« À eux de nous faire préférer le train | URSSAF, mon amour (suite et malheureusement pas fin) » |
Oséo. Voilà un autre grand machin censé aider les PME à trouver des financements et uniquement là pour justifier du traitement de ses employés.
Je m'explique.
En 2008, j'ai fait appel à Oséo pour le financement d'un projet de recherche et innovation. Pas n'importe quoi, pas quelque chose de fumeux, j'avais un prototype qui a été salué par deux prix dont un du ministère de la recherche, j'avais deux prospects intéressés et capables de mettre plusieurs centaines de milliers d'euros sur la table pour acheter le produit une fois industrialisé, mais il me manquait le financement pour passer du prototype au produit final.
J'avais calculé que le coût de cette industrialisation était de 150 000 euros en prenant des marges de sécurité importantes.
Problème : aucune banque ne voulait me prêter cette somme. J'avais le droit à deux réponses officielles, la première étant que « vous comprenez, c'est la crise (et il faut bien qu'on vous fasse payer d'une manière ou d'une autre nos errements) ». La seconde était plus prosaïquement que c'était une avance de trésorerie et pas un achat d'immobilisations. J'étais en effet propriétaire de serveurs UltraSPARC Sun Microsystems sur lesquels étaient faits les développements, machines que j'avais achetées sur mes fonds propres — encore une erreur —, et si j'ai bien trouvé des banques pour me proposer des systèmes de financement de type crédit-bail, je n'en ai pas trouvé une seule pour m'avancer les fonds nécessaires à l'industrialisation d'un produit alors même que j'avais des lettres d'intention de deux gros prospects. Pour qu'une banque m'accorde ce qu'il me fallait, la seule solution aurait donc été d'acheter du matériel puis de le revendre immédiatement — en étant totalement en dehors des clous du contrat de prêt — afin d'obtenir la somme qu'il me fallait en espèces sonnantes et trébuchantes. Le côté aberrant de la situation était que si je n'avais pas acheté mon matériel pour mon laboratoire de recherche et développement (plusieurs centaines de milliers d'euros), la question du financement ne se serait pas posée. J'aurais payé mes salariés et laissé le risque sur le matériel à une banque.
J'ai donc fait appel à Oséo. Ce jour-là, j'aurais mieux fait d'attraper les scarlatine ou de me casser une jambe. Oséo est un machin qui vous aide si vous n'avez pas besoin de lui. Pour filer la métaphore, c'est un truc censé apaiser les souffrances des entreprises, qui ne fait que son intéressant, rendant ici la vue au paralytique, l'ouïe à l'aveugle et ses jambes au non-entendant… C'est un bidule qui réagit toujours à contretemps ou avec un temps long qui n'est pas celui de l'entreprise dans l'urgence.
Dans un premier temps, il a fallu faire de la paperasserie. Lorsque je dis faire de la paperasserie, ce n'est pas faire quelque chose de rébarbatif, c'est entrer dans un système qui m'a consommé un homme-an en réunions diverses et variées avec mon comptable, mon expert-comptable, les gens d'Oséo de la région, les gens d'Oséo de la région d'à-côté qui géraient les côtés financiers — à cette époque, je croyais que mon domicile était une voiture de la SNCF — et les banques. Pourquoi les banques me direz-vous ? Parce qu'Oséo ne met sur la table un euro d'avance remboursable qu'à partir du moment où une banque met elle-aussi au moins un euro sur la table. Mais pour avoir l'espoir insigne d'obtenir un prêt bancaire dans un établissement lambda, il faut avoir un compte ouvert dans ladite banque, enfin, je ne sais pas si vous voyez bien le côté kafkaien de la chose et surtout le temps perdu.
Nous sommes donc dans la situation aberrante suivante où il faut déjà avoir un concours bancaire pour avoir un appui d'Oséo. Et là, cela frôle au sublime. Ça frôle au sublime parce que j'avais besoin de 150 000 euros sur un an. Ces 150 000 euros se sont transformés après passage dans la moulinette d'Oséo en 360 000 euros dont 200 000 euros de prêt bancaire. Je n'ai pas réussi à trouver 150 000 euros en mettant dix banques autour d'une table, vous imaginez bien que je vais trouver très facilement 200 000 euros auprès des mêmes banques.
Et ce n'est pas tout. Si l'avance d'Oséo est une avance qui était débloquée en trois parties, un tiers par an durant trois ans, il me fallait trouver 200 000 euros immédiatement mobilisables, ce qui est inacceptable pour tout organisme financier.
