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Loin de moi l'idée de défendre un journal comme Charlie Hebdo qui n'a d'ailleurs pas besoin de moi pour cela. Mais depuis deux jours, j'entends tellement de bêtises que je ne puis m'empêcher de rajouter une pierre dans la gueule du débat.
Ce journal est un journal satirique. Il faudrait voir à ne pas l'oublier. En tant que journal satirique, il suit et utilise l'actualité. En effet, la satire est un plat qui se mange chaud et ne permet pas le contretemps sous peine de tomber à plat. Et l'actualité brûlante était un brûlot filmographique bête et méchant critiquant les faits et gestes de Muhammad, chamelier arabe du VIIe siècle.
Si aucun musulman n'avait relevé ce film, rien ne se serait passé. Mais la diffusion restreinte de cette « œuvre » a permis à une frange fanatisée de l'islam d'avoir un peu de grains à moudre et de fustiger plusieurs grands satans. Et il y eut des morts lors d'une attaque d'une l'ambassade américaine en Afrique du Nord. Et il y eut des soulèvements dont on peut à juste titre se demander s'ils étaient tout à fait populaires et complètement spontanés. Et il va encore y avoir des morts puisqu'une organisation de fous de dieu au Sahel vient plus ou moins de se rappeler à nous en menaçant plus ou moins ouvertement de condamner à mort les otages français en sa possession. Pour quels motifs exacts ? Nous n'en savons trop rien, peut-être parce que la France a dit qu'il serait de bon ton d'organiser une reconquête du nord du Mali, ou peut-être parce qu'un journal satirique a osé publier des caricatures mettant en scène Muhammad — je ne parlerai pas ici de prophète parce que ça n'est pas le mien.
Revenons donc au problème de ce journal satirique qui ne peut être qu'opportuniste. C'est sa raison d'être. Il ne fait que pointer du doigt les dérives de certaines personnes ou de certains groupes. Ce faisant, il tire autant à droite qu'à gauche, autant sur les musulmans fanatiques que sur les catholiques intégristes. J'arrive à comprendre que l'on puisse aimer ou non sa ligne éditoriale, que l'on puisse aimer ou non les dessins qui y sont publiés, mais force est de constater que la ligne éditoriale de ce journal est saine.
Charlie, donc, a publié des dessins, des caricatures de Muhammad. Et il a tiré à 75000 exemplaires, son tirage habituel. S'il avait réellement prévu d'en vendre plus, la direction du journal aurait dès le premier tirage demandé à tirer plus. L'argument purement commercial ne tient donc pas lorsque l'on sait ce que coûte un tirage en frais fixes. Pourtant, cet argument revient sans cesse dans la bouche des opposants.
Un peu de cohérence ne nuit pas. Lorsque ce même journal critique ouvertement le pape, son tirage est normal et personne ne s'en offusque. Mais il devrait se censurer pour ne pas égratiner une partie des musulmans qui ne mérite que cela ? Pourquoi y aurait-il deux poids et deux mesures ? Que faisait cette partie bien pensante des musulmans lorsque ce même journal s'attaquait plus ou moins finement au pape, aux catholiques, à la politique israëlienne ou à d'autres cibles toutes aussi faciles ? Je n'ai pour ma part aucun souvenir d'une levée de boucliers de la part de ces mêmes musulmans au contraire bien contents que Charlie s'attaque à leurs ennemis prétendûment héréditaires.
La question n'est donc pas de savoir où se situe la liberté d'expression ou la liberté de la presse. La question beaucoup plus fondamentale est de savoir si ces libertés sont à géométrie variable ou non en fonction des groupes plus ou moins indentifiés qui pourraient s'en offusquer. Dans une démocratie fonctionnant normalement, la réponse est non. La liberté doit être la même pour tous, sans distinction aucune, que cela plaise ou non à tous ces groupuscules. Et râler ou condamner Charlie pour cela est un déni de démocratie. C'est même la porte ouverte à tous les fascismes puisque, je vous le rappelle, le fascisme est avant tout la prise de pouvoir par la rue, au travers de manifestations diverses et variées, d'attentats, et de plein de choses toutes aussi amusantes et divertissantes. S'il s'agit du genre de société que l'on veut, alors il faut absolument condamner ce journal. C'est grâce à toutes ces petites démissions qu'une société creuse sa tombe.
