« Projet fou | Mariage pour tous » |
Trois pas en avant, deux pas en arrière, notre gouvernement danse le tango. La notion de promesse de campagne est écornée puisqu'on justifie la future loi sur le mariage pour tous par la sacro-sainte promesse de campagne alors que celle consistant à ne pas augmenter la TVA comme prévu par l'ancien gouvernement ne semble pas être régie par la même règle.
En effet, le ministre des relations avec le parlement, Alain Vidalies, déclarait fin septembre que « l'option TVA est totalement écartée : en l'état il n'y a pas de projet de l'augmenter d'ici à la fin du quinquennat, les choses sont claires. » Mais Pierre Moscovici lui aussi a été très rapidement désavoué par les faits puisqu'il expliquait le même jour à l'AFP que « l'évidence, c'est que la TVA sociale, c'est nous qui l'avons supprimée, car nous la jugeons injuste et inefficace dans un moment où il fallait soutenir le pouvoir d'achat et la consommation. Dès lors que nous l'avons supprimée, nous n'allons pas la rétablir. »
Reste à savoir ce qui va encore se passer maintenant que l'agence Moody's, après Standard and Poor's, vient de dégrader la note française à AA1.
Reprenons donc les faits.
Six mois après avoir supprimé la TVA sociale mise en place par le gouvernement Sarkozy qui était rappelons-le une hausse de 2,6 points de la taxe sur la valeur ajoutée en échange de baisses de charges pour les entreprises, le gouvernement socialiste socialistes s'apprête à mettre en place, pour 2014, un dispositif très similaire mais sans en porter le nom : un allègement de 20 milliards d'euros du coût du travail — presque deux fois plus que l'allègement prévu par le gouvernement précédent —, ciblé sur les bas et moyens salaires (jusqu'à 2,5 smics, c'est à dire 3 562 euros brut mensuels) et financé notamment par une hausse de TVA. Plus précisément, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi diminuerait l'impôt sur les sociétés, en fonction du nombre de salariés de l'entreprise. Cette augmentation de la TVA aurait lieu en janvier 2014 et affecterait les trois taux principaux de cette taxe qui frappe tous les biens et services vendus en France :
Bien que le gouvernement s'en défende, la mesure ressemble furieusement à la TVA sociale proposée par Nicolas Sarkozy. Celle-ci consistait en une hausse de TVA de 1,6 point, qui permettait de compenser 13 milliards d'euros de baisse de charges sur les salaires allant de 1,6 jusqu'à 2,4 SMIC, ceux situés sous les 1,6 SMIC étant déjà exonérés de charges. Si le gouvernement Ayrault se garde bien de parler de transfert du financement de la protection sociale, et n'utilise pas l'argument de la taxation des importations, le mécanisme qu'il propose est donc très proche : faire payer plus le consommateur et moins l'entreprise ou le salarié.
Le gouvernement Ayrault fait donc de la TVA sociale un peu comme monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. Le choix de la TVA peut pourtant surprendre, le candidat Hollande n'ayant eu de cesse, durant sa campagne, de critiquer l'idée de son adversaire UMP et de garantir que lui président, il n'augmenterait pas cette TVA et reviendrait sur la hausse annoncée. Ainsi, le 3 janvier, sur France 2, le candidat socialiste expliquait qu'il ne voulait pas que les Français soient affligés de trois ou quatre points de TVA (sic) car cela ne protègera pas des importations extérieures et aura des conséquences graves sur la croissance (sic à nouveau). Enfonçant le clou, il avait même assuré, le 7 janvier lors d'un discours que « s'ils essayent de passer en force (...), et si les Français me confient la responsabilité du pays, je prendrai la décision d'abroger cette mauvaise réforme. »
À maintes reprises, pourtant, les socialistes avaient laissé entendre qu'ils étaient moins hostiles à une hausse de la CSG due à la fois par les salariés et les revenus du capital, l'idée absolue étant de fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG. L'intérêt était triple, augmenter l'assiette de cet impôt en simplifiant sa collecte tout en le rendant plus juste, une idée chère à nos socialistes.
Aujourd'hui,Thomas Piketty, auteur de l'ouvrage collectif Pour une révolution fiscale (Seuil), ne cache plus sa déception devant les renoncements de la majorité sur ce point ni la régression intellectuelle et politique considérable.
Surtout, est-ce que cette réforme pourra assainir les finances publiques ?