Corée du Sud et une chaussure de taille 41 par habitant tout en subsistant difficilement de dons de denrées alimentaires de base.
C'est donc vrai, le communisme n'a jamais été essayé. Mais si toutes les tentatives ont explosé en vol, il doit y avoir dans l'idée même de communisme quelque chose d'inatteignable. Peut-être le simple fait de repasser du néolibéralisme au vrai capitalisme entrepreneurial suffirait-il à corriger le mal endémique de notre société ? Mais il faudrait expliquer tout cela à nos hordes de petits porteurs et à nos professeurs d'économie. Le moins que l'on puisse dire est que cela n'est pas gagné d'avance.
En regardant de plus près ton programme, je me suis posé une question que sans doute beaucoup de monde se pose sans jamais réellement l'oser ouvertement. Ton programme est assez semblable à celui du Nouveau Parti Anticapitaliste. La seule réelle différence se situe dans le trait du crayon, tu es pour une révolution communiste avec le couteau entre les dents alors que Philippe Poutou du NPA serait plutôt pour une révolution à tendance libertaire avec la fleur au fusil. Pourquoi donc poser deux candidatures si ce n'est pour diviser cet électorat marginal en deux. La seule raison qui résiste un peu à l'analyse est qu'avec l'égalité stricte des temps de parole, l'électeur vous entend deux fois plus. Belle manipulation du système électoral avec l'accord du CSA.
Mais ce n'est pas parce que l'électeur entend des thèses qui te sont proches deux fois plus longtemps que les thèses portées par les autres candidats que tu dois t'enflammer au risque de déraper et de raconter n'importe quoi. Ce matin, tu as pourtant affirmé avec un certain aplomb que le droit à l'avortement était une avancée de la gauche. Peux-tu me rappeler qui était Lucien Neuwirth, quels étaient son parti politique et la majorité qui a voté la loi Neuwirth ? Peux-tu me rappeler qui était Simone Veil et quelle était la majorité parlementaire qui a voté la loi Veil ? Dire après ça que l'avortement est une avancée de gauche prouve s'il le fallait encore le sérieux de ta candidature.
“on parle maintenant de rentabilité des actions avec la menace ultime de vente en masse du capital si la rentabilité est jugée trop faible”
Cette menace régulièrement brandie me laisse toujours un brin perplexe. Si l’actionnaire vend, qu’est-ce que ça change pour l’entreprise ? Certes, le cours de l’action descend et les cadres dirigeants gavés de stock-options l’ont mauvaise, mais le bilan de l’entreprise n’est en rien affecté par un changement d’actionnaires.
Pour rectification, la loi sur l’avortement, c’est Simone Veil. Lucien Neuwirth, c’est la loi sur la contraception. Ça reste à droite.
Au fait, vous avez remarqué ? Nathalie Arthaud est incapable de proférer une phrase qui ne contient pas le mot “effectivement".
Mais je sais bien que la loi Neuwirth est une loi sur la contraception. C’était juste pour enfoncer le clou un peu plus, la loi Neuwirth étant le préalable logique à la loi Veil…
Pour revenir sur le coup de vente massive des actions, si, pour une entreprise, ça change beaucoup de chose. Cela n’a aucune impact sur le fonctionnement direct de l’entreprise mais cela en a sur ses finances (possibilités de prêts bancaires puisque ces prêts sont généralement garantis sur ces parts de capital, menaces d’OPA amicales ou inamicales entre autres). La volatilité du capital et la bourse sont deux moyens d’appauvrissement drastique de la société moderne.
Quant au “effectivement” de ponctuation, il s’agit certainement un vieux truc issu de la méthode Coué, un genre d’auto-persuasion… Lorsqu’on défend de telles idées, il faut au moins ça !
“Lorsqu’on défend de telles idées, il faut au moins ça !”
Effectivement…