Après m'être battu durant deux ans, j'ai laissé tombé en perdant du coup ces deux prospects. Oséo m'avait tout de même fait une avance de 30 000 euros en attendant d'obtenir ce fameux concours bancaire.
Si je compte bien, ces 30 000 euros n'ont même pas couvert le coût du travail nécessaire au montage du dossier et si je n'avais pas essayé d'obtenir un financement par ce moyen, j'aurais pu mobilier un salarié à temps plein pour la finalisation du produit. Cela m'aurait peut-être permis de le vendre. Aujourd'hui, je ne l'ai pas vendu et j'ai perdu mes propects sur ce projet. Ma situation actuelle est en grande partie due à la méconnaissance des PME par Oséo censé pourtant les aider. Lorsqu'un PME vient frapper à la porte d'Oséo pour obtenir 150 000 euros, elle recherche 150 000 euros. Pas 360 000. Et il faudrait surtout qu'Oséo arrête de prendre les chefs d'entreprise pour des enfants incompétents incapables de gérer leur entreprise et ne prenant que des risques inconsidérés. Les patrons de PME jouent avec leurs biens propres, pas avec les biens de l'état, et ils n'ont aucun intérêt à rater un projet parce que cela signifie généralement pour eux terminer au mieux ruinés au pire à la rue. Qu'un employé d'Oséo qui n'a aucune idée de la façon dont on gère jour après jour une PME se permette de s'ériger en donneur de leçons m'amuse au plus haut point. Mais passons.
Attention, je ne dis pas que je m'en serais mieux sorti autrement, simplement que j'aurais pu continuer à faire mon métier et que je ne m'en serais pas sorti plus mal en ignorant crânement Oséo. D'autant que le problème n'est pas fini. Je reçois tous les mois depuis la fin 2011 un courrier de fin de programme pour justifier de l'aide reçue. L'aide reçue… Ils n'ont vraiment pas peur des litotes. Je ne sais pas comment remplir cette liasse de papier puisqu'il n'y a pas eu d'aide. J'ai donc écrit un courrier recommandé en ce sens fin 2011, courrier qui a été reçu par la bonne personne, l'accusé de réception faisant foi comme on dit en patois pététique. Aucune réponse si ce n'est le même courrier qui arrive mois après mois et cette semaine, en courrier recommandé avec accusé de réception me mettant en demeure de réponse avant la fin du mois sous peine de voir mon dossier passer en contentieux.
Là, je perds mon sang froid parce qu'il faudrait tout de même éviter de me prendre pour le dernier des imbéciles. Les courriers, j'y réponds, surtout lorsqu'il y a autant de rappels. Mais pour qu'un dialogue s'installe, il faudrait encore qu'on ait l'amabilité de me répondre.
J'essaie donc de téléphoner. Peine perdue, je tombe sur une messagerie me signalant que la personne n'est pas à son bureau. Au standard, on me dit qu'elle est en réunion pour la matinée. Je réessaie dans le courant de l'après-midi, mêmes réponses. J'envoie donc un mail même pas haineux réexpliquant la situation et demandant qu'on veuille bien me rappeler parce que je commençais à perdre patiente. Et là, je reçois une notification me signalant que cette personne est en vacances jusqu'au 27 juin 2012 et qu'il fallait contacter sa supérieure hiérarchique. Ma patience ayant des limites, je renvoie le même message, cette fois-ci avec un chapeau particulièrement haineux à sa supérieure hiérarchique qui, après avoir pris connaissance du dossier, m'a rappelé pour me signaler qu'ils n'avaient jamais reçu mon courrier recommandé. Là encore, prenez-moi pour une truffe, je ne vous dirai rien. Que ce courrier n'ait pas été traité est une chose, qu'il n'ait pas été réceptionné en est une autre ! Mais au moins, j'ai enfin eu au téléphone une personne essayant de répondre à mes questions. C'est déjà ça de gagné, mais j'ai encore une liasse de documents à leur fournir.
En résumé, si vous n'avez besoin de rien, demandez de l'aide à Oséo. Pour toute autre demande, passez votre chemin, cela vous coûtera largement moins cher, en temps, en argent, et surtout en fatigue nerveuse. Et il paraît qu'Oséo aide les entreprises !
Oseo aide les entreprises bien portantes à supporter leurs couts de R&D.
C’est tout.