« La France est footue | Publicité Windows 7 » |
Ayant travaillé quelque temps à Issy-les-Moulineaux pour ce qui s'appelait encore le CNET (Centre National d'Étude des Télécommunications), j'ai une certaine affection pour France Telecom. J'ai quitté cette entreprise juste au début de sa chute, au moment où le gouvernement français au travers de l'ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) l'a contrainte à louer ces circuits-minutes à perte. Nous avions calculé à l'époque que le circuit-minute coûtait 0,56 de nos défunts francs, enfin, de nos anciens nouveaux francs, alors que l'ART nous imposait une location à 12 ou 24 centimes de francs selon qu'une ou les deux extrémités de la communication étaient prises en charge par un opérateur tiers. Ce prix semble énorme, mais il incluait la maintenance et les techniciens de ligne qui étaient d'astreinte vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, y compris les jours fériés.
Vendre à perte, c'est interdit en droit français. En revanche, le législateur ne parle pas de location à perte.
Aujourd'hui, il est malhonnête d'accuser France Telecom lorsqu'on parle des conditions de travail de ses salariés, d'autant plus qu'il est impossible de rejeter la faute directement sur les actionnaires. Nous sommes tous responsables de la situation. Le petit porteur est responsable parce qu'il possède des actions et espère un retour sur investissement rapide. Les banques sont responsables parce qu'elles ne font pas leur travail — qui est de gagner de l'argent en finançant l'économie réelle et en prenant des risques mesurés, après tout c'est ce risque que paient les intérêts de prêt, et non de boursicoter — et qu'il est malheureusement plus facile mais plus risqué pour une entreprise de chercher de l'argent à investir en bourse. L'abonné à un opérateur tiers est lui-aussi responsable car il utilise la partie onéreuse du réseau de France Telecom sans en supporter le coût réel.
Je ne sais pas si vous vous souvenez des grandes annonces qui ont été faites il y a plus de dix ans. Tous ces opérateurs alternatifs avaient demandé l'autorisation de poser une boucle locale cuivre ou radio. Pas une seule boucle locale n'a été installée depuis car il est largement plus rentable de faire porter à France Telecom, contrainte de le faire à perte, la pose et l'entretien de cette boucle plutôt que d'entretenir soi-même la même installation. Aujourd'hui, si France Telecom vendait au coût réel ses circuits aux opérateurs alternatifs, ils mettraient tous la clef sous la porte car, à force de casser les prix au détriment de la qualité de service, ils ne pourraient encaisser cette augmentation pourtant légitime.
Cette dégradation de service due aux opérateurs alternatifs ne se voit pas encore dans les zones urbaines. En revanche, elle est criante à la campagne qui n'intéresse aucun opérateur alternatif. France Telecom n'a plus aucun moyen pour entretenir ses lignes jugées peu rentables vis à vis des lignes urbaines et on a de la chance lorsqu'on arrive encore à avoir une tonalité et un accès internet au travers d'un bon vieux modem bas débit.
Et l'on ose encore parler de fracture numérique ! On gaspille l'argent public dans une gabegie financière de projets onéreux engloutissant des sommes pharaoniques comme le projet Dorsal pour des résultats au mieux insuffisants.
Il y a quelque temps, le minitel permettait encore de s'en sortir. Maintenant, il faut faire avec internet. Je vous mets au défi d'utiliser internet avec un bon vieux modem RTC plafonnant à quelques milliers de bits par seconde. La moindre information étant noyée dans des pages de publicités généralement en Flash ou au milieu d'images en haute résolution, c'est devenu impossible sauf à naviguer avec un outil en texte brut comme elinks.
Dans toutes ces zones rurales, le seul opérateur présent est souvent France Telecom parce qu'il a une obligation de service public limitée au service universel (téléphone). Aucun opérateur alternatif n'est présent parce que, comprenez-vous, le coût de chaque utilisateur est trop important vis à vis de la marge dégagée. Le paysage des télécommunications françaises est ainsi le suivant : des zones urbaines avec une concurrence acharnée entre opérateurs et des zones rurales où seule France Telecom offre un service souvent limité et qui est de plus en plus la vache à lait pour entretenir le réseau urbain. Je ne suis pas un détracteur de la privatisation des services, mais je ne vois pas pourquoi tous ces opérateurs alternatifs n'ont pas une clause de service universel. Il est inadmissible qu'on se gargarise à longueur de temps de concepts comme la libre et saine concurrence alors même qu'on permet ce genre de chose. Les fortunes des actionnaires des opérateurs alternatifs n'ont été faites que parce que le gouvernement français au travers de l'ART leur a offert France Telecom sur un plateau sans aucune contrepartie. Le réseau de télécommunications français fonctionne encore bien parce que France Telecom arrive encore à effectuer le minimum d'entretien sur la boucle locale, mais ça ne durera pas indéfiniment. Déjà les campagnes sont à l'abandon et on voit de plus en plus de problèmes de lignes en ville.
Continuons, il y a des pays en voie de développement et d'autres en voie de sous-développement…
“modem RTC plafonnant à quelques milliers de kilobits par seconde”
Mmmm, de l’overclocking ? Est-ce bien légal ?