« Et les RFC's, bordel ! | De qui se moque-t-on ? » |
Une clameur sourde enfle et me submerge. Depuis ce matin, j'essaye vainement de me concentrer sur quelques lignes de code autour d'un fork() dans un programme multithreadé. Impossible ! Malgré mes fenêtres à double vitrage acoustique, je n'arrive pas à fixer mes idées sur mon écran.
J'ai entendu, que ne dis-je pas subi, au travers d'un ampli qui doit au moins fonctionner en classe C, depuis de début de la matinée des chansons à texte contre le gouvernement, l'Internationale par les chœurs de l'Armée Rouge, des slogans tous plus bêtes les uns que les autres et des sons plus proches d'un bruit de télétransmission que d'un langage articulé. Et je ne vous parle pas des pétards et des cornes de brume. Si encore ces manifestants qui ont l'air de râler contre la réforme à venir des systèmes de retraite daignaient se déplacer un peu, aller vers la place de la Bastille, ce serait encore supportable. Même pas, depuis trois heures, ils n'ont pas bougé d'un pouce ! J'hésite à descendre leur signaler qu'ils risquent la phlébite.
Je hais les manifestants. Ils embêtent toujours les mêmes et la plupart du temps pour des causes particulièrement illégitimes. Entendre que le patronat est plein aux as est désespérant. Que ces gens tiennent ne serait-ce qu'une année les rênes d'une entreprise et on en reparlera. Je connais beaucoup plus de patrons de PME — l'immense majorité des entreprises — qui gagnent moins que leurs salariés que le contraire. En plus, ce sont les dindons de la farce puisqu'ils n'ont pas le droit aux allocation chômage, ont un régime de sécurité sociale spécifique, sont redevables sur leurs biens propres de leur activité, hypothèquent tout ce qu'ils peuvent pour faire financer leur entreprise, travaillent soixante-dix à quatre-vingts heures par semaine, ne prennent pas de vacances et j'en passe. Et à la fin de l'année, les dividendes ne sont pas au rendez-vous parce que c'est ce qui reste lorsque tout a été payé (salaires, charges, impôts et taxes diverses, rémunération du patron, investissements divers…). Pour les multinationales, le problème est différent puisque le PDG est salarié, mais mettre dans le même sac l'immense majorité du patronat français et les PDG des quelques multinationales ayant pignon sur rue sur le sol français me semble au mieux démagogique, au pire malhonnête. Ne nous arrêtons pas à ça, syndicaliste, c'est un métier, et il faut fédérer les foules.
Par ailleurs, j'en ai assez de subir l'immense majorité des manifestations parisiennes. Il ne se passe pas deux jours sans qu'il y ait une manifestation, la plupart du temps pour une cause risible ou dérisoire. Au prix du mètre carré habitable de mon quartier, c'est une nuisance inacceptable. Certains jours, les CRS remplacent les géraniums à mes fenêtres. Je ne pense pas être contre les manifestations, mais qu'on ne me dise surtout pas que les seuls boulevards assez larges sont ceux du onzième arrondissement. Ceux du sixième ou du septième sont tout aussi larges.
Aujourd'hui, ils ont de la chance. Il ne pleut pas. Ils ne risquent que la trombose en piétinant sur place, l'extinction de voix en braillant des slogans absurdes et la blessure, une station de bus avec toit en verre ayant été détruite. L'ambiance est bonne et la roulotte vendeuse de merguez a fait le plein. Pour être honnête, je ne l'ai pas vue, juste sentie. Il paraît que la cuisson au charbon de bois est toxique. il n'y a pas à dire, manifestant, c'est vraiment un métier pénible.