Un autre point me dérange aux entournures puisque l'on parle dans ce dossier d'islamophobie. On ne m'enlèvera pas de l'idée que l'islamisme est l'un des principaux terreaux de l'islamophobie. Le problème est que les musulmans modérés qui représentent une partie non négligeable des musulmans en France ne sont pas organisés. À chaque fois qu'il y a un dérapage de la part de leurs coreligionnaires, ils devraient ouvertement et bruyamment faire entendre leur désapprobation. En règle générale d'ailleurs, parce que ce n'est pas typique à l'islam, il est assez amusant de constater que la phobie de telle ou telle autre religion ne croît que des excès de ces mêmes religions.
De toute façon, on se contrefiche de savoir si ces dessins sont drôles ou non. Un dessin humoristique peut ou non être drôle, opportuniste, maladroit voire méchant. Il peut même être mauvais, puisque le but d'un journal satirique est justement d'être satirique. Cela ne fait pas d'un blasphème aux yeux de certains fous un crime.
Par ailleurs, Charlie sait se moquer de l'islam sans racisme. Comme il le fait du judaïsme sans antisémitisme ou du christianisme sans christianophobie quoi qu'on puisse en penser. Mais il est parfaitement déplorable de reconnaître qu'il existe aujourd'hui des brutes qui s'indignent qu'une chose soit permise et l'autre non et qui ont tout intérêt à semer la confusion entre l'une et l'autre.
Je lis Charlie depuis que je suis enfant (je vivais dans une imprimerie…), cad depuis pratiquement les premiers numéros.
Si l’humour du Canard Enchaîné m’a toujours gonflé (mais pas le travail de fond des journalistes qui ont levé de bons gros lièvres), l’humour déchaîné de Charlie m’a toujours ravi. Ce journal, avec son clone de l’époque, Hara Kiri, a produit les meilleurs dessinateurs et chroniqueurs depuis plus de 20 ans.
Une constante chez eux : ils se sont foutus de la gueule de tout le monde, surtout de ceux qui rendaient l’air irrespirable pour autrui. Cathos, juifs, musulmans s’en sont pris plein la tête dès qu’ils sortaient de leur tanière et commençaient à vouloir imposer leurs délires (car la religion a toujours été traitée par Charlie comme relevant d’une pathologie, petite ou sévère selon les cas).
D’un autre côté, Charlie a toujours défendu au couteau toute dérive raciste. Plus pro-palestiniens que ce journal, à part le Monde Diplomatique, je ne vois pas. Les remontées sur les sinistres affaires Papon viennent aussi de Charlie.
En résumé, Charlie c’est très simple.
Si vous êtes radical (islamiste, juif à frisette, catho Mgr Lefevre etc.) et que votre but est en fait de pourrir la vie des autres, Charlie ne vous loupera pas.
Si vous êtes simplement croyant, Charlie se foutera de votre gueule gentiment, certains grands enfants ont besoin de leur père Noël ou de leur doudou.
Si vous êtes juif, arabe, noir, jaune ou vert, Charlie vous défendra jusqu’à la mort.
Accuser Charlie d’opportunisme : il y a des journalistes qui ne manquent pas d’air ! Tout ce qu’on voit et lit depuis 15 j est de l’opportunisme de bas étage.
Comme le disait Fillion, il ne faut pas céder d’un pouce. Car ce n’est pas une situation si anecdotique que ça. Que ces abrutis s’étripent pour un film américain qui n’a pas l’air en plus d’être un chef d’oeuvre, ça commence à faire.
