« Être pape, c'est très vatican... | Avis du 22 janvier 2013 » |
Heureusement que je suis là pour vous informer, heureux lecteurs que vous êtes ! Saviez-vous que jusqu'au 31 janvier 2013, les Parisiennes n'avaient pas le droit de porter de pantalon, sans contrevenir à la loi ? Non ? Pourtant le ministère des droits de la femme — les droits de la femme seraient-ils différents des droits de l'homme ? Encore une iniquité dont devrait s'emparer le gouvernement ! —, dans sa grande mansuétude, vient d'abroger implicitement l'« ordonnance concernant le travestissement des femmes » qui faisait encourir à toutes les femmes depuis plus de deux siècles l'emprisonnement.
En effet, en France, pendant la Révolution, une ordonnance du Préfet de Police de Paris du 26 brumaire an IX (17 novembre 1799) impose aux femmes désirant s'habiller en homme de se présenter à la préfecture de police pour y être autorisées, au vu d'un certificat médical :
Le Préfet de Police,
Informé que beaucoup de femmes se travestissent, et persuadé qu'aucune d'elles ne quitte les habits de son sexe que pour cause de santé ;
Considérant que les femmes travesties sont exposées à une infinité de désagréments, et même aux méprises des agents de la police, si elles ne sont pas munies d'une autorisation spéciale qu'elles puissent représenter au besoin ;
Considérant que cette autorisation doit être uniforme, et que, jusqu'à ce jour, des permissions différentes ont été accordées par diverses autorités ;
Considérant, enfin, que toute femme qui, après la publication de la présente ordonnance, s'habillerait en homme, sans avoir rempli les formalités prescrites, donnerait lieu de croire qu'elle aurait l'intention coupable d'abuser de son travestissement,
Ordonne ce qui suit :
1 - Toutes les permissions de travestissement accordées jusqu'à ce jour, par les sous-préfets ou les maires du département de la Seine, et les maires des communes de Saint-Cloud, Sèvres et Meudon, et même celles accordées à la préfecture de police, sont et demeurent annulées.
2 - Toute femme, désirant s'habiller en homme, devra se présenter à la Préfecture de Police pour en obtenir l'autorisation.
3 - Cette autorisation ne sera donnée que sur le certificat d'un officier de santé, dont la signature sera dûment légalisée, et en outre, sur l'attestation des maires ou commissaires de police, portant les nom et prénoms, profession et demeure de la requérante.
4 - Toute femme trouvée travestie, qui ne se sera pas conformée aux dispositions des articles précédents, sera arrêtée et conduite à la préfecture de police.
5 - La présente ordonnance sera imprimée, affichée dans toute l'étendue du département de la Seine et dans les communes de Saint-Cloud, Sèvres et Meudon, et envoyée au général commandant les 15e et 17e divisions militaires, au général commandant d'armes de la place de Paris, aux capitaines de la gendarmerie dans les départements de la Seine et de Seine et Oise, aux maires, aux commissaires de police et aux officiers de paix, pour que chacun, en ce qui le concerne, en assure l'exécution. »
Le Préfet de Police Dubois
Ne soyons pas bégueule. Il y a tout de même eu quelques petites avancées durant ces deux siècles. En 1892 et 1909 deux circulaires préfectorales autorisent le port féminin du pantalon sous certaines conditions. Il suffisait que la femme tienne pas la main un guidon de vélocipède ou les rênes d'un cheval. Ce n'est pas très pratique, surtout que si la femme n'en a sur elle que le guidon, comment savoir s'il s'agit d'un vélocipède ou d'une vulgaire bicyclette ?
Le 27 septembre 2010, le conseil de Paris qui n'avait certainement strictement rien d'autre à faire ce jour-là — le quota de construction de couloirs de bus et autres hérésies municipales ayant déjà été consommé —, le conseil de Paris disais-je votait deux vœux distincts déposés par les élus PCF/PG et par les Verts pour demander au préfet de police, puisque c'est lui qui a le pouvoir en la matière, d'abroger cette ordonnance aussi désuète qu'incongrue, mais encore en vigueur à l'époque.
J'aimerais assez que les élus en question m'indiquent quand la dernière femme a été condamné à la suite de l'exécution de cette ordonnance. Parce que ce n'est pas parce qu'il existe une ordonnance que celle-ci est encore appliqué. Il n'est heureusement pas encore interdit à l'homme de loi d'être intelligent.
Désormais abrogée depuis le 31 janvier 2013 et dépourvue de tout effet juridique, l'ordonnance du 7 novembre n'est plus qu'une pièce d'archives, conservée comme telle par la préfecture de police de Paris. Et c'est bien dommage. Nous aurions pu étendre cette ordonnance aux travestis du Bois de Boulogne histoire de faire un peu de ménage.