Je me souviens des grenouilles de bénitier essayant d’empêcher la diffusion au cinoche du film de Godard “Je vous salue Marie” ou du film de Scorsese “La dernière tentation du Christ". Des juifs aussi qui n’avaient pas apprécié le film minable de Mel Gibson. Déjà, je trouvais l’offensive déplacée et dangereuse. M’empêcher de voir un film ? Et puis quoi encore !
Là, ça finit à l’égorgement. Je sais qu’il y a le principe des Darwin Awards, mais enfin…
Je me suis procuré le Charlie en question. Les dessins sont très drôles. Oui, car le bon con feindra de les trouver “vulgaires", pas risibles, car il veut bien apporter son soutien à la liberté d’expression mais surtout prendre aussi ses distances, on ne sait jamais, des fois que le voisin ne lui adresse plus la parole.
En l’achetant, sentiment immonde : une légère crainte. Et si un arabe était derrière moi m’observant acheter le canard ? Et si le type commençait à sortir un couteau ou souhaitait simplement me casser la gueule ?
Quel sentiment insupportable !
Je ne me supporte pas ayant cette crainte, qui assimile arabe, musulman, islamisme et violence. Je supporte encore moins ceux qui ont distillé cette crainte en moi.
Je ne tolère pas plus les bonnes âmes qui font toujours ce distinguo. Comme les cathos ou les juifs, certains musulmans, pas forcément déclarés “islamistes", sont très près de franchir le pas.
Récemment, je me tape une conférence avec un vidéo-projecteur (l’horreur… mais j’avais du con en face de moi, donc il faut des images) et comme écran de veille, j’avais sur ma bécane des nanas forts jolies. Pas à poil, mais pire : classieuse.
Voilà qu’un arabe, même pas islamiste, commence à gueuler que ça insulte le prophète ! Je l’ai viré vite fait. Mais mon seul regret est de ne pas avoir appartenu à la Légion pour pouvoir lui saboter la gueule à coup de rangers.
Et je crois qu’il y a encore pire, largement plus scandaleux. Mais je dois avoir un esprit grincheux. Ne nous voilons pas la face, nous sommes devant un nouveau Munich. Jusqu’où auront-ils (ces islamistes) droit d’aller trop loin ?
Autre réaction très intéressante (http://philippetorreton.wordpress.com/2012/09/19/de-lislamophobie-vous-dites/). Je cite intégralement cette lettre ouverte :
Chers messieurs Moussaoui et Boubaker,
Autant vous le dire tout de suite je vous trouve plus lamentables que les plus fervents défenseurs d’un islam radical hurlant leur haine dans les rues du Caire ou de Tunis. Eux au moins peuvent être considérés comme des fanatiques, c’est à dire des êtres conditionnés par des plus malins qu’eux car le QI d’un fanatique religieux qui hurle devant les grilles d’une ambassade, d’un théâtre parisien ou dans un territoire occupé est en général inversement proportionnel à celui qui les manipule, eux pour le moins ont la pauvreté, l’illettrisme, ou la peur comme fausse excuse. Mais vous, messieurs Moussaoui et Boubaker vous n’avez pas d’excuse, à moins que l’hypocrisie et la lâcheté en soient une…
Vous, comme les fous de dieux que vous êtes censés combattre en tant que représentants du culte musulman en France, en tant que leaders d’opinion, vous invitez les Musulmans de France à prendre la rue, à jeter des cailloux, à hurler comme des fous en leur disant que ces dessins sont des insultes, et des provocations…
La liberté d’expression ne se discute pas, il n’appartient pas à un Premier Ministre ni à un ministre des affaires étrangères, ni à un prêtre, ni à un imam, ni à un représentant du culte musulman, ni à un éditorialiste de dire si un journal a raison de publier tel ou tel article, telle ou telle caricature, ni même à vous… Seule la justice dans les pays libres comme le nôtre peut être saisie afin de juger ensemble s’il y a un délit. En revanche vous avez le droit de ne pas trouver cela drôle, c’est-à-dire, messieurs, vous pouvez critiquer.
Face aux caricatures de Charlie hebdo, vous auriez dû au pire les ignorer mais en tant que citoyen français vous auriez dû les défendre, oui les défendre, si vraiment l’islam est une religion d’amour comme vous le dites, et je n’ai aucune raison de ne pas vous croire. Mais alors expliquez à vos ouailles ce que c’est que la tolérance, l’humour, la moquerie… et la critique.
Au lieu de cela vous incitez à la haine messieurs Moussaoui et Boubaker, vous parlez monsieur Moussaoui d’acte islamophobe à propos de ces caricatures mais les dessinateurs de Charlie hebdo n’interdisent pas aux croyants de croire, ils s’en moquent. Les dessinateurs de Charlie hebdo ne rêvent pas de voir Israël réduit en cendre mais critiquent la politique israélienne, ils n’interdisent pas l’accès à l’éducation aux jeunes filles, ils ne rêvent pas de voir les programmes scolaires passés au crible de la religion, ils ne détruisent pas des lieux de cultes à coups de lances-roquettes dédicacées à Allah. Moi je vous retourne le compliment, vos difficultés à vous situer par rapport aux violences islamistes participent à favoriser l’islamophobie.
Si demain des excités vont détruire des choses dans les rues de Paris ce sera à cause de vous et non de Charlie Hebdo, car Charlie Hebdo est dans son rôle contrairement à vous.
Vous, vous devriez condamner la haine sans assortir constamment vos propos fades d’un “mais” ce petit mot des condamnations molles, je condamne les manifestations contre les ambassades américaines “mais” il faut reconnaître que…
Quand on condamne il n’y a pas de mais…
La vérité c’est que dans votre tête vous n’avez pas encore assimilé l’islam en démocratie, vous avez peur de la foi non pratiquante, la foi intime qui ne regarde que celui qui croit, la foi qui ne donne pas de leçon aux autres, qui n’a pas besoin de costumes ni de postures pour exister, vous n’avez pas assimilé vous qui vivez en France pourtant la démocratie, la république ni la laïcité…
En fait l’islamophobie est votre fond de commerce, car elle ressert les rangs en même temps qu’elle fait serrer les poings, vous avez peur de la foi privée, de la “croyance vue de ma fenêtre”, celle qui a fait déserter les églises françaises, car ce qui les remplissaient ce n’était pas la foi mais l’endoctrinement, il en va de même pour les mosquées. Un jour des musulmans n’auront pas peur de dire qu’ils sont croyants et qu’ils mangent du porc et boivent de l’alcool, un jour des musulmans n’auront pas peur de dire que le ramadan est un souvenir lointain, que l’on peut croire sans bêler, que l’on peut croire sans rites et que personne n’a le pouvoir ni l’autorité de juger la foi de l’autre.
Au nom du peuple français et de ses valeurs, je vous demande donc de revenir sur vos condamnations et vos caricatures verbales et verbeuses, je vous demande de soutenir la liberté d’expression en expliquant aux excités de la crise de foi que des dessins même les plus crus ne peuvent pas abîmer l’islam, que ces dessins sont la preuve que votre opinion sera protégée par la loi… Et expliquez-le ensuite à ce gouvernement de gauche, aux journalistes CSP+ qui pèsent le pour et le contre, croyant faire ainsi leur métier mais ne se rendant pas comptent qu’ils se tirent une vraie balle dans le pied. Expliquez le aussi aux évêques de France qui en vous comprenant espèrent regagner une audience perdue.
En cette sortie de l’iPhone 5, tout le monde y va de son test.
J’en propose un à mon tour.
Munissez-vous d’un exemplaire de Playboy (version US), du Canard Enchaîné et de Charlie Hebdo.
Affalez-vous à la terrasse de plusieurs bars et lisez de manière ostentatoire.
Avez-vous ressenti une crainte ?
De la peur ?
Avez-vous perdu une ou plusieurs dents ?
Si rien ne se passe, le pays va bien.
Si vous avez répondu “Oui” à l’une de ces questions, c’est qu’il y a un gros problème.
Dans ce dernier cas, vous êtes tenus d’identifier la revue coupable.